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Les Pratiques

Une situation inextricable pour les salariés

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 28.09.2004 |

Quatre ans après le plan social, les licenciés ne sont toujours pas indemnisés et certains devraient de l'argent à leur ancien employeur. La Cour de cassation sera amenée à trancher entre les jugements contradictoires des prud'hommes et de la Cour d'appel.

Est-ce le début du bout du tunnel pour les ex-salariés de Wolber, plus de quatre ans après la fermeture de l'usine de pneus de Soissons ? Lors de l'audience devant les Prud'hommes, le 22 septembre dernier, qui concernait 115 licenciés, l'ancien employeur n'a plus contesté la nullité de la procédure de licenciement. Le jugement prévu le 24 novembre pourrait donc permettre de débloquer rapidement les dommages et intérêts que les salariés n'ont pas obtenus après plus de trois ans de bataille juridique. La succession des jugements de première et de seconde instance, qui concerne un premier groupe de 147 personnes, a en effet dérouter, et les gens de robe et les salariés, qui en attendent la transformation en indemnités sonnantes et trébuchantes.

Aux «sages» de la Cour de cassation, reviendra, en 2005 au plus tôt, la tâche de démêler le noeud gordien qu'est devenu le dossier Wolber. Philippe Brun, le médiatique avocat des salariés de l'ancienne usine de pneus de Soissons, a déposé son pourvoi après l'arrêt de cour d'appel d'octobre 2003.

Jugements

Rappel des épisodes précédents. En 2000, Michelin ferme sa filiale Wolber. Cent cinquante salariés sur 451 contestent, d'emblée, le plan social. Deux ans plus tard, le conseil des prud'hommes de Soissons conclut à l'« absence de motif économique » des licenciements, mais sans aller jusqu'à annuler le plan. Afin de clarifier cette position, le liquidateur «amiable» de Wolber (l'entreprise n'est pas en liquidation judiciaire) et le défenseur des salariés saisissent la cour d'appel d'Amiens. Son jugement de l'automne 2003 offre un décalque quasi parfait à celui des prud'hommes... en sens inverse : pour la cour, le plan social est nul, « dès lors », il n'y a « pas lieu de se prononcer sur le caractère réel et sérieux » des licenciements ! Quid, alors, des indemnités ? Les magistrats d'Amiens rendent un arrêt en demi-teinte : selon eux, la nullité du plan social rend indues la plupart des indemnités perçues, qui devraient, en conséquence, être remboursées à l'entreprise, mais le personnel a tout de même droit à la réparation d'un « préjudice ».

140 salariés gagnants

Or cette balance ne penche pas du même côté pour tout le monde. Quelque 140 salariés se retrouvent «gagnants», mais neuf autres devraient de l'argent à Wolber, « dont cinq cas dramatiques, où la somme en jeu va de 7 500 à 15 000 euros », selon Philippe Brun. Il s'agit de personnes qui sont parties avec de fortes indemnités conventionnelles du fait de leur ancienneté et dont le reclassement rapide limite le «préjudice» aux yeux de la cour. Au final, le solde positif d'1 million d'euros « nous éloigne nettement des 9 millions qui découlaient des Prud'hommes », observe Me Brun.

Dans ce contexte, y a-t-il intérêt à demander l'exécution de l'arrêt ? Face à cette question, le front des salariés se lézarde. Le groupe des trente les plus favorisés par l'arrêt de cour d'appel (ils pourraient espérer chacun jusqu'à 45 000 euros) n'a pas voulu se pourvoir en cassation, et manifeste une impatience et un mécontentement croissants. Philippe Brun, à demi-mots, avait avancé l'idée d'une sorte de caisse de solidarité, que les mieux nantis abonderaient au profit de leurs collègues moins chanceux. Elle piétine, pour l'heure. « Tout cet imbroglio juridique rend la situation plutôt embarrassante », concède Alain Beaudon, secrétaire départemental de la CGT. Michelin, du reste, argue de la « grande complexité de l'affaire » et du fait qu'elle est en cours pour s'abstenir de commentaires.

AR Carton : un Wolber bis ?

Soissons et Me Brun se retrouvent au coeur d'une autre contestation de plan social qui pourrait faire parler d'elle : celle d'AR Carton. Le 9 septembre, et en dépit de la liquidation judiciaire de l'entreprise, les Prud'hommes ont annulé les 113 licenciements de 2002, considérant comme « insuffisantes » les mesures du PSE, pourtant nombreuses sur le papier (entre autres le pré-Pare, une cellule de reclassement et la prise en charge de la mutuelle pendant un an), parce qu'imprécises pour certaines ou inexistantes pour d'autres - comme l'aide à la création d'entreprise.

Selon le jugement, tout PSE doit comporter une convention de conversion, alors même que - c'était l'argument du liquidateur - elle n'était plus financée au moment où AR Carton fermait. Mais la convention n'a été abrogée ni par la loi de modernisation sociale, ni par la loi Fillon, donc le Pare ne la remplace pas, ont estimé les conseillers, qui invitent implicitement le législateur à remettre de l'ordre dans le Code du travail sur ce point. Les ex-salariés peuvent espérer jusqu'à plus de 50 000 euros chacun des AGS, mais un appel est probable.