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Les accords sur le dialogue social restent rarissimes

Enquête | publié le : 03.05.2005 |

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Les accords sur le dialogue social restent rarissimes

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Seuls deux secteurs, employant un nombre minime de salariés, ont souhaité mettre en place le principe majoritaire d'adhésion. Dans les missions locales, trois syndicats se sont toutefois opposés à l'accord.

« Notre branche est pour l'instant restée sur le principe de la majorité d'opposition, et cela ne devrait pas évoluer, comme dans beancoup d'autres branches. On anticipe, en effet, les risques de la majorité d'adhésion, souligne Yves Desjacques, directeur général en charge des RH de l'entreprise d'intérim VediorBis. En revanche, une négociation est en cours pour officialiser le recours au mandatement dans les entreprises dépourvues de délégué syndical ».

Si quelques organisations patronales, à l'image du Syndicat des entreprises de travail temporaire, souhaitent négocier sur les modalités de dialogue social dans les PME (voir Entreprise & Carrières n° 748), extrêmement rares sont celles qui se risquent à négocier sur l'accord majoritaire d'engagement dans leur branche. « Personne ne tient à ouvrir le débat, estime Jean-Luc Cazettes, président de la CFE-CGC. Les relations syndicales actuelles sont suffisamment glaciales, et le Medef ne connaît pas assez bien le positionnement des uns et des autres pour prendre le risque de négocier ».

Blocage originel

Pour Maryse Dumas, secrétaire confédérale de la CGT, la loi Fillon elle-même est à l'origine du blocage : « Le texte prévoit que les branches peuvent instaurer la majorité d'engagement. Mais en soumettant cet accord à une non-opposition des trois syndicats hostiles à cette mesure, la loi referme très rapidement la porte entrouverte, reproche-t-elle. Quant aux employeurs, s'ils sont réticents à ouvrir les négociations sur ce thème, c'est que cela les arrange souvent de jouer des divisions syndicales ».

Malgré ces freins, deux branches ont ouvert, ces derniers mois, des négociations visant à mettre en place l'accord majoritaire. C'est le cas des Missions locales et permanences d'accueil (ML/ PAIO ; environ 10 000 salariés), dont la récente convention collective (2001) dispose déjà d'un article prévoyant l'organisation le même jour, dans toutes les entreprises, des élections professionnelles, afin de mesurer l'audience respective des organisations syndicales.

Répartition de la collecte

« Ces élections de représentativité permettent de répartir les sommes collectées pour le financement de la vie paritaire, explique Philippe Berhault, responsable de la fédération CFDT missions locales. Tous les employeurs cotisent à hauteur de 0,2 % de leur masse salariale totale : la moitié de cette somme est reversée aux organisations syndicales, en fonction, pour partie, de leurs résultats aux élections ».

Poussant un peu plus loin la logique, l'Union nationale des missions locales (UNML) a conclu avec la CFDT (51 %) et la CGT (30 %), le 3 mars dernier, un avenant à la CCN prévoyant l'instauration de l'accord majoritaire d'engagement tant dans la branche que dans les entreprises, l'extension du mandatement à tous les thèmes de négociation dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux et d'élus, ainsi que la systématisation du principe de faveur. La CFE-CGC, la CFTC et FO ont cependant fait jouer leur droit d'opposition, annulant de fait l'avenant.

Dans la branche du remorquage maritime (1 500 salariés répartis dans une dizaine d'entreprises), la CGT et la CFDT ont, en revanche, pu faire barrage aux minoritaires, et même obtenu que la CFE-CGC se prononce en faveur de l'accord instaurant la majorité d'engagement. Seule FO a décidé d'intervenir auprès du ministère du Travail, pour tenter d'empêcher l'extension du texte, signé le 10 décembre dernier.

