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Enquête

Les propositions sont obligatoires, même à l'étranger

Enquête | publié le : 21.06.2005 | Céline Lacourcelle

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Les propositions sont obligatoires, même à l'étranger

Crédit photo Céline Lacourcelle

L'article L.321-1 impose le reclassement des salariés dans le groupe, en France ou à l'étranger. A défaut, c'est l'ensemble du PSE qui peut être entaché de nullité.

L'affaire avait fait grand bruit. En avril dernier, un chef d'entreprise alsacien, à l'aube d'une restructuration, avait proposé à neuf de ses salariés des postes en Roumanie pour 110 euros mensuels. Quelques semaines plus tard, d'autres employeurs lui emboîtaient le pas. Cette fois, les emplois étaient à pourvoir au Mexique, en Arménie et en Chine.

Obligation légale

Si ces propositions ont de quoi scandaliser, elles répondent pourtant à une obligation du droit du travail français. En effet, l'article L. 321-1 du Code du travail est très clair : « Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. »

« Ce sont les jurisprudences qui ont élargi, par petites touches, le champ des reclassements à envisager : en interne, puis au sein du groupe et, enfin, en externe », explique Me Olivier Meyer, du cabinet d'avocats parisiens D, M. & D.

Permutabilité du personnel

« Ainsi, les juges ne s'arrêtent pas à la seule organisation capitalistique du groupe pour déterminer le périmètre de reclassement potentiel. Ils prennent aussi en considération les éléments de fait permettant de caractériser la permutabilité du personnel et ont, par exemple, reconnu un groupe de reclassement entre des entreprises ayant de simples relations de partenariat », précise Me Lionel Vuidard, du cabinet Latham & Watkins. En clair : si l'entreprise a la possibilité de proposer des postes chez elle ou chez des sous-traitants, par exemple, elle doit le faire, et ce, dans l'Hexagone ou ailleurs. Pour autant, il est conseillé de ne pas s'arrêter à la lettre de l'obligation légale de reclassement sur un emploi. « Lorsqu'il existe un fort différentiel de salaire entre le poste supprimé en France et le poste de reclassement à l'étranger, je conseille aux entreprises d'accompagner leurs propositions d'un complément salarial et de divers mécanismes compensatoires tels que des primes d'installation », signale Me Agnès Cloarec-Mérendon, associée de Latham & Watkins.

Propositions sérieuses

Reste à voir si les salariés sont capables de s'adapter, c'est ainsi que « l'on jugera si la proposition est sérieuse et loyale », ajoute cette dernière. En ligne de mire : les compétences linguistiques des intéressés, qui peuvent être un moyen de réduire le périmètre du reclassement à l'international, mais à condition que l'entreprise ait préalablement satisfait à ses obligations de formation et d'adaptation des salariés concernés.

Sur ce point, les jurisprudences varient au cas par cas. Une entreprise ayant proposé un reclassement en Allemagne s'est vu déboutée en cour d'appel car elle n'avait pas réalisé les efforts suffisants devant conduire le salarié à maîtriser parfaitement l'allemand. A l'inverse, une entreprise qui n'avait pas proposé un reclassement en Grande-Bretagne parce que le salarié n'était pas bilingue en anglais a obtenu gain de cause.

Décalage avec les attentes des salariés

« Ce n'est pas du cynisme que de faire ce que le législateur ou les juges exigent. Ce qui pose fondamentalement problème, ce n'est pas la proposition de solutions de reclassement inacceptables ; le problème est que les contraintes conjuguées de la loi, de la jurisprudence et du contexte économique mondial conduisent mécaniquement à devoir formuler des propositions en complet décalage avec les attentes légitimes d'un salarié français », commente Me Meyer.

« Car les risques sont grands de ne pas suivre ces obligations. Ainsi, les licenciements économiques peuvent tout simplement être déclarés sans cause réelle et sérieuse, ce qui entraîne, selon Me Cloarec-Mérendon, le versement de dommages et intérêts. » « A terme, ajoute Me Meyer, c'est le PSE qui peut être mis à mal et entaché de nullité. »

Auteur

  • Céline Lacourcelle