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Incontournable Internet

Enquête | publié le : 17.05.2005 | Jean-François Rio, Céline Lacourcelle

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Incontournable Internet

Crédit photo Jean-François Rio, Céline Lacourcelle

Internet s'impose dans les DRH comme un outil incontournable de la politique de recrutement. Les sites emploi des entreprises sont de plus en plus évolués : marketés pour doper l'image de marque employeur et dotés de systèmes de gestion de candidatures pour augmenter la performance du recrutement. La montée en charge du Net profite parallèlement aux grands job boards généralistes, dont le nombre ne cesse de se resserrer autour d'une poignée d'acteurs.

L'automne dernier, une étude édifiante, réalisée par le cabinet- conseil américain Aberdeen Group, sur le retour sur investissement du e-recrutement et des systèmes de gestion des candidatures, est passée quasiment inaperçue en France. Pourtant, à la lecture de ses principales conclusions, rapportées par le site Focus RH, on comprend mieux pourquoi les entreprises ne jurent aujourd'hui que par le web pour recruter.

Que nous apprennent les consultants américains ? Que le montant des économies dégagées par le recrutement en ligne est proportionnel au nombre annuel d'embauches ; qu'une entreprise qui recrute 10 000 personnes va économiser jusqu'à 900 dollars par recrutement ; que le délai de recrutement diminue dans une proportion qui oscille entre 50 % et 63 % ; que le budget intérim des sociétés a fondu comme neige au soleil, de 45 % en moyenne ; que la formalisation d'une offre d'emploi revient, grâce à l'informatique, à moins de 3 dollars, contre 50 dollars lorsque celle-ci est conçue manuellement. Aberdeen Group enfonce définitivement le clou : dans une grande entreprise étudiée, dont le nom n'a pas été dévoilé, le recrutement en ligne a généré, dès la première année, des économies de 15 millions de dollars en gains directs !

Gain de temps et d'argent

« L'équipementier sportif Nike, pour qui nous avons déployé, dans 25 pays, notre solution de gestion des candidatures, nous a signalé qu'avec ce système, la durée moyenne d'un recrutement était passée de 62 jours à 42, et que le coût unitaire d'une embauche avait été divisé par deux », rapporte, en outre, Patrice Barbedette, fondateur et directeur général adjoint de Jobpartner.

Baisse des budgets dédiés aux annonces presse, à l'intérim, aux cabinets de recrutement et aux sites emploi, réduction des délais d'embauche, voire allègement de la masse salariale dans les services emploi des entreprises, le recrutement en ligne, exercé depuis les sites corporate, est, à l'évidence, un levier que les DRH n'hésitent plus à actionner pour contribuer à la performance de leur entreprise.

Moyen de communication

Analyser la pertinence du e-recrutement par le seul prisme financier serait toutefois réducteur. Pour un employeur, en effet, disposer d'une adresse web pour son recrutement est aussi un moyen efficace de communiquer sur les valeurs et la culture de l'entreprise. Le site devient alors partie intégrante d'une politique de promotion de la marque employeur.

Pas étonnant, dans ces conditions, qu'Internet soit devenu l'instrument indispensable qui accompagne les politiques de recrutement des entreprises. Les études convergent, d'ailleurs, sur ce point. Ainsi, selon l'enquête Keljob, réalisée auprès des 1 000 premières entreprises françaises, 61 % d'entre elles disposent d'une rubrique offres d'emploi sur leur site corporate, contre 54 % en 2004 et 26 % en 2001 !

Montée en puissance

« 100 % des entreprises du SBF 80 ont un site de recrutement. Elles n'étaient que 30 % il y a quatre ans et 5 % il y a six ans », ajoute Patrick Pedersen, directeur des opérations de Monster France. Le bilan de l'année 2004, dressé par l'Observatoire Internet et Emploi/Keljob, à partir d'un panel de 200 sites Internet (job boards, sites spécialisés, ANPE, entreprises du CAC 40, agences d'intérim, cabinets de recrutement), relève, quant à lui, une progression annuelle de 55 % de la publication des offres d'emploi sur le web.

Côté internautes, les chiffres sont également éloquents. L'étude réalisée par TNS Sofres, pour le compte de RegionsJob, montre que 71 % des chercheurs d'emploi utilisent Internet. Pour les chercheurs actifs, la toile s'est même imposée comme le média numéro 1. Accès rapide à une annonce récente, possibilité de cibler ses recherches suivant des critères précis, gain de temps et réduction des délais de réponse sont, pour les candidats, les principales vertus d'Internet.

