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L'alarme sociale à la RATP a tenu ses promesses

Les Pratiques | Point fort | publié le : 11.01.2005 | Emmanuel Franck

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L'alarme sociale à la RATP a tenu ses promesses

Crédit photo Emmanuel Franck

Alors que le gouvernement s'interroge sur l'opportunité de légiférer sur le service minimum, la RATP fait la preuve de l'efficacité de sa politique de contractualisation des relations sociales. Huit ans après sa création, l'alarme sociale a fait baisser le nombre de conflits, augmenter celui des accords, et a favorisé un retour de la CGT à la table des négociations.

Le chemin vers le service minimum dans les transports publics passera-t-il par la loi ou par la négociation collective ? Le gouvernement s'est donné six mois pour en décider. Entretemps, il examinera l'efficacité des accords conclus dans les entreprises sur ce sujet. Dans ce contexte, la RATP peut s'enorgueillir d'un bilan positif. Dès 1996, la Régie a mis en place un dispositif de prévention des conflits, baptisé «alarme sociale», amélioré en 2001 (lire encadré page 21). Aujourd'hui, cette démarche porte ses fruits. La politique de contractualisation des relations sociales a réduit les conflits et revitalisé le dialogue social. Elle a, également, accompagné le recentrage de la puissante CGT, syndicat majoritaire à la RATP. Forte de ce succès, la Régie veut maintenant s'engager sur un « niveau de service garanti » en cas de grève, dont Josette Théophile, directrice générale adjointe de la RATP, espère qu'il sera prêt d'ici à six mois.

Recul des conflits

Depuis 1996, la conflictualité a baissé à la RATP. Entre 1990 et 1995, un agent faisait grève 1,44 jour par an en moyenne. Entre 1996 et 2004, ce taux atteint 0,41. Si on exclut de ces statistiques les années 1995 et 2003, très conflictuelles (5,64 et 1,32 jours de grève par agent), mais pour des raisons extérieures à l'entreprise (réformes de la Sécurité sociale et des retraites), ce recul se confirme : 0,61 jour de grève par agent et par an sur la période 1990-1994, contre 0,3 jour par an entre 1996 et 2004. « Il s'inscrit aussi dans une tendance générale à la baisse de la conflictualité en France », pondère Josette Théophile. Mais le système d'alarme sociale mis en place par la Régie semble bien créer une spécificité. En effet, si l'on compare la conflictualité de la RATP à celle de l'ensemble des transports publics sur les mêmes périodes, on constate que 1996 marque un tournant. Entre 1990 et 1995, les salariés de l'ensemble de la profession ont moins fait grève que ceux de la RATP : 1,33 jour par an en moyenne, contre 1,44. En revanche, sur la période 1996-2003, ils ont fait grève 0,69 jour par an, soit plus, cette fois, qu'à la Régie (0,44).

Efficace pour les conflits internes

L'alarme sociale apparaît donc efficace pour désamorcer les conflits portant sur des thèmes propres à l'entreprise : affectation des agents, droit syndical, conditions de travail, effectifs... En 2003, 56 % des alarmes ont débouché sur des constats d'accords, et seulement 3 % sur des conflits, selon le rapport de la Commission du dialogue social de la RATP pour 2003. Le dispositif s'avère, en revanche, inutile pour des conflits d'ampleur nationale. En 2003, « aucune alarme sociale syndicale n'a précédé les préavis déposés lors des mouvements sur le thème des retraites », note, ainsi, le rapport.

Relations sociales formalisées

Parallèlement au désamorçage des conflits, Loïc Vincenzi, secrétaire général de la CFDT-RATP, pointe une autre contribution de l'alarme à la régulation sociale de la RATP : elle permet de « formaliser les relations sociales, et d'éviter les rumeurs », explique-t-il. Et à la CGT, où l'on reste pourtant critique sur le dispositif, on reconnaît que le préavis de cinq jours prévu par le Code du travail n'est pas assez long pour permettre des négociations.

Preuve que les syndicats se sont approprié le dispositif : les préavis de grève sont, eux aussi, moins nombreux ; 790 préavis ont été déposés en 1990, contre 158 fin novembre 2004. En 2002, le nombre d'alarmes sociales a même dépassé celui des préavis. Ainsi, en 2003, 272 alarmes ont-elles été déposées, contre 183 préavis.

Signature d'accords en hausse

Autre signe de la vitalité du dialogue social, le nombre d'accords et d'avenants est en hausse. En 2003, 42 textes ont été signés, contre un seul en 1995. Pour la commission du dialogue social, cela traduit « l'engagement d'une majorité d'organisations syndicales dans cette forme de dialogue social et de contractualisation ». En outre, la plupart de ces accords ont une forte légitimité, puisque 74 % d'entre eux sont signés par des syndicats recueillant au moins 50 % des suffrages aux élections professionnelles précédentes. Par ailleurs, 76 % de ces accords et avenants proviennent des unités, ce qui, ajouté au fait que 89 % des alarmes sont déposées à ce niveau-là, marque le succès de la décentralisation du dialogue social, voulue dans l'accord de 2001.

