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« Un an de «tir à la corde» »

Dossier | ENTRETIEN AVEC | publié le : 07.06.2005 | L. G.

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« Un an de «tir à la corde» »

Crédit photo L. G.

E & C : La réforme de la formation a ceci de spécifique qu'elle a été signée par la CGT. Comment percevez-vous l'année qui vient de s'écouler ?

R. R. : Cela a été un an de «tir à la corde». La loi du 4 mai 2004 est en recul sur l'ANI du 5 décembre 2003 : DIF normé hors temps de travail, reconnaissance de la qualification acquise subordonnée à l'exercice du droit hors temps de travail, etc. Pour autant, elle est aussi révélatrice d'une exigence d'appropriation collective et offensive par les salariés. L'épreuve du «tir à la corde» est loin d'être terminée, alors que se poursuivent négociations de branche et d'entreprise et qu'interfèrent, à juste titre, aussi bien les questions de l'éducation, de l'emploi et du temps de travail que les enjeux territoriaux.

Alors qu'il a fallu dix-huit mois pour conclure les avenants de la négociation de réseau sur le DIF dans le cadre des Opca interprofessionnels et que ceux concernant l'entretien professionnel, le passeport formation et la VAE ne sont toujours pas signés, il est manifestement encore trop tôt pour mesurer l'impact des textes légaux et conventionnels adoptés sur la vie des entreprises et la situation des salariés.

Les employeurs déclarent concéder que le salarié soit acteur de sa propre évolution professionnelle, tout en comptant bien demeurer les metteurs en scène. Avec cette réforme, les salariés accepteront-ils de continuer à faire de la figuration ?

E & C : Quelle est votre lecture du DIF aujourd'hui ?

R. R. : Le DIF est bien un droit et non un dispositif circonscrit par une enveloppe budgétaire. Quand le salarié le prend, l'entreprise doit payer. Le choix de l'action est à l'initiative du salarié et non une codécision. Il peut tenir compte des priorités de la branche ou des conclusions de l'entretien ; mais il ne doit pas s'y subordonner, encore moins pour des contraintes de mutualisation. D'ailleurs, l'entretien peut se dérouler aussi à l'initiative du salarié. Il a vocation à l'aider à construire son projet professionnel et non à permettre son évaluation par sa hiérarchie.

E & C : Avez-vous eu des craintes sur le passeport formation ?

R. R. : Le passeport formation existe à la discrétion du salarié et ne constitue pas un outil de gestion du «capital humain».

E & C : Faut-il revoir la mise en oeuvre du contrat de professionnalisation ?

R. R. : Il reste un dispositif d'insertion professionnelle destiné aux jeunes sortis du système scolaire sans diplôme. Il n'est pas une voie déguisée de formation initiale concurrente de l'enseignement professionnel ou supérieur et de l'apprentissage.

La loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social avait déjà marqué un premier recul sur l'accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003 sur l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle.

Quelques mois avaient suffi au législateur pour redonner au patronat une partie de ce qu'il avait dû lâcher dans la négociation : DIF normé hors temps de travail, reconnaissance de la qualification acquise subordonnée à l'exercice du droit hors temps de travail, etc.

La loi ne reprenant pas, par ailleurs, les dispositions conventionnelles du passeport formation et de la formation initiale différée et se refusant à élargir le droit à l'ensemble des salariés de droit public comme de droit privé, pendant qu'une circulaire de la DGEFP inscrivait la condition d'ancienneté dans l'entreprise à partir de la promulgation de la loi et donc l'effectivité du DIF à compter du 7 mai 2005, le patronat a pu paraître a contrario plus attentif aux intérêts des salariés en accordant, par exemple, l'effectivité du DIF au 1er janvier 2005. Ce qui était tout sauf une largesse.

