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Les P'tits Lu européens

SANS | publié le : 25.05.2004 |

Malgré des législations différentes, le plan de restructuration du pôle biscuits de Danone, décliné à travers cinq sites européens, a reposé sur une même méthode : trouver des solutions de reclassement avec les partenaires sociaux et revitaliser les bassins d'emploi. Mais les issues sont différentes.

Ah, les obstacles français ! Si, en France, Danone se débat toujours dans les imbroglios judiciaires - le tribunal d'Evry a débouté, le 3 mai dernier, la demande des syndicats qui contestait la validité économique du plan social annoncé en 2001 -, en Belgique et aux Pays-Bas, la page est tournée. Deux ans après l'annonce, l'ensemble du personnel licencié à Beveren (Belgique) et à Dordrecht (Pays-Bas), 617 personnes au total, est reclassé.

Satisfecit

En Italie, 94 % des salariés de l'usine de Locate ont trouvé une solution (dont 60 % de reclassements externes), et le taux atteint 92 % sur le site de Györi, en Hongrie, selon la direction. Un satisfecit évident pour le géant de l'agroalimentaire, qui avait supprimé 1 816 postes en Europe, soit 12 % des effectifs, et fermé cinq usines (deux en France, une en Belgique, une aux Pays-Bas et une en Italie).

Pour parvenir à un tel résultat, Danone a utilisé la même méthode. L'objectif a été, à chaque fois, de réduire les licenciements secs, en proposant des alternatives : mobilité au sein du groupe, aide aux projets personnels, préretraites à partir de 52 ans en Belgique (57 ans aux Pays-Bas), et, surtout, reclassement externe. Le groupe s'enorgueillit également de prendre en charge le déménagement des salariés licenciés, l'évaluation de leurs compétences, leur formation...

Départ identique, résultats différents

Au départ, le plan de restructuration a suivi la même voie qu'en France, puisque, depuis la fermeture de l'usine Renault à Vilvorde, en 1997, une nouvelle loi oblige chaque groupe à lancer une procédure d'information-consultation auprès des repré- sentants des salariés. Mais c'est ensuite que les clivages se creusent. Car, contrairement à la France, en Belgique et aux Pays-Bas, patrons et syndicats ont préféré le dialogue à la confrontation. Dans ces deux pays, les licenciements collectifs se décident entre représentants de salariés et employeurs. Et, dans la plupart des cas, les accords signés sont rarement contestés devant les juges.

Solution obligatoire

« En Belgique, vous êtes obligés de trouver une solution et de conclure un plan social, sinon, c'est un conciliateur social, désigné par le ministère du Travail, qui est chargé de trouver un accord, indique Rudy Baert, DRH du pôle biscuits, ex-DRH de Lu Benelux, qui a piloté le plan de restructuration de la Belgique et des Pays-Bas. En France, en revanche, la loi est complexe et conduit plus facilement les acteurs concernés à commettre des erreurs. On gaspille alors son énergie à trouver des fautes de procédure et à aller au tribunal. »

C'est ainsi qu'en Belgique, entre l'annonce des suppressions de poste et l'accord des partenaires sociaux, deux mois seulement se sont écoulés. Le temps, pour les partenaires sociaux signataires, d'organiser deux référendums auprès des salariés pour tester les mesures d'accompagnement proposées.

Deux ans de réorganisation

Aux Pays-Bas, deux mois et demi ont été nécessaires pour valider le plan auprès des syndicats. Ces deux accords reposent sur des principes communs : trouver des solutions de reclassement avec les partenaires sociaux, revitaliser les bassins d'emploi, et réorganiser l'entreprise sur au moins deux ans pour permettre cet accompagnement. « Dans ces deux pays, il est beaucoup plus fréquent de négocier les indemnités de départ qu'une reconversion professionnelle. Nous avons voulu agir différemment en donnant la priorité au reclassement », poursuit Rudy Baert.

En Belgique, Lu Benelux n'a pas hésité à faire appel à Vitamine W, une société spécialisée dans la réinsertion des chômeurs de longue durée et des personnes à faible niveau de qualification. Aux Pays-Bas, une antenne emploi interne a été montée. Elle est restée ouverte pendant trente mois, jusqu'au 19 septembre 2003. Chacun des salariés licenciés s'est vu proposer des offres de reclassement, en interne ou en externe. Parallèlement, des indem- nités de départ ont été versées (les salariés belges partent avec 20 000 euros en poche, tandis que les Néerlandais ont obtenu les indemnité légales).

Réindustrialisation

Dans le même temps, le groupe a mené des missions de réindustrialisation. La société Haust BV, filiale du groupe Continental Bakeries, a repris, fin 2002, les bâtiments de l'usine de Dordrecht pour y installer de nouvelles lignes de fabrication de crackers et de toasts, et a repris 45 "P'tits Lu". Pour Beveren, 2 000 entreprises ont été contactées en Europe, et 450 dans la région d'Anvers/Rotterdam. Le site devrait être repris par un groupe immobilier, spécialisé dans la réalisation et la gestion de projets commerciaux et dans l'immobilier d'entreprise.

