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Les Pratiques

Arcelor se donne les moyens de réussir

Les Pratiques | Point fort | publié le : 15.02.2005 | Emmanuel Franck

Arcelor démontre que la mobilité géographique n'est pas réservée aux seuls cadres supérieurs, et qu'elle concerne également les populations moins qualifiées. A condition d'y mettre des moyens.

De Montataire (60) et de Biache (62) à Dunkerque (59), de L'Audun-l'Ardoise (30) à Fos-sur-Mer (13), les salariés d'Arcelor bougent pour continuer à travailler. Confronté à de nombreux plans de sauvegarde de l'emploi (PSE), le groupe de sidérurgie, issu de la fusion entre Usinor, Arbed et Aceralia, début 2002, tente d'éviter les licenciements en menant une politique ambitieuse de mobilité interne. Et y parvient souvent, alors qu'il emploie essentiellement une population ouvrière réputée peu mobile.

La fermeture du site de Biache, fin 2002, a, ainsi, entraîné la suppression de 422 emplois. A l'heure actuelle, 187 salariés ont été reclassés en interne sur d'autres sites, et seulement 34 ont quittés le groupe. A l'usine de l'Ardoise, où 400 emplois ont été supprimés, 180 salariés ont pu retrouver un poste dans l'usine de Fos-sur-Mer. Annoncée en 2003, la fermeture d'une partie du site de Mardyck (59) a entraîné la disparition de 274 emplois ; 87 salariés sont, actuellement, en mutation ou en détachement dans un autre site. Aucun n'a été licencié. Tandis qu'à Montataire (408 emplois supprimés), 137 personnes ont bénéficié d'une mobilité (lire encadré). Si Arcelor ne fournit pas de chiffres sur l'ensemble des mouvements de ses salariés en France, Jacques Lauvergne, responsable de la coordination RH, estime que « la mobilité externe est minoritaire parmi l'ensemble des opérations d'un PSE ». Pour mener une politique de «restructuration socialement responsable», le groupe, dont les effectifs actuels (36 000 salariés en France, contre 39 000 en 2002) seront encore réduits d'ici à 2006, ne peut plus compter sur les dispositifs publics de préretraites. Il conserve tout de même des préretraites progressives «maison», mais se concentre sur la revitalisalisation des bassins d'emploi et sur la mobilité. A ce dernier titre, il s'est doté de trois outils.

Arcelor Horizon 2008

La mobilité est encadrée par un accord, baptisé «Arcelor Horizon 2008», signé fin janvier par la CFE-CGC, la CFTC et FO. La CFDT et la CGT, majoritaires, ont refusé de signer, sans, toutefois, s'opposer à l'accord. Il contient un chapitre sur la mobilité qui reprend in extenso un accord précédent, arrivé à échéance le 31 décembre 2004, signé par l'ensemble des syndicats, à l'exception de la CGT. Cet accord prévoit que le salarié, soumis ou non à un PSE, peut bénéficier d'un «détachement» ou d'une «mobilité temporaire» lui permettant de retrouver son poste sur son site d'origine, avant de s'engager dans une «mutation». Son salaire et son ancienneté sont garantis, ses frais de déplacement, de restauration et d'hébergement payés. En cas de mobilité géographique, le salarié bénéficie d'une prise en charge de son déménagement et d'aides au logement. Son conjoint peut recourir à une assistance à la recherche d'emploi.

Gestion des dossiers

Outre une bourse électronique à l'emploi, Arcelor s'est doté, depuis 2000, d'une «unité de services partagés mobilité recrutements» (USMR). Employant 20 personnes, qui interviennent en France et en Wallonie, auprès des salariés des entreprises qui en font la demande, elle est la cheville ouvrière de la politique de mobilité du groupe. Gestionnaire des dossiers mobilité, l'USMR « garantit que les salariés bénéficient de l'intégralité de leurs droits », explique Philippe Falla, responsable de l'unité. Elle propose également un accompagnement psychologique, des rencontres avec des spécialistes de la mobilité, et diffuse de l'information. Pour Catherine Renaudin, responsable de la plate-forme nord de l'USMR, la réussite d'une mobilité tient en quelques facteurs clés : anticiper sur les restructurations, éviter la mobilité professionnelle en plus du déplacement géographique, responsabiliser les salariés « en évitant le paternalisme », formaliser les souhaits et répondre à toutes les questions des salariés avant la mobilité. La question des moyens alloués est, évidemment, centrale. « Une mobilité ne doit pas coûter d'argent à un salarié », relève Philippe Falla. C'est donc à l'entreprise de mettre la main à la poche.

Coût de la mobilité

Par ailleurs, si la mobilité a fonctionné du site de Longwy (54), non concerné par les mesures d'accompagnement, vers celui du Luxembourg, c'est surtout parce que les salaires y étaient supérieurs de 30 % (voir ci-dessous). Arcelor ne chiffre pas le coût de sa politique. L'accord «Arcelor Horizon 2008» précise cependant que les dispositifs d'accompagnement de la mobilité interne pourront coûter jusqu'à 26 400 euros par salarié. Une étude interne, réalisée sur le site de Montataire, chiffrait, pour sa part, le coût possible d'une mobilité à 39 000 euros. Enfin, l'USMR, qui est rémunérée par les entreprises qui font appel à elle, réalise environ 2 millions d'euros de chiffre d'affaires par an.

Auteur

  • Emmanuel Franck