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Si je veux, tout de suite, et rien d'autre !

Demain | Chronique | publié le : 03.05.2005 | De P.-L. Chantereau

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Si je veux, tout de suite, et rien d'autre !

Crédit photo De P.-L. Chantereau

Colloque sur le management. Encore un. Il parait que ça fait avancer la science ? Peut-être.

Les débats tournent autour de la question suivante : qu'est-ce qui est stable dans les pratiques de management des équipes, qu'est-ce qui est vraiment différent depuis vingt ans ?

Sujet classique. Réponse délicate.

Chaque expert (avec ou sans guillemets, c'est au choix) parle à son tour. Tente d'expliquer sa vision. Sa sensation, plutôt. Parce que chacun d'entre nous voit tellement peu de choses qu'il faut se méfier de nos opinions. Comparer, jauger, examiner, oui. Affirmer, prouver, démontrer, sûrement pas. Le management n'est pas encore une science. Tout juste une expérience fondée sur des échecs empilés. Et encore faut-il vivre assez vieux dans la discipline pour être en mesure d'être encore lucide au moment de raconter aux autres...

Bref, on devise, on tâtonne, on s'explique.

« Moi, dit un confrère, ce qui me parait le plus important, c'est la disparition lente mais continue de l'autorité hiérarchique. On en viendrait à oublier à quel point le gouvernement des équipes était confortable quand le statut protégeait les chefs. Et je ne vous raconte pas de vieilles histoires d'entreprise monarchique version Zola. Non, partout on négociait beaucoup moins et on obligeait beaucoup plus. C'est là le changement majeur. Et, du coup, c'est plus difficile pour beaucoup de managers ! Heureux, nécessaire, mais plus difficile. »

Sûrement vrai. En tous cas, nous avons souvent sous les yeux des exemples de patrons aujourd'hui démunis devant l'accueil fait à leurs tentatives d'injonction.

« Le plus notable, dit un autre, c'est la perte d'appétit pour l'entreprise. Le manque de confiance. La distanciation. Le court-termisme. Prendre ce job, foncer dedans, et ne pas faire de projets longs. C'est là, le fait marquant. La fin de la programmation des carrières, la fin des rêves à long terme, le renoncement à construire dans la durée. C'est le travail comme un acte de consommation : furtif et sans projection dans l'avenir. »

Hélas, le propos sonne juste. A retenir.

« La vraie nouveauté, dit un troisième, c'est notre nouvelle adoration de l'instant. Notre culte un peu béat de l'immédiat. Notre agitation sans repères forts dans le temps. Tout pousse à ça : les portables, Internet, les 35 heures, la pression concurrentielle, les exigences du marché. Et le plus étonnant, c'est de voir que nous l'acceptons assez bien. Surtout si on pense aux générations qui nous précèdent, entièrement dépendantes du rythme des saisons, de la lenteur des transports, de l'incertitude de l'avenir. Voilà notre mutation essentielle. »

Si je comprends bien, ce qui marque le plus les vingt dernières années, c'est une forme de désacralisation de l'entreprise, d'éclatement de ses rythmes historiques, de délitement de ses pesanteurs hiérarchiques, de ses lenteurs, de ses enfermements ?

Mais c'est une excellente nouvelle, ça !

Pierre-Loïc Chantereau <www.groupe-equation.com>

Auteur

  • De P.-L. Chantereau