logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

SANS

Les ex-Boussac, toujours sous le choc de la fermeture

SANS | publié le : 25.05.2004 |

Un an après la disparition de l'entreprise textile CDT, à Wesserling et Nomexy, qui faisait la fierté du massif vosgien, la querelle bat son plein sur le bilan des cellules de reclassement. Le désespoir des licenciés a, en tout cas, compliqué la tâche des cabinets.

Le dépôt de bilan, puis la liquidation de CDT-Boussac, début 2003, avaient été particulièrement délicats. Incendie de hangar, blocages routiers et menaces d'explosion d'usine avaient accompagné, de façon spectaculaire, la fin de ce vieux fleuron textile de l'Alsace et des Vosges.

Tout aussi sensible est, aujourd'hui, le débat sur le reclassement des 336 salariés inscrits dans les cellules de reclassement. A Wesserling, sur le versant alsacien, la cellule Lennox (groupe Altédia), constituée après le dépôt de bilan de septembre 2002, a enregistré 80 adhésions, mais seulement une cinquantaine de participants actifs. Elle a débouché sur 29 retours à l'emploi (CDI, CDD, ou intérim). Après la liquidation, le 31 mars 2003, c'est le cabinet local RMC Conseils qui a pris en main le dossier de 133 autres licenciés.

Piètres bilans

Un an après, « sur 86 assidus réels », il annonce 21 CDI, 15 CDD, 15 contrats d'intérim, 2 créations d'entreprise et 6 formations longues. A Nomexy et Thaon (Vosges), 34 retours à l'emploi et 12 formations longues sont recensés à fin avril 2004. Sur ces deux derniers sites, les cellules, animées par Lennox, comptent 123 inscrits.

Les syndicats ne sautent pas de joie à l'énoncé des bilans. Dans les Vosges, la CGT, la CFTC et la CFE-CGC se montrent fort critiques sur le travail de Lennox, évoquant, entre autres, des propositions de postes trop éloignés géographiquement. Le cabinet plaide les « 169 offres valables d'emploi (CDI ou CDD de plus de six mois) proposées », face auxquelles il recense « 56 refus de se présenter à l'entretien avec l'employeur et 11 refus de poste après l'entretien ».

A Wesserling, Graziella Stefana, responsable de la CFTC textile du Haut-Rhin, dénie à RMC un bilan positif : « Pour moi, le résultat réel se limite aux CDI, aux créations et aux formations. »

Question d'âge

L'argument fait bondir Maurice Rubly, le dirigeant du cabinet : « Qu'on arrête de nous dire que la seule solution réside dans le CDI ! Moi, je vois passer dans les cellules des gens que j'avais repla- cés en entreprise quelques années auparavant. Et mettez-vous à la place du gars de 54 ans, un cas qui n'est pas rare dans ce dossier. Son but, c'est de calculer au mieux pour arriver à la retraite, et l'embauche ferme n'est alors pas forcément son idéal. » Opinion confirmée, pour sa part, par Lennox : « Le retour à l'emploi n'a pas toujours été la priorité. L'antenne emploi a beaucoup oeuvré sur les mesures d'âge », indique Christine Lagrange, sa responsable régionale.

Un point finit par mettre tout le monde d'accord : il ne fallait pas espérer de grosses performances. Les cellules sont intervenues auprès d'un public âgé - 57 % de plus de 45 ans dans l'antenne RMC, par exemple - et, surtout, dans un contexte de désespoir.

La fin d'un monde

Des salariés ayant plus de trente ans d'ancienneté ont vu s'écrouler un monde de plus de deux cents ans, où prédominaient le prestige du métier, un sentiment de sécurité de l'emploi, un niveau de salaire confortable et une certaine autarcie, « qui faisait qu'on montait en grade sans diplôme et qu'on n'avait pas besoin du permis de conduire, puisqu'on vivait et travaillait sur place », souligne Maurice Rubly. « Une part importante de notre travail a été consacrée à l'accompagnement psychologique », indique également Lennox.

« Des collègues ont envoyé jusqu'à 200 CV pour ne recevoir que 3 ou 4 réponses, négatives », annonce René Gérard, de la CFTC, à Nomexy. Les déceptions se sont succédé. Les "Boussac" espéraient bénéficier de la "jurisprudence Metaleurop", mais ils n'ont pas obtenu de l'Etat la prime revendiquée de 1 000 euros par année d'ancienneté qui aurait amélioré le plan social. Sur le site de Wesserling, les perspectives de reprise partielle d'activité sont longtemps restées lettre morte.

Travail de deuil

Résultat, selon Maurice Rubly : « Une quarantaine de salariés ne se sont toujours pas remis de la fermeture. Ils forment le groupe de ceux qui ont déserté la cellule ou que nous classons pudiquement en "projet personnel". Cette perte de repères et ce travail de deuil encore inachevé ont constitué un handicap plus lourd que l'âge ou l'ancienneté. »

Une vaste friche en héritage

A Wesserling, le bilan social aurait pu être alourdi par Fadini, une société soeur de la CDT-Boussac, qui a aussi déposé son bilan. Mais elle a trouvé un repreneur début avril, le groupe français Frey, qui entend conserver ses 33 emplois sur place.

La fin de la CDT laisse en friche un vaste site de plus de 20 hectares. La communauté de communes de Saint-Amarin l'a racheté, après avoir négocié le prix (650 000 euros) pied à pied avec le liquidateur.

Elle chiffre entre 6 et 7 millions d'euros les travaux de dépollution et de réhabilitation. Elle redécoupera les immenses ateliers en petites cellules pour l'artisanat, les PME et un magasin d'usine, le dossier le plus avancé. Elle espère, au final, la création de plusieurs dizaines d'emplois par une quarantaine de locataires.