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Les pays européens face aux licenciements

SANS | publié le : 25.05.2004 |

Autorisation administrative de licenciement en Espagne, accord avec le comité d'entreprise en Allemagne, et avec les partenaires sociaux en Italie, transactions individuelles en Finlande, et création d'antennes emploi aux Pays-Bas... Tour d'horizon des spécificités européennes.

PAYS-BAS Priorité au reclassement

Le plan social à la néerlandaise prévoit, généralement, de faire appel à une société d'outplacement ou de créer une structure propre pour le reclassement des salariés. Si, pour des raisons économiques, un employeur prévoit de licencier vingt personnes ou plus sur une période de trois mois, il est tenu d'en demander l'autorisation au Centre de l'emploi et des revenus (l'équivalent de l'ANPE).

Plan social

Les syndicats et le comité d'entreprise, qui doivent également être avertis, peuvent, par ailleurs, participer à l'élaboration d'un plan social. Ce dernier n'est pas obligatoire, mais il est prévu par la plupart des accords de branche et d'entreprise.

Seul ou avec les syndicats, l'employeur fixe les modalités du plan : à qui s'appliquera-t-il, quels salariés seront les premiers touchés, à combien se montera l'éventuelle prime de départ et pourra- t-on "emporter" son plan de retraite avec soi ?

En dehors du plan social, les licenciements se font à titre individuel. Là, c'est au juge de première instance d'autoriser ou non la rupture du contrat et de fixer le montant des indemnités par une formule tenant compte de l'ancienneté et du dernier salaire. En 2000, cette procédure s'était appliquée à des cadres supérieurs de KLM.

Centre mobilité

Quant au reclassement, il figure, en général, en première place dans le plan social. Les salariés dits "surnuméraires" peuvent être confiés à un cabinet d'outplace- ment, ou bien l'entreprise, à l'instar de la banque ABN-Amro, crée sa propre structure (le "centre de mobilité") pour aider le personnel à retrouver du travail en interne ou en externe. Il arrive, aussi, qu'une commission paritaire soit mise en place pour proposer des solutions en cas de contentieux.

Emmanuelle Tardif, à Amsterdam

Allemagne Le rôle clé des comités d'entreprise

Elus dans tout établissement ayant au moins cinq salariés, les comités d'entreprise disposent, outre-Rhin, de pouvoirs étendus lors des restructurations d'entreprises. « Il n'existe pas de pays au monde où les représentants du personnel possèdent autant d'influence sur le fonctionnement de l'entreprise », avance Host Niedenhoff, chercheur à l'institut économique IW, à Cologne.

Loi plusieurs fois remaniée

Leurs pouvoirs sont fixés par la loi relative à la constitution interne des entreprises (Betriebsverfassungsgesetz) de 1972, plusieurs fois remaniée. Celle-ci oblige chaque entreprise de plus de vingt salariés à « informer à temps et d'une manière exhaustive » son comité d'entreprise de toute mesure de restructuration impliquant des licenciements. Ces changements font, ensuite, l'objet de négociations entre les deux parties, qui doivent essayer de dégager un consensus (en novembre der- nier, la direction d'Opel et son comité ont, par exemple, décidé une réduction du temps de travail de 35 à 30 heures par semaine pour sauver 1 200 emplois). Mais, en cas de désaccord, l'employeur est libre d'agir comme il l'entend.

Plan social exigible

« Le comité d'entreprise ne peut s'opposer aux licenciements », insiste l'économiste Host Niedenhoff. En revanche, les représentants du personnel peuvent exiger la conclusion d'un plan social pour "atténuer" les effets négatifs des licenciements. Ce droit dépend, toutefois, de la taille de l'entreprise et du nombre de licenciés.

Le plan fixe la hauteur des indemnités de licenciement. Il peut contenir, également, d'autres mesures (formation continue, reconversion, outplacement...).

En cas de conflit, les deux parties font appel à une instance paritaire de conciliation, en général présidée par le président du tribunal du travail de la région. C'est lui qui a le dernier mot.

