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Les Pratiques

Craintes sur le «dumping salarial» en Suède

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 08.03.2005 | Gaël Branchereau, à Stockholm

Le conflit entre une entreprise lettone oeuvrant en Suède et le syndicat suédois du bâtiment s'est transformé en controverse entre les deux pays. Les Suédois craignent le «dumping salarial», susceptible de saper les fondements de leur Etat-providence.

Moins d'un an après l'élargissement de l'Union européenne, le 1er mai 2004, le torchon brûle entre Stockholm et Riga. Une société lettone de construction, Laval un Partneri, a quitté la Suède après le blocage de son chantier pendant trois mois par le syndicat suédois du bâtiment Byggnads. Laval un Partneri, chargée de rénover une école dans la banlieue de Stockholm, payait ses ouvriers lettons aux tarifs lettons et refusait de signer les conventions collectives suédoises, bien plus généreuses en matière de salaires et de conditions de travail. Laval un Partneri a saisi la justice suédoise, qui l'a déboutée. Ayant finalement quitté le chantier, l'entreprise cherche, avec l'appui du gouvernement letton, à faire condamner la Suède à Bruxelles pour entrave à la libre circulation de la main-d'oeuvre.

Menace directe

Sociaux-démocrates et syndicats avaient tiré le signal d'alarme : l'adhésion à l'Union européenne de pays de l'ancien bloc de l'Est ferait peser une menace directe sur le mode de vie de la Suède, ses conventions collectives, ses salaires élevés et son niveau de redistribution sociale qu'alimente et garantit une fiscalité élevée. Favorables à l'élargissement, les Suédois nourrissent néanmoins des craintes pour leur Etat-providence. L'afflux massif de main-d'oeuvre «bon marché» en provenance des pays baltes, de Pologne ou de Slovaquie ne s'est pas produit, mais le conflit entre Byggnads et Laval un Partneri a ravivé les inquiétudes. Les organisations patronales s'inquiètent du risque de perdre des appels d'offres au profit d'entreprises étrangères accusées de «dumping salarial».

Refonte des conventions

La Confédération des entreprises suédoises Svenskt Näringsliv et la confédération syndicale LO sont convenues de plancher sans délai sur une refonte des conventions collectives pour tenir compte de ces nouvelles réalités. Ce sont, en effet, les partenaires sociaux qui fixent, entre autres, le cadre des rémunérations et les conditions de travail dans les conventions négociées sans intervention de l'Etat ni de la loi. Cette culture du consensus permet une certaine flexibilité dans la négociation des contrats.

Mais, comme dans le cas de Laval un Partneri, elle autorise une certaine marge d'interprétation : alors que les Suédois invoquent la directive européenne 96-71 sur les détachements de travailleurs effectués dans le cadre d'une prestation de service, qui impose le respect des conditions de travail du pays hôte, les Lettons, eux, invoquent la libre circulation de la main-d'oeuvre, garantie, disent-ils, par les règlements européens et, notamment, la future directive Bolkenstein sur les services, laquelle prévoit que les conditions du pays d'origine de l'entreprise exécutrice du service font loi.

Auteur

  • Gaël Branchereau, à Stockholm