Cadre réglementaire

La tendance risque encore de s'accentuer. Car les offres d'emploi sur le Net sont, depuis la loi de cohésion sociale, encadrées. Impossible, désormais, de tromper le consommateur : les offres doivent être claires, lisibles, datées et non anonymes. Un cadre réglementaire qui complète les règles de déontologie que se sont fixées les principaux acteurs de l'emploi sur Internet au travers de la charte Net-Emploi, dont le mérite revient à l'ANPE.

Outre les entreprises, les grands bénéficiaires de cette montée en puissance du web sont bien les job boards généralistes (lire article p. 19). Après le «coup de chaud» de la bulle Internet, ce marché s'est naturellement consolidé. Ultime péripétie : celle de Monster, qui a mis la main, en février, sur Emailjob, après avoir racheté Jobpilot au suisse Adecco.

Position de quasi-monopole

Avec 43 % de pénétration sur le marché du online en France, les velléités du job board américain affolent la concurrence et font craindre, à certains de ses clients et de ses prospects, une position de quasi-monopole. « Beaucoup d'interrogations se font jour. Comment, par exemple, contrer la force de frappe commerciale de ce nouvel ensemble ? », s'inquiète Cyril Janin, président du directoire de Keljob.

Derrière les sites de l'Apec et de l'ANPE - qui tirent profit de leurs réseaux pour irriguer leurs sites d'offres d'emploi -, le nombre de job boards se resserre donc autour d'une poignée de majors : Monster, Keljob, RegionsJob, qui est absent de l'Ile-de-France, Cadremploi et Cadresonline. « Quant aux sites spécialisés sur des secteurs ou des métiers, ils ne peuvent pas lutter. Ils disparaissent aussi vite qu'ils sont apparus », souffle un expert. « Notre force, c'est la connaissance de nos clients », rétorque Cédric Barbier, gérant du site Les jeudis. com, un job board créé dans le sillage des salons de recrutement «Les Jeudis de l'informatique», qui revendique 16 000 visiteurs uniques par jour... et un résultat financier positif. Cette concentration a poussé les organes de presse à réagir. Après avoir pris des parts dans le capital des job boards, ils créent désormais leurs propres sites emploi. Le dernier-né est Jobtel.com, le site du groupe Amaury (Le Parisien, L'Equipe...), qui cible le marché des non-cadres.

Diversification obligatoire

Dans cet univers à couteaux tirés, les sites emploi sont aussi contraints de se diversifier. Objectif : se démarquer de la concurrence et répondre aux nouveaux besoins des entreprises. Parmi les services en vogue : les systèmes de gestion des candidatures. Chez Monster France, par exemple, cette activité est même devenue la troisième source de revenus. « Le candidat, explique Patrick Pedersen, se greffe sur le site recrutement de l'entreprise, mais, derrière, c'est une solution Monster qui fait fonctionner l'application. Finalement, nous dupliquons chez nos clients ce que nous faisons avec notre site. »

Externaliser le back office du recrutement, c'est ce que proposent les sociétés spécialisées dans les solutions logicielles de traitement des candidatures. Lesquelles sont, dorénavant, toutes commercialisées dans un format ASP. « Il y a eu trois phases successives, observe Damien Nolan, directeur général de i-Grasp France. Tout d'abord, les entreprises ont posté leurs offres sur des job boards. Puis, elles ont monté leurs sites pour y publier leurs annonces. Rapidement inondées de CV mal ciblés, elles se sont équipées d'outils de gestion pour être plus réactives. Nous sommes actuellement dans cette troisième étape. » Pour une entreprise, ces solutions permettent de gérer l'ensemble du processus de recrutement, de la publication de l'annonce jusqu'à l'embauche du candidat. L'employeur bénéficie aussi d'une traçabilité sur les candidatures, tandis que les offres et les CV reçus peuvent être partagés par la communauté des recruteurs.

Gestion qualitative

« Pour nous, qui évoluons avec Activrecruiter de Jobpartner, l'intérêt est de pouvoir gérer les candidatures de manière qualitative (suivi, historique, constitution d'une CVthèque, convocation à un entretien...) à partir d'une entrée unique. De plus, la solution est dotée d'un outil de «multiposting» : l'offre est envoyée automatiquement et simultanément vers plusieurs adresses web présélectionnées, job boards ou sites partenaires de l'entreprise, du type association d'anciens élèves... », commente Isabelle Lovett, responsable du département emploi et compétences chez Chronopost (4 620 salariés en France). « Les entreprises veulent soigner la relation avec le candidat, le traiter en consommateur. Tout cela passe par un site corporate évolué, qui doit être une vitrine. Mais, en amont, il faut gérer la logistique du magasin », prévient Patrice Barbedette.