Marion Leo, à Berlin

Finlande

Des salariés pas ou peu protégés

Malgré une proximité géographique et historique avec la Suède, pays où la négociation est la pierre angulaire des relations au sein du monde du travail, la Finlande présente un modèle assez différent, marqué par une protection moindre des salariés et un mode de management beaucoup plus autoritaire, que ce soit dans le secteur public ou le secteur privé. Les raisons de cette situation sont multiples et liées, en particulier, à une histoire beaucoup plus tourmentée que celle de son voisin nordique.

Les restructurations récentes dans de nombreux secteurs économiques, comme celle subie par l'opérateur de téléphone Elisa, avec près de 900 suppressions d'emploi, ont fait la une de la presse par leur importance, mais, également, en montrant à une opinion publique étonnée la faiblesse des moyens mis à la disposition des salariés dans ce type de situation par rapport à de nombreux pays de l'UE comme la France.

Selon les employeurs

Le concept de plan social n'existant pas en Finlande, c'est au niveau de l'entreprise que se décideront les licenciements individuels des salariés concernés et ce, en fonction de motifs économiques justifiés. Ni l'Etat, ni les tribunaux civils et du travail, ni le médiateur du travail ne prennent part à la discussion en cours, dont les résultats reposent, essentiellement, sur la volonté des employeurs.

En matière de licenciement, la législation locale prévoit des durées de préavis pouvant aller jusqu'à dix mois et une indemnité de chômage représentant, en moyenne, 60 % du dernier salaire brut pendant une durée maximale de 500 jours.

Sur ce sujet sensible, les principaux syndicats souhaiteraient que s'ouvrent des négociations avec les employeurs, mais aussi avec l'Etat, dont le rôle, comme dans les autres pays nordiques, est relativement passif.

Rémi Gamba, à Helsink

Pologne Les sociétés étrangères ont introduit les plans sociaux

En Pologne comme ailleurs, les grandes sociétés étrangères et polonaises "dégraissent". Depuis dix ans, dans ce pays, des centaines de milliers d'emplois ont disparu. Aujourd'hui, le chômage atteint 20,6 %, avec des "pointes" à 35 %. La Pologne compte, ainsi, 3 700 000 chômeurs indemnisés pendant un an ; 80 % ne perçoivent plus d'allocations.

Dans les entreprises de moins de 100 salariés, le licenciement collectif démarre à partir de 10 personnes concernées, et il commence à 30 pour les entreprises qui emploient moins de 300 salariés. La législation est favorable aux employeurs : annonce à l'agence d'emploi et aux syndicats trente jours avant les premiers départs, négociations pendant vingt jours. Même sans accord, les licenciements deviennent effectifs.

Pas d'implantation sans plan social

Ce sont les sociétés étrangères qui ont introduit les plans sociaux en Pologne. Dans les années 1990, elles n'ont pas le droit d'investir sans plan social à l'appui : garantie d'emploi, primes de privatisation, augmentation des salaires. Résultats : licenciements collectifs limités, voire interdits. Pour leur part, les sociétés polonaises ignorent encore les plans sociaux.

Mais la législation n'est pas toujours familiarisée avec les réalités du plan social : par exemple, la garantie d'emploi est, le plus souvent, une garantie d'indemnités, de quatre à quinze mois de salaire. Certains plans prévoient des reconversions possibles, une aide aux femmes, des pré-retraites. Ils sont très rares.

Indemnités et primes de départ

En revanche, indemnités et primes de départ sont souvent appréciées des bénéficiaires : de huit à quinze mois de salaire. Sur ce plan, les centrales électriques offrent les meilleures conditions : douze à quinze mois de salaire, prime de départ volontaire de 10 000 à 60 000 euros.

La réindustrialisation des sites n'est pas encore répandue. Et, à l'initiative des grandes sociétés étrangères et polonaises, la formation permanente ne fait que démarrer. La culture économique et sociale a encore bien des progrès à faire en Pologne. Tout comme le paritarisme.

