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Le pessimisme s'installe

L'actualité | L'événement | publié le : 03.05.2005 | Anne Bariet

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Le pessimisme s'installe

Crédit photo Anne Bariet

La courbe du chômage grimpe, les perspectives d'amélioration s'éloignent. Et alors que les effets de la mondialisation s'intensifient avec, notamment, l'explosion des importations chinoises de textile, le gouvernement peine à trouver des solutions adaptées.

Recul du moral des industriels, stabilisation des intentions d'embauche pour les cadres, fermetures en chaîne dans le textile, ... C'est probablement la conjonction de tous ces facteurs qui expliquent la morosité actuelle.

Les mauvaises nouvelles se succèdent sur le front de l'emploi. Après plusieurs mois de baisse, l'indicateur reflétant le moral des industriels a cédé quatre points en avril par rapport à mars et dix points par rapport à octobre, selon l'Insee.

Signe que l'industrie française ne tourne pas à plein régime, les industriels témoignent d'une nette dégradation de leur production réalisée ces derniers mois. En pleine récession, le chômage n'a d'ailleurs pas résisté. La France compte 6 700 demandeurs d'emploi supplémentaires en mars, soit une augmentation de 0,3 % sur un mois et de 2,3 % sur un an. Le taux de chômage atteint 10,2 % en mars. C'est le troisième mois consécutif qui s'inscrit en hausse.

Encore moins d'embauches prévues

Le diagnostic est également partagé par l'Apec. D'après la note de conjoncture de l'Association pour l'emploi des cadres publiée le 27 avril, les intentions d'embauche marquent le pas. Seules 43 % des entreprises déclarent vouloir recruter au moins un cadre au deuxième trimestre 2005. Un score qui marque le coup d'arrêt à l'amélioration des intentions d'embauche enregistrée tout au long de l'année 2004. Le secteur du conseil avait pourtant affiché un regain d'optimisme. Déjà la profession, à l'instar du cabinet BearignPoint, - dont la filiale française a repris les activités du géant de l'audit Arthur Anderse -, d'Eurogiciel ou encore de Segula Technologies, sortait de la tourmente en annonçant le renforcement de ses équipes. Mais la prudence est, aujourd'hui, de mise.

L'industrie, le BTP et le commerce ne sauveront pas non plus les apparences. L'attentisme est fort dans ces trois secteurs.

Concurrence chinoise

Le secteur textile accuse, lui, la disparition des derniers quotas encadrant les échanges textiles internationaux. Face au «boom» des importations chinoises, le secteur, déjà moribond, plonge dans le rouge foncé. Les chiffres sont sans équivoque : sur les pantalons, la part de marché des importations chinoises est passée de 6 % en 2004 à 42 % en 2005. Pour les soutiens-gorge, les importations ont plus que doublé, passant de 29 % à 64 %. Deux soutiens-gorge sur trois sont désormais fabriqués en Chine. Une déferlante qui pourrait entraîner la disparition de 15 000 à 20 000 emplois cette année, selon les estimations de Guillaume Sarkozy, le président de l'Union des industries textiles (UIT), invité, le 25 avril, par l'Association des journalistes de l'information sociale (Ajis). « Nous n'avons pas les moyens de financer l'adaptation à la mondialisation. Nos coûts de production sont trop élevés. Les fonds structurels européens auraient dû être sectoriels, mais Bruxelles a refusé. La répartition géographique de ces aides ne correspond pas aux enjeux de la mondialisation ». Aveu d'impuissance face à une riposte européenne mal préparée ?

Dépôts de bilan

Déjà, les premiers signes de cette concurrence sont visibles. Deux entreprises du secteur ont déposé leur bilan : la Filature de Parthenay (Deux-Sèvres) du groupe Filature de Chéniménil (Vosges) qui emploie 68 salariés, et les établissements Savonnet, le plus important tricoteur de l'Aube, qui faisait travailler 44 personnes.

Face à cette débâcle annoncée, le gouvernement peine à trouver des solutions adaptées. De fait, le plan de Cohésion sociale tarde à montrer ses premiers effets. Les contrats d'avenir destinés à prendre la suite des CES et des CEC dans le secteur non-marchand, viennent à peine de démarrer. Les Maisons pour l'emploi n'ont pas vu le jour et le gisement des 500 000 emplois de service à la personne, si chers au ministre du Travail, restent pour l'heure, encore improbables.

Quant aux contrats de professionnalisation, qui remplacent les trois anciens contrats en alternance (orientation, adaptation et qualification), ils sont toujours à la peine. Fin avril, seuls 11 400 avaient été signés. Un résultat faible pour l'un des dispositifs phare de la réforme de la formation.

Contrôler les chômeurs

La tentation est alors forte de s'en prendre aux chômeurs. Déjà évoquée dans les rapports Marimbert, Cahuc-Kramarz et Camdessus, la question du contrôle des chômeurs refait surface. Faut-il culpabiliser les demandeurs d'emploi ? « Si le gouvernement veut accroître les sanctions vis-à-vis des chômeurs et transférer le pouvoir de sanction des pouvoirs publics vers les Assedic, ce sera un point de rupture », a averti Jean-Claude Mailly, le numéro un de FO. Alain Lecanu, secrétaire national chargé de l'emploi à la CFE-CGC, ne dit pas autre chose : « Commençons par faire appliquer et respecter les règles actuelles prévues par le Code du travail et la convention 2001 passée entre l'Unedic et l'Etat en la matière, et définissons ce que l'on entend par «recherches d'emploi insuffisantes» ».

Mesures reportées à l'après-référendum

Le renforcement du contrôle des demandeurs d'emploi devrait, pourtant, faire l'objet d'un décret définissant les nouvelles modalités de contrôle et les conditions de mise en oeuvre des sanctions pour recherches d'emploi insuffisantes. Mais les intentions du gouvernement ne seront dévoilées qu'après le référendum du 29 mai sur la constitution européenne.

Un délai qui ne devrait rassurer ni les demandeurs d'emploi, ni les salariés, qui sombrent à leur tour dans le pessimisme. Les récents événements ne les contrediront pas. Le 27 avril, la direction de la PME Sem Suhner de Schirmeck (Bas-Rhin), spécialisée dans la fabrication de bobines électriques, employant 38 personnes, proposait un reclassement en Roumanie à 9 de ses salariés pour 110 euros bruts par mois et 40 heures de travail par semaine. Des procédures jugées « inacceptables » par le locataire de la rue de Grenelle qui a condamné fermement « l'humiliation » faite à ces salariés. Mais une proposition révélatrice d'une course au «moins-disant social» qui inquiète de plus en plus les salariés français confrontés au «choc» de la mondialisation. Le pire est-il devant nous ?

Auteur

  • Anne Bariet