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De nouveaux ass ouplissements ne sont pas à l'ordre du jour

SANS | publié le : 20.04.2004 |

Avant même la présentation du rapport de la mission parlementaire d'évaluation de la RTT, le gouvernement a repoussé toute « nouvelle modification » de la législation sur le temps de travail.

Le gouvernement « a déjà pas mal assoupli les 35 heures ». « Des évolutions sont peut-être nécessaires dans l'avenir, mais elles ne pourront avoir lieu que dans le cadre d'une concertation entre partenaires sociaux ». Le 15 avril au matin, avant même la présentation officielle du rapport de la mission parlementaire d'évaluation sur les conséquences économiques et sociales des 35 heures, Matignon prenait ses distances avec le contenu, jugé trop libéral et peu compatible avec les attentes exprimées lors du scrutin régional, de ce travail de constat et de proposition, adopté, la veille, par les 21 membres de la mission (sur 30) issus de la majorité parlementaire.

Feu aux poudres

En organisant, dès le début de la semaine, des fuites sur le contenu de ce rapport, taxé de « réquisitoire sans nuance », issu d'une « manipulation polémique et partisane », le parti socialiste avait mis le feu aux poudres. Résultat : lors de la présentation du rapport à la presse, Patrick Ollier et Hervé Novelli, respectivement président et rapporteur de la mission, ont mis en avant qu'ils ne réclamaient pas l'abrogation des lois Aubry, Patrick Ollier déclarant même être « favorable à la réduction du temps de travail, et la majorité aussi ».

L'imposant (près de 300 pages) état des lieux dressé par la mission d'évaluation, au terme de 53 auditions et de 7 déplacements en province, est pourtant loin d'aller dans ce sens. Il dénonce, ainsi, « une législation complexe, issue de l'empilement de lois successives, qui affecte de diverses manières entreprises et salariés », ainsi que « le lourd impact sur les finances publiques » pour un « effet sur l'emploi encore controversé ». Par ailleurs, souligne le rapporteur, « la réduction du temps de travail est venue perturber les équilibres, parfois fragiles, des entreprises, tandis qu'elle engendrait de réelles difficultés d'organisation dans le secteur public, au premier rang duquel les établissements hospitaliers » (voir encadré ci-dessous).

Inégalités accrues

Enfin, « l'essentiel », selon Hervé Novelli, la « RTTisation de la société française » s'est traduite par « un accroissement considérable des inégalités entre Français », notamment entre bénéficiaires des 35 heures et "oubliés" de la RTT ». Pour autant, pour la mission parlementaire, la solution à cet « émiettement » de la société ne réside pas dans une généralisation des 35 heures. Bien au contraire, elle préconise de « prolonger l'effort entrepris par la loi Fillon du 17 janvier 2003 d'assouplissement de la législation sur le temps de travail ». Et propose, principalement, une mesure, explosive mais d'autant plus improbable qu'elle a été soigneusement évitée par la récente loi de réforme du dialogue social : permettre aux accords d'entreprise sur le temps de travail de déroger aux accords de branche préexistants (et non à venir).

Mutualisation

Pour les PME, la mission propose, ensuite, la mutualisation des contingents individuels d'heures supplémentaires, mais aussi l'exonération (compensée par l'Etat) des cotisations salariales pour les heures supplémentaires, se substituant à la majoration actuelle de 10 %. Une mesure que Patrick Ollier chiffre à 300 millions d'euros annuels, et estime « immédiatement applicable pour donner un signe fort aux entreprises les plus affectées par la RTT ». Enfin, elle suggère que le gouvernement et les partenaires sociaux « engagent une réflexion sur la création d'un code dédié aux PME », comportant des garanties spécifiques pour leurs salariés. Pour la fonction publique, la mission préconise de généraliser le compte épargne-temps et de permettre sa monétisation

Loi et négociation collective

A « long terme », elle souhaite aussi que le gouvernement présente un projet de loi organique sur une nouvelle répartition de la loi et de la négociation collective, et que la définition de la durée du travail « fasse partie du bloc de compétences qui serait dévolu à la décision des partenaires sociaux », tandis que seule la définition des durées maximales resterait du domaine de la loi. Enfin, la mission reprend une proposition formulée par le Centre des jeunes dirigeants et incluse dans le rapport de Virville, visant à regrouper, dans les entreprises de 10 à 249 salariés, les différentes instances représentatives du personnel au sein d'un conseil d'entreprise.

Bref, si le constat est sans nuance, les solutions proposées, qui risquent fort de se traduire par un " dumping social ", semblent aller à l'encontre du principal enjeu qu'identifie la mission parlementaire : « réunifier la société française ». Une raison supplémentaire pour le gouvernement, dont le mot d'ordre est désormais la « cohésion sociale », de suivre le conseil de Jean-Claude Mailly (FO), qui l'enjoint à « laisser le rapport de la mission 35 heures au congélateur ».

La RTT mal perçue par les agents hospitaliers

La hausse insuffisante des effectifs pour compenser le passage aux 35 heures s'est traduite par une dégradation des conditions de travail.

Les agents des hôpitaux publics expriment un jugement à « tonalité négative » sur les 35 heures, selon une enquête de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), des ministères des Affaires sociales et de la Santé, réalisée entre novembre 2002 et février 2003, publiée le 10 avril. Ils estiment insuffisantes les compensations en effectifs (45 000 postes) avec, pour conséquence, une dégradation des conditions de travail et de sa qualité.

La RTT a entraîné une réduction de la période de chevauchement entre les postes du matin et ceux de l'après-midi, « ce qui est ressenti comme un danger potentiel », selon l'étude. La transmission d'informations est rendue plus difficile, de même que les contacts personnels entre équipes, à l'origine d'un « esprit de service » et de « convivialité », dont l'absence peut créer des « tensions ». Contraints de « déborder » de 10 à 15 minutes, en moyenne, les agents développent l'impression d'être « lésés ». Surtout, ils estiment que « les effectifs prévus sont à un niveau garantissant tout juste la sécurité ». Parfois, seuls pour plusieurs secteurs, ils « sont obligés de courir d'un malade à l'autre, au risque de mal faire ». Une dégradation des conditions de travail « que ne parviennent pas à équilibrer les avantages concernant les conditions de vie », selon l'étude.