Mode de validation

« Dans notre branche, nous avons affaire à des organisations syndicales assez redoutables et structurées, relate Jacques Fournier, président de l'Aperma (Association professionnelle des entreprises de remorquage maritime). Au mois de décembre dernier, nous étions en passe d'aboutir enfin à un accord sur les 35 heures, en négociation depuis 2000. Mais la loi Fillon avait remis à plat les règles de validité des accords. Nous nous sommes alors posé la question du choix du mode de validation de l'accord, et de l'opportunité d'un accord de méthode sur le dialogue social ». Face aux demandes de la CGT (ultramajoritaire, avec plus de 80 % d'adhérents) et de la CFDT d'obtenir la majorité d'adhésion, et soucieuse de maintenir la paix sociale en vue d'aboutir sur l'accord 35 heures - finalement paraphé par l'ensemble des syndicats -, l'organisation patronale opte pour un passage à l'accord majoritaire.

Les deux accords de décembre dernier (l'un pour les personnels officiers, l'autre pour les personnels non-officiers) prévoient ainsi l'instauration du principe majoritaire pour la signature des accords de branche, d'entreprise et de groupe, et la possibilité, pour les entreprises dépourvues de délégué syndical, de négocier et de conclure un accord avec les élus du personnel (accord qui doit être validé par la commission paritaire nationale de branche), ou, à défaut, d'avoir recours au mandatement (l'accord doit alors être approuvé par la majorité des salariés et par la commission paritaire). Les deux accords rétablissent, par ailleurs, la hiérarchie des normes.

La majorité renforcée

Pour être valables, ces deux accords devaient être signés par au moins trois syndicats (sur six). Au final, seule FO s'est engagée à les combattre, la CFTC et le STOM (autonome) s'abstenant et la CFE-CGC signant avec la CGT et la CFDT. « La CGC a signé l'accord, car elle ne trouvait pas normal que des syndicats représentant quelques poignées d'adhérents puissent bloquer un texte souhaité par un syndicat auquel adhèrent l'immense majorité des salariés », estime Yves Peignart, coordinateur national CGT pour le remorquage maritime. Pour la CFDT, la signature était également évidente : « D'abord, cela correspond à la position confédérale, souligne Joël Jouault, responsable de la fédération CFDT du remorquage maritime. Et puis il s'agit d'un accord à long terme. Nous n'avons pas, en effet, l'intention de rester minoritaire... » S. F.

Les principales dispositions de la loi

De nouveaux modes de validation des accords. Les accords interprofessionnels et de branche sont soumis au principe de la non-opposition majoritaire en nombre d'organisations syndicales. Toutefois, un accord de branche étendu peut prévoir la mise en place de l'accord majoritaire d'adhésion (l'audience des syndicats est mesurée par une élection de représentativité ou les résultats des élections professionnelles). Les accords d'entreprise sont soumis, par défaut, au droit d'opposition majoritaire, exercé par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés lors du premier tour des élections professionnelles. Un accord de branche étendu peut, là aussi, instaurer la majorité d'adhésion (signature par une ou plusieurs organisations syndicales majoritaires, ou, à défaut, consultation des salariés).

Une autonomie renforcée des différents niveaux de négociation. Dans la mesure où le caractère impératif de l'accord de niveau supérieur (interprofessionnel ou de branche) n'est pas précisé, l'accord de niveau inférieur peut contenir des dispositions différentes, hormis dans quatre domaines : les salaires minima, les classifications, les garanties collectives de protection sociale complémentaire et le financement de la formation professionnelle. Toutefois, les accords collectifs conclus avant le 4 mai 2004, même s'ils ne précisent pas leur caractère impératif, continuent de s'imposer aux accords de niveau inférieur.

Un élargissement de la négociation d'entreprise. La loi prévoit que dans la plupart des cas où le Code du travail renvoie la mise en oeuvre d'une disposition législative à un accord de branche, un accord d'entreprise peut intervenir. Cela concerne essentiellement des éléments relatifs au temps de travail.

L'officialisation de l'accord de groupe.

De nouvelles possibilités de négociation dans les entreprises dépourvues de délégué syndical.