Sans incident

Plan social exemplaire ? De l'avis de Bruno Vannoni, secrétaire fédéral de la FGA-CFDT, affiliée à l'Uita (Union internationale des travailleurs de l'agroalimentaire et de l'agriculture), la restructuration de Danone « s'est passée sans incident. Il apprécie, notamment, l'engagement du groupe à réindustrialiser les bassins d'emploi desquels il s'est retiré » et les "garanties en matière d'emploi".

« En Belgique, l'accord prévoit qu'aucune suppression de poste ne doit avoir lieu avant 2006. » La CFTC, en revanche, reste plus critique. Les reclassements n'ont pas toujours été à la hauteur des propositions annoncées. Les emplois ne sont pas systématiquement équivalents, il est, par exemple, difficile à un salarié de quitter un grand groupe pour aller dans une PME. En outre, les transferts des lignes de production qui ont eu lieu, comme en Italie et en Belgique, se sont faits au détriment de la qualité.

« On a noté une perte de savoir-faire importante et des problèmes de gestion », indique Patrick Régnier, délégué syndical de la CFTC d'Evry. D'ailleurs, quelques craintes se font jour ici et là : les résultats du pôle biscuits ont baissé de 12 %, l'an dernier, et la rentabilité est passée au-dessous de celle de 2001. Ce qui fait craindre au syndicaliste d'autres fermetures de site, voire la vente totale du pôle biscuits de Danone.

Györi Hongrie : Danone réorganise le site

En 2000, une société hongroise centenaire - Györi keksz és Ostayagàrd - est rachetée par le groupe français Danone au groupe britannique United Biscuit. Sur des installations très modernes, 700 salariés y fabriquent des barres chocolatées, réputées dans tout le pays. Salaire à l'époque : 300 euros. Le site de Györ (une ville de 130 000 habitants, sur le Danube) devient, alors, le symbole de l'économie de marché en Hongrie.

Quatrième groupe agroalimentaire mondial, Danone emploie 92 000 salariés dans le monde, dont 9 500 dans les pays d'Europe de l'Est et d'Europe centrale. En Hongrie, l'usine Danone de Györ occupe le premier rang sur le plan des avantages sociaux. Un an après avoir racheté l'usine de Györ, en mars 2001, Danone annonce la fermeture de cette usine hongroise ; 700 salariés vont être licenciés.

Apprenant soudain la fermeture du site de Györ, qu'ils considèrent comme le fleuron de leur industrie agroalimentaire, les Hongrois sont choqués. Mobilisation nationale, manifestations à Budapest, appels au boycott, négociations avec le gouvernement : la fermeture est finalement annulée par Danone.

Deux ans plus tard, réorganisation du site : transfert de 35 personnes à l'usine Danone de Skékesfehérvàr, à 100 km de Györ et près du lac Balaton, 315 licenciements étalés dans le temps (ou non-remplacements pour départs à la retraite). Ces suppressions de poste sont accompagnées d'un "plan social", avec, entre autres, des indemnités variant, selon les cas, de 4 à 12 mois de salaire.

En Italie, Danone a restructuré sa filiale biscuits

En Italie, c'est la filiale biscuits de Danone, Saiwa, qui a subi une restructuration. Le groupe a fermé l'usine Saiwa de Locate Triulzi, près de Milan, et transféré sa production à Capriata d'Orba, dans le Piémont.

Un accord pour le reclassement des quelque 270 salariés a été signé avec les principaux syndicats en 2001, et la procédure a été terminée à la fin de l'an dernier. Première possibilité, le transfert à Capriata : seules 15 à 25 personnes, de sources syndicales, ont, en réalité, choisi de déménager. Le plan prévoyait, également, le recours à une société d'outplacement, ou des incitations financières au départ.

« Au fur et à mesure que les lignes de production étaient transférées, les salariés étaient mis en chômage technique, puis devaient choisir l'une des options, à moins de pouvoir partir directement à la retraite », explique Silvano Campioni, secrétaire général du syndicat FLAI-CGIL de Milan.

Selon Giuseppe Saronni, son homologue de la FAI-CISL, « 90 % des salariés ont pu trouver une solution, la fermeture a été gérée avec un plan social sérieux ».

Précisions

Contrairement à ce que nous indiquions dans notre enquête intitulée "La loi Fillon va-t-elle assez loin ?" (Entreprise & Carrières n°715 du 4 mai 2004), l'Unsa (5 %) n'a pas devancé la CFE-CGC (7 %) aux dernières élections prud'homales. Elle a seulement réalisé un meilleur score dans les sections commerce et agriculture.

DANONE

> Effectifs : 88 607 salariés, dont 33 533 en Europe et 40 960 en Asie-Pacifique.

> Implantation : 120 pays, 203 usines.