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Les Pratiques

Ces entreprises où le lundi de Pentecôte restera férié

Les Pratiques | Point fort | publié le : 03.05.2005 | Rodolphe Helderlé

Des entreprises ont décidé de prendre entièrement à leur charge le financement de la journée de solidarité, sans contrepartie pour les salariés. Les DRH se montrent, en effet, circonspects sur les modalités d'application de la mesure, qui attise la grogne syndicale.

Le site du Collectif des amis du lundi (1) publie une liste à rallonge des entreprises et collectivités qui considéreront le lundi 16 mai comme férié. Les situations sont contrastées. Dans quelques rares entreprises, les délégués syndicaux ont signé des accords, sans avoir eu à exercer une pression particulière, aux termes desquels les directions acceptent que le lundi 16 mai reste férié, et qu'aucun jour de congé ne soit, par ailleurs, décompté. C'est notamment le cas de TF1, dont la situation économique est bonne. « Nous sommes surpris de voir à quel point la décision peut étonner à l'extérieur », souligne la direction de la communication, en précisant que le groupe contribuera à hauteur de 500 000 euros au financement de la journée de solidarité.

Tension sociale

Reste que cette loi porte les germes d'une certaine tension sociale. Chez Baxi par exemple, une société spécialisée dans les équipements de chauffage : faute d'accord, le lundi 16 mai sera travaillé, mais la DRH a proposé que le temps de travail soit ramené à 4 h 45 au lieu de 7 heures, afin que la société ne fasse pas de gain sur cette journée. Certains syndicats estiment, en effet, qu'une journée supplémentaire de travail rapporte davantage que les 0,3 % de la masse salariale cotisés par les employeurs.

Le secteur de l'assistance se trouve particulièrement exposé par la loi du 30 juin 2004, relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. Les quatre principales sociétés du secteur ont ainsi décidé, en dehors d'un accord de branche, que le lundi de Pentecôte serait toujours considéré comme un jour férié. La loi s'adapte mal, en effet, à un secteur qui fonctionne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Les salariés amenés à travailler de toute façon ce jour-là risquaient de ne pas percevoir les majorations de salaire associées aux jours fériés. Ainsi, chez AXA Assistance, la journée de solidarité ne change pas le mode d'organisation et aucun jour de congé n'est décompté. « Nous avons réussi à éviter l'application d'une double peine qui aurait consisté à faire travailler les salariés gratuitement ou à décompter un jour de RTT, tout en perdant les majorations de salaire prévues lorsque l'on travaille un jour férié », explique Jean-Loup Cuisiniez, délégué syndical CFTC. Voilà une filiale qui déroge à la politique de la maison mère, où le lundi 16 mai sera travaillé.

Salaire majoré

Chez Inter Mutuelles Assistance, également, le 16 mai reste férié, et les salariés qui travailleront ce jour-là percevront un salaire majoré. En revanche, l'ensemble des 1 130 salariés (dont 75 % sont à temps partiel) devront s'acquitter de la journée de solidarité entre mai et juin. La durée réelle de ce «jour» supplémentaire dépendra du temps de travail effectif de chaque salarié.

Accords d'annualisation

Les entreprises ayant mis en place des accords d'annualisation du temps de travail se trouvent manifestement dans une situation qui permet de satisfaire pleinement aux exigences de la loi sans que cela n'attise les tensions. Chez Latécoère, un équipementier aéronautique, le temps de travail annuel va passer de 1 600 à 1 607 heures mais le nombre de jours travaillés va en revanche rester le même. Les 7 heures supplémentaires de la journée de solidarité vont être ventilées.

Les syndicats mettent particulièrement la pression dans certaines entreprises. Chez Neuf Telecom, la CFTC a menacé d'appeler à la grève, en rappelant que l'action en justice menée par la confédération (lire encadré p. 22) pouvait se solder par un paiement rétroactif de cette journée travaillée gratuitement. La CFDT, elle, proposait de faire constater la présence de salariés dans l'entreprise au long de l'année en dehors des heures de travail prévues par l'accord ARTT. Lors du CE du 8 avril, la direction a accepté de ne pas ouvrir le lundi 16 mai. Mieux encore, elle en a profité pour proposer un avenant à l'accord ARTT. Neuf Telecom ne fixera plus deux RTT «employeur» (sur treize) mais une. Pour Emeric Cortadellas, délégué syndical CFTC, « l'entreprise s'y retrouve en termes de productivité. Dans le contexte d'un rapprochement avec un autre acteur des télécommunications, ce n'était pas non plus le moment de faire des vagues ».