Réel besoin

L'engouement pour ces plates-formes de gestion des candidatures est tel qu'un prestataire comme Taleo France (ex-Recruitsoft) a enregistré, lors du premier trimestre de cette année, autant d'appels d'offres que sur l'ensemble de 2004.

« Bien sûr, il y a un regain des investissements lié à la conjoncture, souligne Stéphane Amiot, directeur du développement de Taleo France, mais cette effervescence correspond à un réel besoin des entreprises. Celles-ci fourbissent leurs armes dans le cadre de futurs plans de recrutement, puis c'est un élément de compétitivité. L'enjeu, c'est de recruter les meilleurs candidats avant les concurrents. »

L'administration se met peu à peu au e-recrutement. Plusieurs sites sont désormais actifs. Le premier d'entre eux, <service-public.fr> et sa rubrique «Travailler dans l'administration» recensent les différents postes à pourvoir dans la fonction publique d'Etat. On y trouve l'intitulé des postes ouverts sans concours (agents de service) dans les ministères et les préfectures, ainsi que la procédure à suivre pour postuler, qui se fait... par courrier postal.

Parallèlement, le site de la fonction publique, <www.bourse.fonction-publique. gouv.fr>, dans sa rubrique «bourse à l'emploi», affiche plus d'une centaine d'offres pour les fonctionnaires de toutes catégories (A, B, C...). Autres sources possibles : le site du Centre national de la fonction publique territoriale, <www.cnfpt.fr>, et sa bourse nationale de l'emploi. En ligne : les offres et les demandes de l'ensemble des fonctionnaires de catégorie A et B.

Enfin, le site de la Fédération nationale des centres de gestion, <www.fncdg.com>, centralise, pour sa part, les besoins des collectivités territoriales. Il présente comme particularité de mettre en ligne les postes ouverts aux contractuels.

Côté fonction publique hospitalière, le portail < sante.fr > concentre les postes à pourvoir en CDD et CDI dans les différentes agences sanitaires. A noter, l'expérience de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, lancée cet hiver, et son site, <www.infirmieres.ap-hp.fr>, dédié à la campagne de recrutement de 1 200 infirmières. Plus de 700 candidatures y ont convergé.

Le cas échéant, les différentes administrations font appel aux sites de l'Apec et de l'ANPE, voire à certains job boards généralistes. Reste les initiatives personnelles. Il n'est, ainsi, pas rare que les conseils régionaux et généraux disposent de leur propre rubrique emploi. C'est le cas, par exemple, de la région Bretagne depuis 2003, et des régions Lorraine et Rhône-Alpes. Au conseil général du Var, Internet est, ainsi, devenu un support de poids « pour, notamment, les postes difficiles à pourvoir comme ceux de chargés de mission très spécialisés et certains CDD », explique Bernard Martin, le DRH. La motivation est double : « D'une part, nous nous assurons d'une large audience ; d'autre part, nous faisons des économies », explique Valérie Hubière, responsable du service emploi, mobilité et recrutement. Désormais, les e-candidatures représentent 36 % du total des candidatures reçues. Et, depuis le début de l'année, Internet a été le seul média utilisé pour le recrutement du département varois.

L'essentiel

1 Plus économique, plus efficace, Internet s'impose dans les services recrutement des DRH. Alors que la majorité des grandes entreprises françaises ont leur site emploi, 71 % des candidats utilisent le Net pour leurs recherches.

2 Pour gérer la masse des CV, les entreprises ont doté leurs sites de solutions informatiques. La tendance ? Des plates-formes ASP de gestion du back office du recrutement.

3 La montée en puissance du Net a, par ailleurs, favorisé l'émergence des job boards généralistes.

Des offres d'emploi sur mon téléphone portable

On n'arrête plus le progrès. Il est désormais possible de consulter et de répondre à des offres d'emploi à partir de son téléphone portable. Tel est le service que propose Mobiljob, une société créée, en février dernier, par d'anciens collaborateurs de TMP Worldwide et de Jobpilot. Fonctionnant sur le principe d'un site emploi classique, dont il reprend aussi le modèle économique, Mobiljob vise une population de non-cadres (de niveau 3e à bac + 2) qui ne dispose pas d'un accès régulier à Internet, ainsi que des secteurs en butte à des problématiques de recrutement (BTP, restauration...).

Accessible depuis le 21 mars dernier via les trois opérateurs téléphoniques, Mobiljob a déjà été visité par 20 000 personnes et 2 000 CV ont été déposés. Ses premiers clients ? Accor, Creyfs'Interim, les supermarchés Leclerc ou encore le Crédit Lyonnais.

Auteur

  • Jean-François Rio, Céline Lacourcelle