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Discriminations : la preuve par l'exemple !

L'actualité | L'événement | publié le : 19.04.2005 | Anne Bariet

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Discriminations : la preuve par l'exemple !

Crédit photo Anne Bariet

Les résultats d'un «testing», lancé par l'Observatoire des discriminations et Adia, mettent, une nouvelle fois, au jour les mauvaises pratiques des recruteurs. La création du cabinet de recrutement APC (Agir pour la citoyenneté) ouvre une brèche pour les cadres des quartiers sensibles.

Charte de la diversité, création d'une haute autorité, CV anonymes... Sous la houlette du gouvernement, les outils des entreprises pour réduire la fracture raciale se multiplient. Et pourtant, près de la moitié des DRH estiment ces mesures inefficaces, selon un sondage réalisé par l'Ifop, auprès de 461 DRH et responsables des ressources humaines travaillant dans des entreprises de 50 salariés et plus (1). L'accès à l'emploi reste difficile. Même si la loi interdit la discrimination à l'embauche sur des critères raciaux. De fait, les oasis d'ouverture sont rares.

Un «testing» vidéo

Un nouveau «testing», réalisé par l'Observatoire des discriminations de l'université de Paris-1 - créé par le professeur de gestion Jean-François Amadieu (2) et financé par Adia -, introduisant, cette fois, la vidéo, vient confirmer ce qui avait déjà été observé : les employeurs sélectionnent à partir d'éléments illégaux, le physique, l'âge, le lieu de résidence, le sexe, l'origine ethnique, le handicap. Pour le prouver, six comédiens se sont mis dans la peau de demandeurs d'emploi pendant un mois ; 1 950 CV ont été envoyés de février à mars 2005, en réponse à 325 offres d'emploi pour des postes de commerciaux.

A compétences égales, at-on les mêmes chances quand on est noir, gros, handicapé, grisonnant ou maghrébin ? « On assiste à un formidable gâchis des compétences », indique Frédéric Girard, directeur du développement d'Adia. L'enquête montre que la candidate d'origine maghrébine obtient trois fois moins de réponses que le candidat de référence, alors que son CV surclasse tous les autres. Son lieu de résidence (dans une banlieue à mauvaise réputation), son nom et son prénom ont joué un rôle déterminant. Refus polis,peu de convocations, et surtout en banlieue...

Constat trop alarmiste ? « Nous sommes totalement incompétents en matière de recrutement et c'est bien une particularité française, poursuit Frédéric Girard. Aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, les critères sont uniquement tournés vers les compétences. C'est peut-être une des raisons qui expliquent leur plus faible taux de chômage. »

Agir pour la citoyenneté

C'est pour venir à bout de ces résistances injustifiables et, notamment, des critères de recrutement géographiques - que Karim Zeribi, cadre en ressources humaines dans une entreprise publique, a décidé de lancer une association, Agir pour la citoyenneté (APC), à destination des cadres issus des quartiers en difficulté. Originalité : APC fonctionne comme un véritable cabinet de recrutement, avec les mêmes exigences, chargé de dénicher les candidats « cadres ou techniciens supérieurs, au sein des quartiers en difficulté, là où personne ne va les chercher ». En effet, 74 % des DRH estiment que l'accès à l'emploi des personnes issues des quartiers sensibles est difficile, selon le sondage Ifop.

Soutenu par l'Institut Vedior pour la diversité et l'égalité des chances (groupe Vedior France) et par la Fondation France Libertés, le cabinet a dans sa banque de données une centaine de candidats et a installé ses bureaux à Paris et à Marseille. Dix-sept bénévoles y travaillent, tous ayant une expérience dans les RH. L'association reçoit l'aide financière du Fasild (Fonds d'action pour l'intégration) et de la DIV (Délégation interministérielle à la ville). Le projet est soutenu par deux patrons de choc, Jacques Maillot, fondateur et ancien Pdg de Nouvelles Frontières, et Hervé Serieyx, vice-président de la Fédération française des groupements d'employeurs.

Charte de la diversité

Favorable aux CV anonymes, « qui ne suffiront pas, mais permettront de passer le barrage de l'entretien », Karim Zeribi compte s'appuyer, en priorité, sur les entreprises signataires de la Charte de la diversité (lire l'enquête p. 12). Mais les démarches officielles sont parfois restées des voeux pieux. La priorité étant, pour certaines entreprises, de soigner leur image à l'heure où les agences de notation sociale surveillent à la loupe les politiques discriminatoires.

Un constat déjà dressé par Respect Magazine, vitrine des minorités et des quartiers, qui a proposé dans son dernier numéro un premier bilan (3). « Des entreprises comme Arcelor ou Dexia en sont au stade des déclarations d'intentions gratuites, tandis que d'autres, en revanche, comme Eau de Paris ou PSA, ont décidé de jouer le jeu. »

Toutes les entreprises ne s'esquivent pas : cinq sociétés viennent de confier des missions de recrutement à APC, dont VediorBis, qui souhaite accueillir un commercial au sein de son siège. Un premier pas, utile. D'autant que les besoins en recrutement, du fait des évolutions démographiques, vont s'accroître considérablement au cours des prochaines années.

(1) Sondage réalisé en fin d'année 2004.

(2) < http://cergors.univ-paris1.fr >

(3) Respect Magazine n° 6, avril-juin 2005 <www.respectmag.net>

(4) <www.apcrecrutement.com>

Auteur

  • Anne Bariet