Petit exercice tout simple. Supposons que votre entreprise soit une personne : quel âge lui donnez-vous ? Chaque organisation a, bien sûr, une histoire et un âge réel, mais si vous observez ses comportements, dans quelle phase de vie la situez-vous ? Ses réactions et ses décisions ressemblent-elles à celles d'un adolescent, d'un adulte ou plutôt d'un senior ?
L'adolescent se distingue généralement par une impatience et un sentiment de toute-puissance. Il a des comportements entiers, blancs ou noirs. Il est tourné vers lui-même et prêt à tenter l'impossible, sans conscience du danger, pour atteindre son but. L'adulte a davantage d'expérience. Il est plus mesuré mais exigeant sur l'essentiel. Il décide en évaluant les conséquences de ses actes. Conscient de sa valeur, il sait cependant changer. De son côté, le senior possède une certaine sagesse, une vision du monde qui relativise les choses et les événements. A la nouveauté, il préfère souvent la stabilité. Il évite les confrontations inutiles avec une forte conscience du risque, car il n'a plus l'énergie d'un adolescent.
A quoi ressemble votre entreprise ? Y trouve-t-on encore des querelles de pouvoir pour savoir qui est le plus fort ? Sait-on déléguer et faire confiance à ses collaborateurs ? Cherche-t-on à dénouer les conflits et à donner du sens ?
Si très peu d'organisations sont adultes, en revanche, beaucoup d'entreprises sont encore adolescentes dans leurs relations interpersonnelles. Elles sont également vieilles sur d'autres aspects : la peur de l'innovation, l'évitement de la prise de risque... La dimension la moins représentée reste la maturité émotionnelle, cette qualité qui permet à l'adulte d'écouter l'autre, même s'il est d'un avis différent, et néanmoins de collaborer avec lui de façon constructive... La maturité, c'est aussi la capacité de se remettre en cause, de rechercher la vérité sans vouloir à tout prix avoir raison.
La maturité est rare, car elle repose sur l'équilibre personnel. Etre bien dans sa peau, avoir quitté les rives du besoin (pouvoir, argent, supériorité, reconnaissance, contrôle, sécurité, maîtrise...) pour rejoindre celles de la coopération et de la cocréation. C'est avoir suffisamment confiance en soi pour ne plus chercher la domination ou la réassurance. C'est traverser des épreuves avec courage et se relever en restant ouvert, sensible aux autres et tourné vers l'avenir.
La maturité émotionnelle n'est pas du domaine de l'intelligence. C'est peut-être pour cela qu'on la dévalue trop souvent. Elle est liée à l'estime de soi. Il reste du chemin à parcourir pour que nos entreprises atteignent ce degré d'aisance, sachant éviter les querelles d'orgueil et faisant preuve de discernement, de sagesse et de persévérance. L'enjeu est de taille, car si l'énergie de la jeunesse permet de déplacer des montagnes, seule la maturité émotionnelle de l'adulte fait prendre de vraies responsabilités économiques et humaines.
Meryem Le Saget est conseil en entreprise à Paris. <