Cela ne l'a pas empêché, bien au contraire, de mener au niveau de la négociation interprofessionnelle, de branche ou d'entreprise, un combat acharné pour revenir sur les dispositions conclues ou en atténuer au maximum les effets favorables aux salariés ou encore en avancer de nouvelles lui permettant de garder la main coûte que coûte. Nous concédons, se disent-ils, que le salarié soit acteur de sa propre évolution professionnelle, mais nous comptons bien demeurer les metteurs en scène.

Les salariés accepteront-ils de continuer à faire de la figuration ? Les nouveaux droits acquis, la signature de la CGT et la logique de conquête qu'elle a su insuffler dans la négociation et qu'elle continue d'impulser, ses efforts de communication et d'irrigation du tissu social, son travail au syndicalisme rassemblé dans l'intérêt des salariés sont autant de points d'appui pour les luttes qu'ils doivent nécessairement mener.

L'année qui vient de s'écouler est révélatrice de cette exigence d'appropriation collective et offensive par les salariés pour contrer les ambitions patronales et faire fructifier les premiers acquis.

Oui, le DIF est bien un droit et non un dispositif circonscrit par une enveloppe budgétaire. Quand le salarié le prend, l'entreprise doit payer.

Oui, le choix de l'action est à l'initiative du salarié et non une co-décision.

Oui, ce choix est libre : il peut tenir compte des priorités de la branche ou des conclusions de l'entretien ; mais non, il ne doit pas s'y subordonner, encore moins pour des contraintes de mutualisation.

Oui, l'entretien peut se dérouler aussi à l'initiative du salarié et il a vocation à l'aider à construire son projet professionnel et non à permettre son évaluation par sa hiérarchie.

Oui, le passeport formation existe à la discrétion du salarié et ne constitue pas, non, un outil de gestion du « capital humain ».

Oui, le contrat de professionnalisation est un dispositif d'insertion professionnelle par alternance calibré de 6 à 12 mois et destiné à faire obtenir une qualification professionnelle aux jeunes sortis du système scolaire sans diplôme, et à ce titre modulable pour s'adapter à la situation du jeune et à l'objectif qu'il poursuit ; non, il n'est pas une voie déguisée de formation initiale concurrente de l'enseignement professionnel ou supérieur et de l'apprentissage.

Oui, les certificats de qualification professionnelle (CQP) ne sont légalement accessibles par la validation des acquis de l'expérience (VAE) que s'ils sont dûment enregistrés au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) par arrêté ministériel après instruction par la commission nationale de la certification professionnelle (CNCP), se voyant ainsi conférée un statut de certification à part entière, et non de simple indicateur interne à la branche dans sa gestion des flux de personnel par les compétences.

On le voit, l'épreuve du « tir à la corde » est loin d'être terminée, alors que se poursuivent négociations de branche et d'entreprise - y compris dans l'économie sociale et la fonction publique - et qu'interfèrent, à juste titre, aussi bien les questions de l'éducation, de l'emploi et du temps de travail (où les jeunes comme les « seniors » sont d'actualité) que les enjeux territoriaux - du local à l'Europe en passant par les bassins, les départements et les régions (les Régions) - et d'organisation de la société.

L'exigence sociale d'élévation de la qualification, de développement de l'emploi, d'amélioration des conditions de vie et de travail imposent appelle les salariés à activer individuellement les leviers à leur disposition et à peser collectivement sur les orientations de l'entreprise.

En ce qui concerne la formation professionnelle continue, alors qu'il a fallu quelque dix-huit mois pour conclure les avenants de la négociation de réseau sur le DIF dans le cadre des OPCA interprofessionnels et que ceux concernant l'entretien professionnel, le passeport formation et la VAE ne sont toujours pas signés, il est manifestement encore trop tôt pour mesurer l'impact des textes légaux et conventionnels adoptés sur la vie des entreprises et la situation des salariés.

A un an de son congrès, la CGT peut légitimer trouver dans les actions des salariés comme de ses organisations des signes d'encouragement à sa démarche de conquête sociale dans le cadre de la construction avec eux d'une sécurité sociale professionnelle et d'un nouveau statut du travail salarié propre à répondre aux formidables défis qui nous attendent.

Auteur

  • L. G.