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Enquête

Comment choisir son prestataire

Enquête | publié le : 05.10.2004 |

Régulièrement décriés en raison de leur coût et de leurs résultats, «forcément insuffisants», les cabinets de reclassement sont soumis à des modes de sélection et de pilotage de plus en plus stricts. Aussi appellent-ils entreprises et partenaires sociaux à plus de réalisme et à une véritable synergie.

« Les cabinets de reclassement, c'est un peu l'inverse du service public : c'est pour ceux qui en ont le moins besoin qu'ils se donnent le plus de mal », dénonce Jacky Dintinger, secrétaire national de la CFTC. « Leurs bilans sont catastrophiques », renchérit Christian Larose, secrétaire général de la CGT Textile. Un an après la liquidation de Metaleurop Nord (810 salariés), on ne comptait, parmi les reclassés, que 113 CDI et 24 CDD. A la même échéance, parmi les 530 salariés de Daewoo, seuls 66 avaient retrouvé un CDI, 54 se contentant d'un CDD ou d'une mission d'intérim. En août 2003, une étude de la Dares sur les résultats des antennes-emploi, en partie ou en totalité financées par les pouvoirs publics, faisait, par ailleurs, état d'un taux moyen de reclassement de 53,3 %, dont 29 % en CDI.

Evidemment, les cabinets avancent de tout autres chiffres : BPI, par exemple, se targue, après six mois d'accompagnement, de 75 % de « solutions satisfaisantes ». Un terme à rapprocher des «solutions identifiées», utilisées par les cabinets pour comptabiliser les reclassements, et qui agrègent CDI (de 15 % à 20 % des salariés accompagnés, en moyenne), CDD ou missions d'intérim préalables à une embauche, formations de reconversion et «projets de vie».

CDI, CDD ou intérim

« Certains syndicats réclament uniquement des CDI, mais il faut regarder les choses en face : nombre d'embauches commencent par un CDD ou de l'intérim. Quant à la catégorie des projets personnels, elle doit exister : si une personne démarre une recherche d'emploi, puis nous annonce qu'elle préfère faire du bénévolat ou travailler de manière non déclarée, nous n'avons pas de jugement à avoir », justifie Paùlo Lopes, directeur de projet au sein du pôle redéploiement de Right Garon Bonvalot. Mais « peut-on considérer qu'une formation de deux mois est un reclassement, qu'une longue maladie est une solution ou qu'attendre la retraite soit un projet de vie ? », interroge Maurad Rabhi, de la CGT Textile qui travaille à la labellisation de ces prestataires par les pouvoirs publics (voir encadré p. 18).

Dérives

Les syndicats ne sont cependant pas les seuls à pointer du doigt les dérives de certains consultants. Avocat en droit social au cabinet Freshfields, Gilles Bélier attire régulièrement l'attention des entreprises ou des salariés qu'il conseille sur la «manipulation sémantique» qui entoure l'offre valable d'emploi (OVE) : « Je précise toujours qu'il s'agit uniquement d'un entretien et non d'un travail. » De même, il les encourage à s'intéresser de près aux chartes de fonctionnement proposées par ces cabinets, qui conditionnent le bénéfice de l'antenne-emploi au fait que les gens soient actifs : « Certaines contiennent des exigences excessives. » « Si le cabinet éjecte de l'antenne 50 % de l'effectif, c'est un peu facile », abonde son confrère Sylvain Niel, du cabinet Fidal.

Question de déontologie

Quant à Frédéric Bruggeman, de Syndex, il distingue « les cabinets qui font de la prestation ANPE améliorée de ceux qui sont capables de proposer des résultats, du suivi, du pilotage commun. Et même parmi ceux-là, tous n'ont pas la même déontologie. Même quand le PSE (Plan de sauvegarde de l'emploi) est pauvre, certains prennent le chantier en adaptant leurs prestations : en ouvrant l'antenne seulement deux jours par semaine, en sous-traitant, ou encore en recrutant des consultants en CDD ».

Dans un climat de compétition exacerbée, les cabinets de reclassement, eux-mêmes, ne se privent pas pour dénoncer les méthodes et les pratiques de leurs «confrères». Ils s'accusent, ainsi, mutuellement, d'être trop chers ou, au contraire, de faire du dumping ; de pratiquer la surenchère sur le nombre d'OVE ; d'avoir 400 consultants «à nourrir» (sous-entendu, en acceptant tout ce qui passe) ou, à l'inverse, de multiplier les contrats de consultants «Kleenex»...