François Gault, à Varsovie

Espagne Pas d'obligation de reclassement

En Espagne, les entreprises sont obligées de présenter un "Expediente de regulación de empleo" (ERE), c'est-à-dire une autorisation administrative de licenciement, soit au ministère du Travail, soit aux autorités compétentes dans les régions en cas de licenciements collectifs. « Si l'entreprise ne possède qu'une seule usine ou un seul centre en Espagne, le dossier ira directement à l'administration régionale ; et si elle possède plusieurs centres de travail, c'est le ministère qui s'en occupe », explique Máximo Blanco, secrétaire pour le secteur automobile de la Fédération métallurgique du syndicat Commissions ouvrières.

La plupart des sociétés justifient les licenciements collectifs par des causes industrielles, technologiques, éco- nomiques ou des causes "objectives", qui englobent les obligations de restructuration d'entreprises. « Cet article de la loi sur les causes objectives a été introduit en 1984, et c'est celui qui offre le plus de possibilités », précise Máximo Blanco.

Avant de transmettre le dossier, la direction de la société doit en informer le comité d'entreprise, qui, à son tour, fera un rapport à l'administration.

Un mois pour trouver un accord

A partir de cette date, les dirigeants et les syndicats ont un mois pour se mettre d'accord. Mais les entreprises de moins de 50 salariés n'ont pas besoin de cet accord avec les syndicats.

En cas d'absence d'entente, c'est l'administration qui doit trancher dans un délai de quinze jours. « En fait, il n'existe pas beaucoup de difficultés dans les grandes entreprises, mais dans les petites, c'est une autre histoire... », assure Máximo Blanco.

En revanche, il n'existe aucune obligation pour les entreprises de trouver un autre emploi aux licenciés. « Elles commencent pourtant à le faire depuis cinq ans et à engager des sociétés d'outplacement ; il faut avouer que les travailleurs n'insistent pas trop sur ce point, ils préfèrent bien ficeler les indemnisations », ajoute Máximo Blanco.

Valérie Demon, à Madrid

Italie Des instruments archaïques

Les entreprises qui font face à une restructuration n'ont pas la tâche facile en Italie : les instruments à leur disposition restent archaïques, et leur responsabilité est d'autant plus lourde que l'indemnisation chômage est quasiment inexistante : 40 % du dernier salaire brut pendant six mois !

Les restructurations des grandes entreprises doivent faire l'objet d'un accord avec les syndicats et articulent une série de mesures, notamment le financement du reclassement ou l'aide à la création d'entreprise.

Chômage technique

Dans l'industrie, le système reste en grande partie fondé sur la "Cassa integrazione guadagni" (CIG), sorte de chômage technique. La CIG exceptionnelle permet aux salariés, qui font toujours partie des effectifs de l'entreprise, de toucher 80 % de leur dernier salaire brut durant un à deux ans. Les secteurs concernés bénéficient, en outre, d'un autre instrument, la "mise en mobilité" (licenciement) : utilisée directement ou après une période de CIG, la mobilité permet à la personne de toucher 80 % de son salaire brut pendant un an, et, suivant les cas, une indemnité dégressive durant un à trois ans supplémentaires. Ces mesures facilitent grandement les plans sociaux dans l'industrie : Fiat par exemple, entre la CIG, la "mobilité" et les préretraites, a pu supprimer des milliers d'emplois de façon relativement indolore.

Faiblesses du tertiaire

Les problèmes sont plus aigus dans le tertiaire : ainsi, les syndicats refusent les suppressions d'emploi à la compagnie aérienne Alitalia, pourtant au bord du gouffre, en l'absence d'instruments de type CIG.

Des modèles innovants ont toutefois été inventés : dans le secteur bancaire, qui a subi une restructuration massive à la fin des années 1990, les partenaires sociaux se sont mis d'accord pour créer un fonds spécial de soutien aux revenus des salariés licenciés.