logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

L'actualité

La «flexsécurité» en débat

L'actualité | L'événement | publié le : 01.03.2005 | Sandrine Franchet, Guillaume Le Nagard

Image

La «flexsécurité» en débat

Crédit photo Sandrine Franchet, Guillaume Le Nagard

Sécuriser les parcours professionnels des salariés, tout en allégeant les obligations légales des entreprises en matière de licenciement : tel est le nouveau contrat social au coeur de la lutte anti-chômage du gouvernement.

Alors qu'en janvier dernier, le taux de chômage a, pour la première fois depuis cinq ans, renoué avec la barre symbolique des 10 %, la question de la conciliation entre la sécurité pour les travailleurs et la flexibilité pour les entreprises est plus que jamais d'actualité. Celle-ci est, ainsi, au coeur du cinquième rapport annuel du Cerc (Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale), rendu public le 24 février dernier (voir p. 6). La veille, c'est la solution danoise de la «flexsécurité» qui faisait l'objet, à Paris, d'une table ronde organisée conjointement par l'ambassade du Danemark et le ministère des Affaires sociales.

Le débat devrait se poursuivre, cette semaine, avec la remise du rapport de Yazid Sabeg, Pdg de CS Communication et systèmes, sur le contrat intermédiaire. Jean-Louis Borloo avait dressé les grandes lignes du dispositif, le 1er décembre dernier, en proposant aux partenaires sociaux de discuter d'un « contrat de travail intermédiaire », destiné aux salariés victimes d'un licenciement économique, leur garantissant pendant « un an à dix-huit mois » le maintien de leur salaire et une formation correspondant aux besoins du bassin d'emploi. Objectif : écourter les périodes de chômage des salariés victimes de plans sociaux.

Cahier des charges

Composée également de Christian Larose (vice-président du CES), de Jean-Pierre Aubert (Mime) et de Dominique-Jean Chertier (directeur général adjoint affaires sociales de la Snecma), la mission a respecté le cahier des charges. Revoyant toutefois à la baisse la durée du dispositif, dont le coût moyen est estimé à 17 100 euros par bénéficiaire.

Suivi personnalisé

Une note «provisoire», remise aux partenaires sociaux, le 18 février dernier, propose, ainsi, pour les licenciés économiques, un suivi personnalisé et une rémunération de 90 % de leur ancien salaire net (plafonnée) pendant huit mois (pouvant éventuellement être portés à douze). Ceux-ci avaient jusqu'au matin du 1er mars pour faire parvenir leurs observations.

Expérimenté, dès le second semestre 2005, dans « quinze à vingt bassins d'emploi affectés par les mutations économiques, représentatifs des différents types de tissus économiques français », le contrat intermédiaire sera, d'après ce document, réservé aux salariés ayant cotisé au moins six mois à l'assurance chômage. Toute entreprise appartenant à un bassin d'emploi couvert, procédant à des licenciements économiques, sera tenue de le proposer, les salariés restant libres d'y adhérer ou non (en cas de refus, ils feraient l'objet d'une procédure de licenciement et d'indemnisation classique). Les entreprises de plus de 1 000 salariés pourront également, par accord collectif, l'établir à la place du congé de reclassement.

Un bilan d'accompagnement

Dès le premier jour de son préavis, le bénéficiaire sera pris en charge par une «agence de retour à l'emploi», avec laquelle il signera un « contrat intermédiaire personnalisé ». Cette agence réalisera un « bilan d'accompagnement vers le retour à l'emploi » (compétences, état de santé, besoins et souhaits du salarié) et décidera, ensuite, avec le salarié, de l'accompagnement envisagé : formation, retour à l'emploi avec, éventuellement, périodes «d'immersion» encadrées dans l'entreprise, création d'entreprise... Un système incitatif est préconisé par la mission Sabeg : si le salarié retrouve un emploi durable avant la fin des huit mois, une partie des droits restants pourra lui être payée. Par ailleurs, en cas de reprise d'emploi temporaire (CDD, intérim), le contrat intermédiaire sera seulement suspendu. En contrepartie, le salarié ne pourra refuser plus d'un certain nombre (encore à définir) d'offres d'emploi sans motif légitime, sous peine de sanctions. Et s'il n'a pas retrouvé d'emploi à la fin du contrat, il pourra réintégrer l'assurance chômage, mais avec un niveau d'indemnisation réduit.

