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Les Pratiques

La success story de Bretagne Ateliers

Les Pratiques | Point fort | publié le : 01.03.2005 | Violette Queuniet

Entreprise adaptée comptant 500 travailleurs handicapés, Bretagne Ateliers s'est hissée, en trente ans d'existence, au niveau des meilleurs sous-traitants de l'industrie automobile. Cette réussite repose, notamment, sur une pratique très poussée du management participatif.

Lorsque Bretagne Ateliers a ouvert sa sixième usine en 2003, ses 150 salariés ont demandé à ce que le processus de production soit certifié ISO 9000. L'organisme de certification contacté a d'abord décliné la proposition : une antériorité de deux à trois ans de fonctionnement est nécessaire pour délivrer un tel certificat. Devant l'insistance de la responsable de la qualité, les auditeurs se sont déplacés, ont fait le tour de l'usine et ont découvert à leur grande stupéfaction que tous les processus étaient en place. L'usine a eu la certification. « Ils n'avaient jamais vu ça ! », se souvient Jean-Michel Queguiner, directeur de la stratégie et fondateur de Bretagne Ateliers. Explication : « Les salariés en question sont, pour la plupart, handicapés, et ils veulent se sortir de leur galère. Avec la méthodologie qu'on a mise en place, qui repose sur l'implication de tous, et avec le climat de sérénité qui les entoure, il faut, chez nous, quatre semaines au lieu de quatre trimestres pour mettre en place un process. »

Compenser les handicaps

Directeur général de Bretagne Ateliers depuis 2004, Daniel Lafranche partage ce constat : « Les salariés handicapés sont habitués à compenser leur handicap et sont prêts à déplacer des montagnes si tant est qu'on les reconnaisse, qu'ils puissent s'exprimer et mettre en oeuvre leurs réalisations. »

Depuis trente ans, les dirigeants de Bretagne Ateliers ont, ainsi, su transformer les faiblesses d'un atelier protégé (le statut associatif, la fragilité des personnes employées) en points forts, jusqu'à pouvoir rivaliser en termes de qualité et de productivité avec des équipementiers d'envergure internationale. Le groupe appartient au club très fermé des fournisseurs de rang 1 de PSA (moins de 40 erreurs par million de pièces). Sa philosophie tient en une formule : « Comment survivre ensemble ? ». La méthodologie, baptisée «Cristal» (lire encadré ci-contre), est celle du management participatif.

Une logique démocratique

Les secteurs de production ont été divisés en «territoires», appelés «villages», comptant environ 12 personnes. « Nous avons raisonné dans une logique démocratique. Dans un village, on trouve un conseil municipal, un maire, des gens qui essaient de mettre en place une démocratie locale. Dans nos villages, le maire, c'est le pilote ; le conseil municipal, ce sont les salariés. Le pilote, qui n'a pas de position hiérarchique, est coopté par ses collègues et par la direction », explique Françoise Perrier, directrice du management social (DMS). Le village se réunit une fois par semaine. Chacun signale un problème, émet une suggestion, les note sur un tableau et essaie de trouver une solution. Par exemple, si un salarié a un problème d'éclairage sur son poste de travail, une action d'amélioration est aussitôt mise en oeuvre, portée par un responsable qui fait partie du village. Ce responsable pourra, d'ailleurs, solliciter l'intervention d'un autre service, par exemple la maintenance. Selon la nature du problème, la solution est trouvée en une à quatre semaines. Si c'est plus long, la direction ne met pas la pression : « Lors de l'évaluation des actions, nous cherchons toujours à comprendre, jamais à contrôler. Notre travail, à nous managers, c'est de sans cesse redonner du dynamisme aux salariés », souligne Françoise Perrier.

Reconnaissance du collectif

Cette méthodologie n'est pas nouvelle : bien des entreprises se sont essayées au management participatif. Mais rares sont celles capables de le faire durer. Si Bretagne Ateliers y parvient, c'est, soutient la directrice du management social, qu'elle joue « le collectif et pas l'individuel ». La reconnaissance du travail accompli va au groupe sous des formes toutes simples : visite des villages par le comité de direction, évaluation des actions par des auditeurs internes, «affichage» dans le journal interne et, chaque année, à l'occasion de la fête du personnel, mise en avant des nouveaux villages.

En fait, le système «Cristal» structure tout le groupe. A la direction des RH, les grilles d'entretien annuel ont, ainsi, été retravaillées avec les valeurs maison, de même que le séminaire d'intégration. Désormais, le fondateur de Bretagne Ateliers travaille sur son transfert, dans le cadre de l'activité de conseil qu'il vient de monter (1).

Tout en prenant ses distances vis-à-vis de cette méthode - « c'est aussi une vitrine extérieure » -, Marie-Anne Birolini, secrétaire CFDT du CE, note ses atouts : « Ce système de villages permet des rencontres et des réunions, ce qui est toujours un bien. Cela a aussi été un grand facteur de propreté et d'ordre dans les ateliers. » Elle préfère attribuer la réussite sociale du groupe à sa qualité d'écoute. « Dans cette entreprise, il y a toujours quelqu'un pour tirer la sonnette d'alarme : c'est souvent le chef d'équipe, en qui les salariés ont confiance, qui alerte l'infirmière ou l'assistante sociale. Les gens viennent nous voir aussi. Jamais une parole de souffrance entendue n'est laissée sans réponse : on trouvera toujours une solution. »

Suivi rigoureux des situations

A la DMS, on confirme cet accompagnement social « énorme ». Françoise Perrier rencontre, chaque mois, chaque salarié ; des réunions sont organisées avec l'infirmière et des travailleurs sociaux pour étudier les situations préoccupantes ; 240 personnes ont ainsi été suivies en 2004, avec un budget d'accompagnement social important : + 30 % par rapport à une entreprise classique. Bretagne Ateliers ne lésine pas non plus sur la formation. Chose rare : des travailleurs handicapés ont pu progresser et devenir chefs d'équipe.

Côté salaire, l'entreprise se montre moins généreuse. Certes, l'aide limitée de l'Etat aux postes ne favorise guère la progression des salaires. Mais c'est sous l'impulsion des organisations syndicales que les salariés handicapés sont désormais au Smic au bout de trois ans d'entreprise (90 % auparavant) et qu'ils ont droit à la prime d'ancienneté, comme le veut la convention collective de la métallurgie. `

Côté solidarité, les personnes handicapées peuvent compter sur les autres salariés. Ainsi, quand Bretagne Ateliers s'est trouvé confronté à une crise industrielle en 1995 et a dû choisir entre licencier 80 personnes ou baisser tous les salaires, c'est comme un seul homme que les salariés qui n'étaient pas en production - essentiellement non handicapés - ont accepté de diminuer leur salaire, par solidarité avec leurs collègues au chômage technique. En trente ans, il n'y a jamais eu de licenciement économique.

(1) JMQCop, conseil dans la mise en oeuvre de gestion participative.

Auteur

  • Violette Queuniet