L'argument religieux

Au-delà des arguments avancés sur le registre du droit, le fait religieux n'est pas absent. Si au niveau confédéral, la CFTC tient à rappeler que son combat n'a strictement rien à voir avec la religion, il n'en va pas toujours de même sur le terrain. « La CFTC s'appuie et s'inspire dans son action de la doctrine sociale de l'Eglise. Il est étonnant de constater que les autres organisations ont paru gênées de défendre le lundi de Pentecôte et que la CFTC se défend de rappeler son caractère religieux », affirme Jean-Loup Cuisiniez, délégué syndical CFTC d'AXA Assistance, qui précise, toutefois, « ne pas utiliser l'argument religieux dans ses tracts pour s'en tenir au droit du travail ». La motivation est aussi largement religieuse pour Arthur Collet, directeur des établissements Big Mat (11 salariés), implantés à Brienne-Le Château (10). « Cette mesure m'a mis très en colère. J'annonce clairement la couleur avec des affiches sur les vitrines des magasins et sur les factures », explique Christian Collet. Depuis le 1er mars et jusqu'au 14 juin, les factures porteront la mention suivante : « Attention ! le lundi de Pentecôte 16 mai 2005, nos établissements seront fermés. Nous entendons contribuer ainsi au rétablissement du caractère férié de ce jour dès 2006 ». Le marketing est donc à l'affiche. Les salariés, eux, se verront décompter un jour de RTT...

(1) <www.lesamisdulundi.com>

La Pentecôte travaillée attaquée en justice

La CFTC a saisi le 27 avril dernier le Conseil d'Etat pour contester la suppression du jour férié par le gouvernement, après que le tribunal administratif s'est déclaré incompétent. La confédération compte aller jusqu'à la Cour européenne des droits de l'Homme. « Nous contestons à la fois la notion de travail sans contrepartie de rémunération, qui s'assimile à du travail forcé, et le caractère discriminatoire d'une loi de solidarité nationale dont le financement repose exclusivement sur les salariés », avance Joseph Thouvenel, secrétaire général adjoint de la CFTC.

Du côté des DRH, malgré les affirmations d'Ernest-Antoine Seillière, président du Medef, selon lequel « il n'y a pas de problème dans les entreprises pour ce jour de travail supplémentaire », la confusion est souvent de mise. « Cette loi ne prévoit pas de nombreux cas de figure. En cas de grève par exemple, il semble difficile de faire une retenue sur salaire sur une journée où le salarié est censé travailler gracieusement », souligne Chantal Surget, DRH de Inter Mutuelles Assistance. Pour répondre à ces interrogations, la Direction des relations du travail a publié, le 20 avril dernier, une circulaire questions-réponses sur la mise en oeuvre de la journée de solidarité. Elle y rappelle, par exemple, que lorsqu'un jour férié n'est pas chômé, le refus de travailler d'un salarié autorise l'employeur à pratiquer une retenue sur salaire.

L'essentiel

1 La loi du 30 juin 2004 prévoit une journée de solidarité en faveur des personnes âgées et handicapées. Sa mise en oeuvre peut faire l'objet d'un accord collectif pour s'adapter aux contraintes de certains secteurs. A défaut, elle est fixée au 16 mai 2005.

2 Les syndicats mettent la pression en brandissant la menace d'un confit social et des possibles effets rétroactifs d'une décision du Conseil d'Etat ou de la Cour européenne des droits de l'Homme, à la suite d'une action en justice de la CFTC.

3 Le ministère du Travail vient de publier une nouvelle circulaire pour répondre aux interrogations des DRH sur la mise en place de cette journée de solidarité.

Auteur

  • Rodolphe Helderlé