Reste à imaginer le financement du dispositif. La mission Sabeg propose que soient mis à contribution tant l'Unedic que l'Etat, l'entreprise (elle verserait un montant correspondant à 2,6 mois de préavis) et le salarié (au travers du déblocage des droits accumulés dans le cadre de son DIF ou de son compte épargne temps). Ce volet risque toutefois d'être le plus difficile à boucler. En effet, le Medef avait fait savoir, dès le 27 janvier, son opposition à ce que l'Association pour la garantie des salaires (AGS), les entreprises ou l'Unedic financent le dispositif.

Plafonnement de la rémunération

Pour Rémi Jouan, secrétaire national de la CFDT, il n'est également « pas question que l'Unedic verse plus à un salarié en contrat intermédiaire que ce qu'elle aurait versé à un autre chômeur pour la même durée ». La CFE-CGC juge, par ailleurs, le plafonnement de la rémunération versée « inadmissible pour les cadres », tandis que la CFTC s'inquiète des « conditions d'entrée restrictives ». Quant à la CGT, qui revendique de longue date un « droit à une sécurité professionnelle », elle reconnaît que certaines propositions formulées par la mission « constitueraient une amélioration de la situation d'une majorité de salariés, notamment ceux des PME, qui n'ont, aujourd'hui, aucun droit au reclassement ».

Elle estime cependant que la responsabilité sociale et financière des entreprises n'est pas suffisamment établie, et que les offres valables d'emploi doivent être mieux définies. Le syndicat demande, en outre, que les entreprises de plus de 1 000 salariés soient exclues du dispositif et restent soumises au congé de reclassement. Rémi Jouan propose, ainsi, que le contrat intermédiaire soit, au moins dans un premier temps, réservé aux entreprises de moins de 300 salariés.

La recette danoise qui séduit les Français

La «flexicurity» ou flexsécurité a permis au Danemark de passer de 12 % de chômage en 1993, à 5 % en 2002 (un peu plus de 6 % aujourd'hui). Elle repose sur trois piliers souvent présents dans d'autres pays scandinaves : flexibilité pour les entreprises, sécurité pour les sans-emploi financée par une imposition individuelle très élevée, et politique de l'emploi active et énergique. Le tout sur fond de recherche permanente du consensus entre partenaires sociaux. C'est dire que si la France peut s'inspirer de certains éléments, une transposition chez nous paraît irréaliste.

Les employeurs danois bénéficient ainsi d'un cadre confortable, avec une législation peu contraignante : les licenciements sont faciles (préavis extrêmement courts, indemnités minimales), une bonne partie des conditions de travail sont définies au niveau local ou de branche et la fiscalité est légère. Mais les demandeurs d'emploi ne sont pas trop mal lotis : ils touchent jusqu'à 90 % de leur salaire pendant quatre ans (le montant est néanmoins plafonné à 22 900 euros par an, ce qui rend le système moins généreux pour les salaires moyens à élevés, moins soumis au risque de perte d'emploi).

Cette politique a évidemment un prix et des contraintes : une fiscalité très lourde - mais bien acceptée - sur les individus, qui garantit la qualité du filet social, et une politique de reclassement des chômeurs parfois directive, des refus de stage ou de formation pouvant conduire à une réduction des allocations.

Il n'empêche, la sécurité garantie par ce système encourage largement la mobilité professionnelle dans le pays. Chaque année, 30 % des Danois changent d'emploi. Petit détail : une démission n'exclut pas du système de flexsécurité et du bénéfice de l'allocation chômage.

Auteur

  • Sandrine Franchet, Guillaume Le Nagard