logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les Pratiques

Le succès d'un mariage à 3

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 08.02.2005 | Sylvie Karsenty

Créées en 1981 pour augmenter le nombre de docteurs dans l'industrie afin d'y développer l'esprit d'innovation, les conventions industrielles de formation par la recherche (Cifre) ont rempli leur pari : 12 600 ont déjà été signées et continuent de séduire.

En 1981, le ministère de la Recherche lançait un dispositif original pour aider les entreprises à embaucher des jeunes bac + 5 à des postes de recherche-développement : les conventions industrielles de formation par la recherche (Cifre). Son principe ? Associer, autour d'un projet de thèse, trois partenaires : un jeune, une entreprise qui lui confie un emploi sous la forme d'un CDI ou d'un CDD de trois ans en relation avec le sujet de sa thèse et un laboratoire extérieur, français ou étranger, qui assure l'encadrement scientifique. Alors que l'entreprise employeuse verse au thésard un salaire annuel brut au moins égal à 20 215 euros, elle reçoit une subvention annuelle de 14 635 euros.

Vingt-quatre ans après sa création, comment se porte le dispositif ? Bien, à en croire les chiffres avancés par l'ANRT (Association nationale de la recherche technique) qui gère le dispositif pour le compte du ministère. Ainsi, 12 600 conventions ont été signées, dont 3 000 sont en cours. Chaque année, leur nombre augmente : 850 en 2003, 1 000 en 2004, 1 150 budgétées pour 2005.

Une insertion réussie des étudiants

Autre intérêt : l'insertion des étudiants. 92 % des jeunes ont soutenu leur thèse et, contrairement à bien d'autres docteurs qui peinent à s'insérer sur le marché du travail, eux ont acquis une expérience professionnelle et trouvent facilement un emploi. Pour preuve, six mois après la fin de leur contrat, 80 % travaillent dans des entreprises, dont la moitié chez leur ancien employeur ; 15 % ont rejoint la recherche publique. Les autres, pour partie, effectuent des études complémentaires, souvent à l'étranger.

L'objectif de départ n'était pas que la totalité de ces jeunes formés par la recherche y passent toute leur vie, mais qu'ils diffusent cet état d'esprit et ces méthodes dans tous les services, y compris dans les états-majors. A la sortie des conventions, 60 % travaillent dans la recherche. Dix ans plus tard, ils ne sont plus que 22 % à y demeurer, les autres ont migré vers les études techniques, l'informatique, le marketing et même l'administration et la direction générale. A l'image du nouveau Pdg de Bull, Didier Lamouche.

L'innovation au rendez-vous

Quant à l'innovation, l'autre pari du dispositif, elle est bien au rendez-vous ; 15 % des conventions ont débouché sur un brevet, 17 % sur un produit nouveau et 18 % sur un procédé nouveau.

En 1993, les sciences humaines ont rejoint les sciences dites «dures», jusque-là seules concernées par les Cifre. « Nous avions quelques inquiétudes au début, se rappelle Philippe Gautier, directeur adjoint du service Cifre à l'ANRT. Mais les thésards en économie, en ressources humaines ou en droit ne se différencient pas des autres : ils soutiennent leur thèse et trouvent un emploi. »

Pour accompagner la montée en puissance du dispositif et faciliter la rencontre de l'offre et de la demande, un site a été mis en place l'année dernière * ; il diffuse gratuitement les sujets de thèse proposés par les entreprises aux laboratoires de leur choix. Par ailleurs, un forum a été organisé en janvier dernier : 1 300 jeunes venus de toute la France se sont pressés aux conférences et aux stands de la quinzaine d'exposants. Devant le succès de ce premier salon, l'ANRT à décidé de renouveler l'opération en mars 2006.

Une formation appréciée

Parmi les entreprises consommatrices de ces conventions, le groupe PSA Peugeot Citroën, qui en est un adepte fidèle depuis 1982. « C'est un excellent pont entre l'industrie et la recherche », estime Bernard Sauvet-Goichon, responsable de la coordination des partenariats de recherche. Nous apprécions cette formation par la recherche qui donne une grande ouverture d'esprit. Pour nous, la Cifre correspond à une préembauche. » Chaque année, le constructeur signe 20 nouvelles conventions, dont 65 % débouchent sur un recrutement. Il apporte un soin tout particulier à la sélection des sujets. Le recueil puis la sélection des thèmes par des commissions prennent toute une année. Ainsi, 51 propositions ont été émises par les différents services en janvier, dont 20 seulement seront retenues : 85 % des thèses concernent les sciences de l'ingénieur, 15 % les sciences humaines. Un exemple de sujet : les freins à la progression de carrière des femmes dans l'automobile.

Des PME utilisatrices

Les PME ne sont pas en reste, elles représentent 41 % des utilisateurs. Né en février 2003, Endotis Pharma compte déjà 14 salariés. Spécialisé dans le développement de nouveaux médicaments pour la cancérologie, il souhaite nouer des collaborations avec des laboratoires universitaires renommés et recruter ses futurs chercheurs. Dès 2003, il a proposé un sujet de thèse à un laboratoire de l'université Joseph-Fourier de Grenoble ; celui-ci lui a présenté plusieurs candidats, dont l'un a été retenu, en CDI. « Notre thésard est très bien encadré par son laboratoire, explique Maryse Delehedde, chef de la division drug discovery (« découverte du médicament »). Il a accès à des matériels de pointe et a bénéficié d'une bourse pour passer trois mois à l'université de Manchester. Il y a appris des technologies qui ne sont pas maîtrisées en France. »

A n'en pas douter, l'objectif de 1 500 Cifre en 2010 n'est pas exagéré.

* <www.placeojeunes.com/cifre>

Auteur

  • Sylvie Karsenty