logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

L'intérim expérimente l'emploi permanent

Enquête | publié le : 24.05.2005 | A. B.

Image

L'intérim expérimente l'emploi permanent

Crédit photo A. B.

Le travail temporaire voit ses fonctions élargies : les entreprises du secteur peuvent désormais proposer des CDD et des CDI. Une petite révolution née de la loi de cohésion sociale, qui modifie en profondeur les règles du recrutement. Détail des méthodes.

« Franchement, le résultat est parfait. » Si le Fouquet's (groupe Lucien Barrière) ne faisait, jusqu'ici, jamais appel à des sociétés d'intérim pour recruter, le célèbre restaurant pourrait bien changer d'avis d'ici peu, notamment pour préparer l'ouverture d'un hôtel de luxe sur les Champs-Elysées, en 2006. « J'ai reçu 5 CV parfaitement ciblés de la part de Manpower, constate, satisfait, Alexandre Copain, responsable du recrutement de l'établissement. Le recrutement s'est déroulé sur trois semaines et, tout au long de cette période, le suivi a été mené avec minutie par le consultant. A titre de comparaison, l'ANPE m'a fourni 150 CV répondant plus ou moins bien à ma demande. » La prestation a été facturée 2 700 euros, soit un rabais de 300 euros par rapport au prix initial.

Huit étapes

Pour satisfaire son client, Manpower a mis au point, dès décembre dernier, une méthode comportant huit étapes, allant de l'analyse de poste jusqu'à l'intégration définitive du candidat, en passant par toutes les phases du recrutement : présélection, tests psychotechniques et d'aptitude, entretien en face-à-face, accompagnement au cours de la période d'essai.

« Les entreprises ne disposent pas toujours de structure interne pour recruter leur personnel permanent, indique Samir Berkane, consultant en recrutement, ex-chargé de recherche dans un cabinet de recrutement. On accompagne notre client en lui proposant une méthodologie précise, et dans le but d'assurer une adéquation optimale entre le poste et le candidat. »

Comme Manpower, les sociétés de travail temporaire se positionnent sur ce nouveau marché, résultant de la loi de cohésion sociale. Elles pourront désormais proposer des contrats permanents à leurs clients et facturer aux entreprises le recrutement de leurs salariés.

Un million de candidats

VediorBis vient de lancer Recruteo, sa nouvelle offre de placement, qui donne un accès à un vivier de plus d'un million de candidats, enrichi, chaque mois, de 50 000 nouveaux profils. Randstad, de son côté, a ouvert une nouvelle entité, baptisée Randstad Professional, pour le recrutement des cols blancs. Parallèlement, l'agence cible le marché des cols bleus, ses clients habituels : « Nous développons cette activité sur des métiers que nous connaissons bien : soudeur, chaudronnier, chauffeur routier, électricien, téléopérateur. »

Adia a lancé le concept de «jobstores» pour ses agences, et Creyf's a développé une nouvelle offre, Creyf's Placement, principalement en direction des PME et des TPE. « Jusqu'à présent, aucun acteur privé n'était actif sur le marché du recrutement en CDD et en CDI des ouvriers, des employés et des agents de maîtrise, indique Marc Frustié, président de Creyf's France. Il y avait un manque pour ces candidats qui avaient le choix entre l'intérim, la candidature spontanée et les services de l'ANPE. Le potentiel est immense : 60 % de la population active française ne bénéficie pas des services d'un cabinet de recrutement. » Les offres recueillies seront proposées en priorité aux intérimaires justifiant d'au moins 150 heures de mission.

Offre globale

Toutes les ETT poursuivent le même objectif : proposer une offre globale en matière de ressources humaines en mettant en avant leur savoir-faire RH. Car, si elles se sont déjà ouvertes à la formation professionnelle, au coaching, ou encore à l'évaluation, elles regardent cette évolution législative avec intérêt. RHI intérim compte réaliser 10 % à 15 % de son activité en recrutement, et projette même d'atteindre les 25 % à plus long terme.

La réactivité est la clé des offres. « Nous proposons de satisfaire le client sous 72 heures », affirme Alain Giraud, directeur de la division Sud de l'agence de Randstad. RHI intérim s'engage, de son côté, à fournir un candidat dans un délai de 48 heures à une semaine. Creyf's promet une présentation de candidats au plus tard quinze jours après la demande.

Mais, surtout, le modèle économique proposé par les entreprises de travail temporaire marque une rupture par rapport aux méthodes des cabinets de recrutement, notamment ceux regroupés au sein du Syntec, l'organisation professionnelle. Si, jusqu'ici, un cabinet facturait en trois fois (au début de la commande, à la prise de poste et à la fin de la période d'essai), ce ne sera plus vrai avec les ETT. La plupart proposent un paiement au résultat.

Pas d'acompte

RHI Intérim, spécialisé en comptabilité et finances, par exemple, facture la totalité de la prestation du client uniquement au moment de la prise de poste. Aucun acompte n'est demandé. Idem chez Randstad. En cas de rupture de la période d'essai, Creyf's propose gracieusement de nouveaux profils. Coût de ces prestations ? Entre 15 % et 25 % du salaire annuel, selon les profils recrutés. Si les cabinets de recrutement parlent déjà de méthodes low cost et de prestations à moindre valeur ajoutée, les ETT rétorquent, de leur côté, qu'il s'agit de capter un segment de marché jusqu'ici délaissé par les recruteurs.

« Le monde des cols bleus va être bouleversé », prédit Alain Giraud, qui a déjà effectué 34 recrutements depuis un mois et demi. Mais cette réforme pourrait bien modifier les comportements. Qui empêchera, en effet, une société d'intérim de cibler des niveaux de qualification plus élevés et de piocher en dehors de son vivier traditionnel ? Affaire à suivre.

Auteur

  • A. B.