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Haro sur les "malades imaginaires" !

SANS | publié le : 29.06.2004 |

Alors que le gouvernement promet de chasser et de sanctionner les arrêts maladie abusifs, les entreprises usent des contre-visites médicales pour juguler l'absentéisme.

Le salarié est une victime expiatoire toute trouvée. Avec la complicité de son médecin traitant, voire avec celle de son employeur - comme l'a laissé entendre récemment le ministre de la Santé et de la Protection sociale -, il abuserait des arrêts maladie. Et, selon les calculs du ministère, il grèverait, à hauteur d'un milliard d'euros, le déficit abyssal de l'assurance maladie (14 milliards d'euros en 2004). Le gouvernement va donc sévir. La sanction envisagée : le remboursement, par l'assuré, des indemnités journalières.

En visite, début juin, dans une Cram des Yvelines, Philippe Douste-Blazy a sorti l'artillerie lourde : « On ne peut pas jeter la culpabilité sur tous les médecins et tous les malades, mais les quelques médecins et malades qui abusent doivent être sanctionnés, grâce à des outils juridiques, pour sauvegarder un système généreux », a promis le ministre.

La situation est-elle si désespérée ? Revenons-en aux chiffres. L'an dernier, les arrêts maladie (hors maternité et accidents du travail) ont coûté 5,4 milliards d'euros à l'assurance maladie, correspondant à l'indemnisation de 213,5 millions de journées. Ce qui représente 5,6 % du total des dépenses maladie du régime général, qui s'élève à 96 milliards d'euros.

Autre fait acquis : les dépenses liées aux indemnités journalières ont augmenté de 5,6 % en 2003, mais reculent par rapport à 2002, année où elles avaient progressé de 13,3 %. Les salariés seraient-ils plus tire-au-flanc qu'auparavant ? Non, rétorque, en substance, un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), selon lequel ce dérapage s'explique par le vieillissement de la population salariée.

Tranches d'âge

« Depuis quelques années, la croissance des indemnités journalières maladie se caractérise par une forte hausse des indemnités journalières de longue durée (+ 19,3 % en 2002), lesquelles se concentrent sur la tranche d'âges 55-59 ans. Or, cette frange de la population croîtra jusqu'en 2007 par l'effet du baby-boom », confirme, de son côté, la Cnam. « A partir de 50 ans, on s'absente 4 à 5 fois plus que lorsqu'on a entre 25 ans et 30 ans, soulève le Dr Laurent Goldstein, directeur santé de Mondial Assistance France. Or, l'un des enjeux de la réforme des retraites est justement de doper le taux d'emploi des quinquas dans les entreprises. Dès lors, si rien n'est fait, l'absentéisme risque de s'aggraver durablement. »

Il est vrai qu'avec 6,7 millions d'arrêts de travail en 2002, la France détient une sorte de record. Coût de cet absentéisme pour les entreprises et les assureurs : 61 milliards d'euros ! Laurent Goldstein, qui travaille avec les institutions de prévoyance, le confirme : les arrêts de travail pèsent sur la structure financière des régimes.

Sinistralité en hausse

« Les institutions de prévoyance constatent une augmentation importante de la sinistralité, ajoute-t-il. Conséquence : depuis environ trois ans, les assureurs proposent, chaque année, des majorations tarifaires de 10 %. Inutile de dire que les entreprises deviennent très attentives à la maîtrise des coûts. » Autrefois domaine régalien des DRH, la prévoyance est, d'ailleurs, un sujet de plus en plus partagé avec les directions financières.

Plus sélectives quant au choix de l'assureur, plus regardantes sur les garanties proposées, les entreprises mettent aussi les bouchées doubles pour tenter d'enrayer la progression des arrêts de travail, en particulier ceux de courte durée, les plus fréquents et les plus perturbants pour l'organisation. Contrôlant 0,5 % de ces arrêts, la Sécurité sociale, avec son maigre bataillon de 2 700 médecins-conseils, paraît bien désarmée. D'où le succès incontestable des contre-visites médicales.

Spécialisée sur ce créneau, Securex Médical Services, une filiale du groupe belge Securex, a enregistré, l'an passé, une progression de 33 % de son activité, avec 30 000 contre-visites effectuées. Décriée par certains, la contre-visite médicale a un pouvoir dissuasif indéniable. « Dans une grande PME du Nord, raconte Marie-Stéphane Lelaurin, directrice de Securex Médical Services, rien que l'effet d'annonce a fait tomber le taux d'absentéisme à 8 % en quelques mois, contre 12 % initialement. Au bout d'une année, il était de 6 %. »

Bataille de la prévention

« Dans le secteur privé, on assiste, grosso modo, à une croissance annuelle de 30 % des primes versées pour absentéisme, affirme cette responsable. Il y a, aujourd'hui, et c'est un fait relativement nouveau, une volonté des entreprises de livrer la bataille de la prévention, dont la contre-visite médicale fait partie intégrante. »

Médecin-conseil chez Dexia Sofaxis, un assureur qui intervient sur le marché des collectivités territoriales et des établissements publics de santé, le Dr Jean-Michel Maurel estime que 5,5 % des arrêts de travail ne sont pas justifiés dans la fonction publique : « Le contrôle médical n'est pas assez utilisé dans la fonction publique, car c'est un sujet politiquement sensible. Pourtant, lorsque le projet est correctement annoncé, notamment aux partenaires sociaux, la démarche ne pose aucun problème. En revanche, si l'objectif de l'employeur est répressif, alors, il va droit dans le mur. »

Les Pays-Bas, champions malgré eux de l'invalidité

Le système néerlandais de protection sociale, pourtant réputé dans le monde entier, souffre de ses dérives. Ainsi, la loi de 1967 sur l'incapacité de travail (WAO), prévue à l'origine pour 200 000 personnes au maximum, doit, aujourd'hui, s'appliquer à cinq fois plus de salariés. C'est près de 15 % de la population active.

Pourtant, bien des mesures ont été prises pour diminuer le nombre d'allocataires : réduction de la durée et du montant des indemnités, sanctions financières pour les entreprises "générant" beaucoup d'invalides, restructuration des organismes prestataires... Sans grands résultats.

Le gouvernement actuel a donc décidé de prendre le taureau par les cornes. En janvier dernier, la période maximale d'arrêt maladie (avant l'obtention du statut d'invalide) est passée d'un à deux ans. Pendant ces 24 mois, l'employeur est tenu de verser au moins 70 % du salaire. Il doit également tout faire pour que le salarié revienne sur le marché du travail.

Mais la réforme la plus importante entre en vigueur au 1er juillet prochain. A partir de cette date, tous les invalides de moins de 55 ans seront convoqués pour une visite médicale et réexaminés selon des critères plus stricts. Seule une incapacité à 100 % permettra de continuer à recevoir une allocation. Le ministère des Affaires sociales estime que 110 000 personnes reprendront ainsi le travail : 40 000 par leurs propres moyens et 70 000 avec l'aide de sociétés de reclassement. Pour cela, un budget de 288 millions d'euros a été débloqué, ce qui devrait permettre une économie de 377 millions d'euros en 2007.