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« Bien gérer l'avant et l'après-formation des hauts potentiels »

SANS | publié le : 25.05.2004 |

Les entreprises envoient souvent leurs cadres à haut potentiel dans des formations au leadership sans préparer leur retour. Organiser le partage de la formation avec les équipes et proposer rapidement un nouveau poste est pourtant essentiel pour éviter les frustrations.

E & C : Quel type de formation les entreprises proposent-elles à leurs cadres à haut potentiel et qu'en attendent-elles ?

Herminia Ibarra : Les entrepri- ses envoient leurs hauts potentiels dans des formations de direction générale ou dans celles, plus spécifiques, de leadership, de finance ou de stratégie. Dans tous les cas, quand la proposition émane du hiérarchique ou de la DRH, cela signifie que l'entreprise estime que le cadre a un réel potentiel.

Les entreprises attendent, avant tout, de ces formations, un contenu et un élargissement des compétences, car les cadres ont souvent commencé dans un domaine précis : production, marketing, logistique, finances, etc. Mais elles attendent aussi que le cadre revienne plus motivé, plus mobilisé, avec l'envie de s'améliorer et de faire mieux pour l'entreprise. Et il est vrai que la nouveauté de la formation et le fait de se retrouver avec d'autres personnes, qui ont aussi des objectifs d'amélioration, sont des facteurs puissants de motivation.

E & C : Que se passe-t-il à leur retour dans l'entreprise ?

H. I. : Le cadre revient avec beaucoup d'idées, d'énergie et de motivation. Mais les membres de son équipe, eux, n'ont pas vécu la même expérience et ne comprennent pas toujours sa volonté de changer. Le cadre a, de ce fait, l'impression que l'inertie du système est contre lui. Autre difficulté : il a appris à faire des choses qu'il ne pourra sans doute pas mettre en oeuvre dans son travail. Les formations préparent souvent à l'étape suivante de la carrière, mais, comme, aujourd'hui, la mobilité s'est un peu ralentie, le cadre retrouve le même poste et doit patienter avant d'accéder au suivant. Cette situation peut être démotivante, au point qu'il cherche un emploi ailleurs et quitte son entreprise. D'ailleurs, sa recherche a été facilitée par sa formation : il a pu faire du benchmarking, il s'est créé un réseau, et il a donc beaucoup plus d'opportunités.

Au cours d'une étude que j'ai menée sur les changements de carrière, j'ai constaté que de nombreux cadres quittent leur entreprise après un retour de formation. Car ils en reviennent avec une idée plus précise de ce qu'ils veulent faire. Or, ils se retrouvent souvent face à un mur, sans pouvoir évoluer. A la première occasion intéressante, ils partent.

E & C : Que faudrait-il faire pour retenir ces cadres ?

H. I. : Idéalement, il faudrait prévoir les changements de poste un an auparavant, qu'ils aient un stretch assignment, c'est-à-dire une fonction qui représente un saut qualitatif. Au retour, ils pourraient prendre très vite ce poste et utiliser ce qu'ils ont appris.

Il ne suffit pas de choisir le bon programme, il faut bien gérer l'avant et l'après. L'avant, c'est : quel est le bon timing ? L'après, c'est : s'occuper du prochain poste et déterminer la situation qui permettra de mettre en action les principes appris en formation. Car il ne s'agit pas d'apprentissage intellectuel, mais d'une pratique. Si le cadre ne peut pas mettre en oeuvre rapidement ses nouveaux acquis, tout est très vite oublié.

E & C : Et le cadre lui-même, que doit-il faire à son retour dans l'entreprise ?

H. I. : Il a une responsabilité vis-à-vis de son équipe. Il doit, tout d'abord, réfléchir à ses priorités. Souvent, il vient en formation avec une longue liste de changements souhaités : mieux s'organiser, mieux gérer le stress, mieux communiquer avec son équipe, etc. On ne va pas pouvoir tout changer. Ensuite, il doit commencer à mettre les acquis en action le plus vite possible. Dès le premier jour, dès la première semaine, il faut se mettre à prendre des mesures concrètes. Autre point : essayer de partager le plus possible ce qu'on a appris avec son équipe, en reproduisant auprès d'elle un peu de l'expérience acquise. Enfin, il y a une partie plus politique à gérer : aller voir la hiérarchie, les RH, pour évoquer son prochain poste, expliquer en quoi la formation a été utile et comment on pourra contribuer à la réussite de l'entreprise.

A ce sujet, le DRH a un rôle particulier à jouer dans la gestion du retour de formation, car les salariés n'ont pas toujours conscience de la gamme d'opportunités possibles dans l'entreprise. Seul le DRH possède une vision globale des postes existants.

SES LECTURES

Composing a life, Mary Catherine Bateson, éd. Plume Bo, 1990.

- Transitions, William Bridges, éd. Addison Wesley, 1980.

- Emotional intelligence, Daniel Goleman, éd. Bloomsbury, 1995.

PARCOURS

Diplômée (Ph D) de l'université de Yale, Herminia Ibarra a enseigné à la Harvard Business School avant de rejoindre l'Insead, où elle enseigne la psychosociologie des organisations. Elle y dirige un programme sur la transition professionnelle des cadres expérimentés.

Son dernier livre, Working identity : unconventional strategies for reinventing your career, est paru en 2003 (Harvard Business School Press).