Choix objectifs

La majorité des membres du Syntec évolution professionnelle s'entendent, cependant, sur un point : refuser l'entrée au cabinet Sodie, dont le nouvel actionnaire de référence est le groupe Alpha, qui détient le cabinet d'experts aux comités d'entreprise Secafi-Alpha. « Un CE conseillé par un expert qui possède son propre cabinet de reclassement peut-il vraiment être conseillé objectivement sur le choix d'un tel cabinet ? », résume Sylvain Niel. Quand, en outre, cet expert est réputé «proche de la CGT», certains n'hésitent pas à faire l'équation : choisir Sodie, c'est calmer Secafi, donc calmer les partenaires sociaux... Pour Sodie, il s'agit d'un faux procès : « Le conflit d'intérêt n'est-il pas plutôt du côté des cabinets qui, en amont, bâtissent les stratégies de restructuration, élaborent les livres IV et III et veulent, ensuite, reclasser les salariés concernés ? » s'indigne Pierre Ferracci, Pdg du groupe Alpha.

Défiance

Face à cette défiance généralisée, les entreprises sont tentées de se border à l'extrême. Outre les partenaires sociaux, souvent associés à la décision, les DRH s'appuient de plus en plus sur leur service achats. Ils deviennent des interlocuteurs incontournables des cabinets, soit à froid, pour un référencement, soit à chaud, pour la négociation commerciale. Par ailleurs, ils exigent fréquemment des engagements de résultats (70 % de reclassements à six mois, par exemple), dont l'atteinte conditionne un bonus. Voire, purement et simplement, comme dans un appel d'offres récemment refusé par Algoé, la rémunération !

Situation locale

Dans ce climat, les cabinets tentent de rappeler quelques vérités de bon sens : leurs résultats dépendent pour beaucoup de l'état du bassin d'emploi, de l'employabilité des personnes à accompagner ou encore des moyens attribués au PSE. Dès lors, exhorte Maurad Rabhi, « qu'ils aillent au bout de la logique, et refusent les dossiers quand les conditions ne sont pas réunies. Cela forcerait les élus locaux, les entreprises et même les syndicats à réfléchir différemment ».

L'essentiel

1Affichant, en moyenne, un taux de 80 % de reclassements, les antennes-emploi doivent pourtant faire face à une défiance généralisée.

2Les entreprises s'entourent désormais de mille précautions pour choisir leur cabinet de reclassement, y associant tant les partenaires sociaux que leur service achats, et exigent une rémunération au résultat.

3Les cabinets-conseils, eux, rappellent que leurs résultats sont aussi largement tributaires de la situation du bassin d'emploi et de l'employabilité des salariés que du professionalisme de leurs consultants.

Vers une labellisation des cabinets de reclassement ?

« Comme pour les sociétés d'intérim en leur temps, il est urgent de moraliser la profession du reclassement », estime Christian Larose, secrétaire général de la CGT textile et membre du Conseil économique et social. Avec Maurad Rabhi, numéro 2 de sa fédération et ancien secrétaire du CE de Cellatex, qui a travaillé dans l'antenne-emploi montée par Sodie, voilà deux ans qu'ils militent pour une labellisation des cabinets de reclassement par les pouvoirs publics.

Avec des prestataires, les syndicalistes élaborent, actuellement, un cahier des charges minimal, dont le respect par les cabinets de reclassement conditionnerait un agrément valable deux ans, décerné par une commission paritaire nationale. Cette charte détaille :

> les travaux préalables au reclassement ;

> les outils à inscrire dans le cadre du PSE ;

> les exigences relatives à la prestation de reclassement : choix partagé du cabinet, signature d'une charte d'adhésion par le salarié, cosignature du projet professionnel par le candidat et le consultant, aide à la recherche d'emploi à l'issue d'une formation longue, présentation d'au moins 2 OVR par salarié, rémunération au résultat (au moins 50 % de variable)... ;

> les exigences relatives aux cabinets : au moins 7 implantations dans les principales villes françaises, méthodes et process écrits et partagés, solidité financière, références... ;

> les exigences relatives aux consultants : 80 % d'entre eux doivent être en CDI, titulaires d'un bac + 4 et/ou d'une expérience de plus de cinq ans, rémunération minimale de 1 700 euros mensuels, ratio d'un consultant pour 30 salariés.

D'après Christian Larose, les ministres Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher se montrent très intéressés par cette procédure : « Elle pourrait être inscrite dans les décrets d'application de la loi de cohésion sociale. »