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Enquête

Un e «saine inquiétude» pour forger des patrons

Enquête | publié le : 22.03.2005 | G. L. N.

La culture de L'Oréal est orientée vers l'entrepreneuriat : mise en situation de diriger rapidement, valorisation de l'initiative et droit à l'échec, rémunérations et bonus généreux, figure emblématique du grand patron visionnaire... Mais, aussi, fortes exigences et management sans concession.

Un groupe mondial constitué de patrons ? Ne cherchez plus, ce nom-là revient à chaque évocation de l'entrepreneuriat : L'Oréal, avec sa culture affirmée, sa croissance à deux chiffres depuis vingt ans et sa figure tutélaire de patron visionnaire. Lindsay Owen-Jones qui, à 59 ans, s'apprête à transmettre une partie de sa charge (il restera président) à un autre «loréalien» de 48 ans, Jean-Paul Agon, adoubé après ses réussites asiatique et américaine, a toujours affirmé se passionner pour les ressources humaines. Et il a marqué le style de management du géant mondial des cosmétiques d'une empreinte très particulière.

Histoire d'entrepreneurs

« L'Oréal est une histoire d'entrepreneurs, insiste Jean-Claude Le Grand, directeur corporate du recrutement. Même avec 15 milliards d'euros de chiffre d'affaires, nous essayons de conserver cet état d'esprit. » Et de citer l'exemple turc : en l'espace de cinq ans, la structure a doublé sa taille. Une réussite qui s'appuie sur de jeunes loréaliens entreprenants.

La croissance insolente du groupe est due à un fort développement international, et à une modernisation incessante des gammes et des produits. L'ensemble repose à la fois sur un effort soutenu en R & D et sur la diffusion dans le groupe d'une culture de l'entrepreneuriat. Chez L'Oréal, plutôt que de «managers», on préfère parler de «patrons», responsabilisés par une organisation en 500 business units, disposant d'une grande autonomie, et par une valorisation permanente de l'initiative.

Détection précoce

« Nous nous efforçons de détecter assez tôt ces qualités d'entrepreneur, précise Jean-Claude Le Grand. Celui qui a voyagé, a suivi des stages peu convenus, retient notre attention. » L'Oréal a aussi créé un outil de prérecrutement qui tourne à plein régime depuis six ans chez les jeunes titulaires de MBA. E-Strat Challenge se présente comme un jeu ouvert à des tandems de candidats, figurant la gestion d'une société de cosmétique. Ceux qui ont passé les étapes de la simulation Internet et de la présentation d'un business plan, se retrouvent en mars à Paris pour «vendre» leur filiale à L'Oréal. En Turquie, E-Strat avait permis de recruter 17 jeunes gens. Le principe est, ensuite, de confier assez tôt des responsabilités aux jeunes cadres.

Seconde chance

Mais, faire preuve d'initiatives, c'est aussi prendre des risques. Impossible de maintenir cet état d'esprit chez L'Oréal sans proclamer un «droit à l'échec» ou à «la seconde chance». L'idée du rebond est un élément essentiel de ce management. Il faut aussi rétribuer les collaborateurs en fonction de leurs résultats, à travers, notamment, une politique dynamique de bonus, qui peuvent représenter jusqu'à 20 % du salaire annuel, et des salaires plutôt confortables.

« Un lion au milieu des gazelles »

Cette façon de pousser les collaborateurs confine-t-elle au management par le stress ? Une biographie réalisée par un ancien cadre décrit, ainsi, Lindsay Owen-Jones dans son entreprise comme « un lion au milieu des gazelles ». L'exigence d'«O. J.» vis-à-vis de ses cadres a, en effet, conféré cette image au style L'Oréal, de même que sa théorie de la «saine inquiétude», qui vise à instiller le doute dans l'esprit de ses cadres ; sans parler de la compétition interne, qui met toujours trois candidats sur un poste. Idem pour les vagues de départs de piliers de l'entreprise (partis créer Fimalac ou Phone House, par exemple). Pour Jean-Claude Le Grand, ces départs s'expliquent autrement : avec l'esprit d'entreprise chevillé au corps, il n'est guère étonnant que certains aspirent, à un moment ou à un autre, à fonder leur propre maison. « Le discours de l'entreprise est habile, suggère par ailleurs un consultant en management. Il parvient à persuader de jeunes cadres qu'ils sont ultra-autonomes, alors qu'ils doivent se couler dans le moule. »

Faible turn-over

Mais ceux qui y parviennent et obtiennent de bons résultats ne changent plus. Le turn-over de L'Oréal est un des plus faibles du secteur, et la promotion interne assure des carrières longues et brillantes à ceux qui en acceptent les valeurs. Le nouveau patron des Etats-Unis, qui remplace Jean-Paul Agon, vient d'être nommé. Il est chez l'Oréal depuis 1986 et il a 47 ans.

l'oréal

> Activité : cosmétiques.

> Effectifs : 50 000 salariés.

> Chiffre d'affaires 2004 : 15 milliards d'euros.

Auteur

  • G. L. N.