Dialogue minimal avec la CGT

Toutefois, l'intégration, par la CGT, des nouvelles règles du jeu du dialogue social et de la contractualisation met un peu de temps à se concrétiser. Les statistiques du rapport de la Commission du dialogue social indiquent un attachement certain du syndicat majoritaire à l'ancien système. Avec 31 % des accords signés en 2003, la CGT est, de toutes les organisations syndicales, celle qui paraphe le moins d'accords. Elle est, également, celle qui reste le plus attachée au dispositif du préavis : 55 % de ceux émis en 2003 émanent d'elle. Et, dans 99 % des cas, les préavis qu'elle dépose ne sont pas précédés d'une alarme sociale. Elle est, également, l'une des organisations qui utilisent le moins ce dispositif. Statistiquement donc, la CGT fait le minimum en matière de dialogue social. Dans une entreprise qui encourage les accords majoritaires, cette situation est problématique.

Evolution des syndicats

Pourtant, la plupart des composantes de la CGT ont bel et bien entamé, depuis 1996, une évolution que ne montrent pas les statistiques. La RATP compte, en fait, cinq syndicats CGT : Giso-CGT (ouvriers et techniciens), Encadrement CGT (techniciens et agents de maîtrise), CGT-Métro/RER, CGT-Bus et GIIC-CGT (cadres). Ils sont chapeautés par l'Union syndicale CGT-RATP, qui n'a pas de pouvoir de signature. Ces cinq syndicats ne se positionnent pas de la même manière vis-à-vis de la politique contractuelle proposée par la direction. Aucun n'a signé le protocole d'accord sur le droit syndical de 1996, « car le texte prévoyait une régression des moyens de la CGT », explique Gérard Leboeuf, secrétaire de l'Union des syndicats CGT-RATP. En revanche, deux (Giso et Encadrement) ont signé celui de 2001, qui instaure un début de principe majoritaire, une vieille revendication de la CGT. De plus, deux autres non signataires, CGT-Bus et GIIC-CGT, se sont, depuis, recentrés. En revanche, le dialogue est toujours difficile avec la CGT-Métro/RER.

Droit d'opposition majoritaire

Les négociations en vue de la prorogation de l'accord d'octobre 2001, qui arrive à échéance en janvier 2006, accéléreront-elles l'évolution du principal syndicat ? Gérard Leboeuf fait déjà savoir qu'il demandera que le futur texte instaure un véritable accord majoritaire, plutôt qu'un système fondé sur un droit d'opposition majoritaire, privilégié par la direction. « Il sera difficile de systématiser l'accord majoritaire », estime Josette Théophile. La CGT disposant, dans certains secteurs, de la majorité absolue, le risque de blocage lui paraît trop élevé.

1996 et 2001, deux accords clés sur le dialogue social

A la suite des grands mouvements de grève de 1995, la direction de la RATP et l'ensemble des organisations syndicales, à l'exception de la CGT, signent, au printemps 1996, un avenant à un accord datant de 1970 sur le droit syndical. Il instaure une «alarme sociale», qui complète le préavis de grève de cinq jours prévu par le Code du travail. Cette procédure de prévention des conflits dispose que les syndicats et la direction doivent se réunir dans les cinq jours suivant le déclenchement de l'alarme.

En octobre 2001, un nouvel accord sur le dialogue social, cette fois signé par deux des cinq syndicats CGT de l'entreprise, reconduit l'alarme. Cet accord prévoit, également, de décentraliser le dialogue social en créant des délégués syndicaux à l'échelon des unités opérationnelles : ligne de métro, de bus... Enfin, il dispose que les partenaires sociaux « s'efforceront » de parvenir à la conclusion d'accords signés par les organisations recueillant 50 % des suffrages exprimés, et qu'« à défaut », ils ne mettront en oeuvre que les accords recueillant « les signatures correspondant à un niveau de représentativité de 35 % des suffrages exprimés lors des dernières élections ».

L'essentiel

1 Le gouvernement attend de voir les résultats des accords d'entreprise sur la prévention des conflits dans les transports publics de voyageurs pour décider de l'opportunité de légiférer sur le service minimum.

2 La RATP, qui a mis en place la première alarme sociale, en 1996, en a obtenu de bons résultats. Sa directrice générale adjointe, Josette Théophile, juge qu'une loi n'est pas nécessaire.

3 La politique de contractualisation des relations sociales, dont l'alarme sociale est l'une des composantes, a fait baisser le nombre des conflits et augmenter celui des accords. L'écueil d'une CGT hors du jeu social s'éloigne.

Auteur

  • Emmanuel Franck