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Les femmes se rassemblent pour exister

SANS | publié le : 02.03.2004 |

Les réseaux professionnels féminins se multiplient depuis quelques années. Lieux d'échanges de pratiques et de réflexion pour promouvoir la mixité, ils jouent aussi leur rôle traditionnel d'entraide et de soutien à la carrière.

Lorsque le réseau Grandes Ecoles au féminin, en partenariat avec Paris PWN (Professional women's network), a lancé ses invitations pour son grand dîner annuel, en janvier, au Carrousel du Louvre, les réponses sont arrivées en masse. « Nous étions stupéfaites : mille femmes étaient présentes. Il y a, en ce moment, un appétit incroyable de rencontres et de partage d'expériences de la part de femmes de tout âge », indique Caroline Detalle, chargée de la communication de l'association PWN.

Le constat est le même dans les autres réseaux, qui notent une participation accrue des femmes, y compris dans le fonctionnement chronophage d'une association. Et, depuis cinq ans, les réseaux professionnels féminins se multiplient : Femmes et sciences, Administration moderne (femmes hauts fonctionnaires), le club HRM Women (femmes dirigeantes), l'Association des femmes juristes, etc.

Lames de fond

D'où vient ce succès ? Pour Agnès Arcier, présidente d'Administration moderne et sous-directrice au ministère de l'Industrie, cela s'explique par deux "lames de fond" : « L'air du temps d'une société qui s'ouvre à la diversité - la loi sur la parité en témoigne - et la masse critique que représentent, aujourd'hui, trente ans après leur entrée dans les grandes écoles, les femmes cadres dans les entreprises et les administrations. Aujourd'hui, les femmes représentent presque un quart des anciens élèves d'HEC et de l'Essec, 20 % de ceux de l'ENA : ce n'est pas rien. Elles prennent conscience, en tant que groupe, à la fois de leur importance en nombre et de l'inégalité de leurs parcours professionnels par rapport à ceux des hommes. C'est pour cela qu'elles ont envie de prendre la parole. » Et de la partager entre elles. Le plaisir de se retrouver entre femmes participe pour beaucoup au succès de ces réseaux, qui existent aussi parce que les femmes n'ont pas leur place dans les réseaux professionnels traditionnels. « Ils reproduisent ce qu'on voit dans les entreprises : les hommes sont très largement majoritaires, et il y a quelques femmes à qui personne n'adresse la parole », raconte une membre de PWN. Féminins, ces réseaux ont donc pour raison d'être de pouvoir parler métier et carrière et pas seulement de promouvoir la mixité.

Echanges d'expériences

« Dans mon métier, il y a peu de femmes. Les échanges n'allaient pas plus loin que des propos autour de la machine à café. Ici, on a la possibilité de discuter de façon approfondie. On tire toujours quelque chose des expériences des autres et c'est un apport pour le développement du business », note Dominique Toulemonde, qui travaille dans une grande banque et s'apprête à créer un "sous-club" Women in finance au sein de l'association Paris PWN. Cette association, qui est membre français d'un réseau informel d'associations professionnelles de femmes de plusieurs pays d'Europe*, se veut avant tout pragmatique, à l'instar de sa fondatrice, la Franco-Canadienne Avivah Wittenberg-Cox.

« Les femmes donnent 150 % de leur temps à leur job et sont étonnées de ne pas être promues. La compétence, ça marche dans les cinq premières années dans l'entreprise. Après, les règles du jeu changent : il faut miser 80 % sur le travail et 20 % sur le réseau, c'est-à-dire faire savoir et communiquer sur ce qu'on a fait. » Et, pour aider les femmes dans leur carrière, Paris PWN leur propose des formations courtes du type "Comment vendre ses idées ?" ou, en partenariat avec l'Insead, "Les essentiels du management".

Force de proposition

Grâce à la circulation de l'information dans le réseau, les femmes savent quelles sont les entreprises qui leur correspondent le plus. « Changer tous les cinq ans d'entreprise est devenu le nec plus ultra. Mais il faut savoir que cela ne marche pas pour les femmes. La plupart de celles qui ont un très haut niveau sont restées pendant au moins quinze ans dans la même entreprise », observe Avivah Wittenberg-Cox.

Tout pragmatique qu'il est, le réseau Paris PWN ambitionne pourtant de modifier les règles du jeu. Depuis quelque temps, il convie les DRH de grandes entreprises à réfléchir sur la façon d'envisager la carrière des femmes. « Souvent, les entreprises ne comprennent pas le sujet. Elles lancent des initiatives anecdotiques sans regarder le problème dans son ensemble, sans voir que c'est toute l'organisation qu'il faut prendre en compte », soutient la présidente.

C'est aussi pour inciter les entreprises à promouvoir la mixité que le club HRM Women (du nom du cabinet de chasse de têtes HRM, dirigé par la créatrice du club) s'est créé. Lieu d'échanges, HRM Women se veut également force de proposition au travers de colloques où s'expriment les dirigeants de grandes entreprises, femmes et hommes. Celui d'octobre 2004 sera consacré aux politiques de diversité. Le club organise en outre des ateliers "Jeunes femmes cadres dans l'entreprise" pour les préparer à la dure réalité de l'entreprise. Eliane Moyet Laffon, fondatrice du club, sent que les choses commencent à bouger. « La politique d'égalité entre les femmes et les hommes fait maintenant partie de ce que les agences de notation demandent. Et puis, quand les dirigeants des grands groupes ont des filles, cela les rend terriblement intelligents ! »

Intérêt des entreprises

L'existence du réseau InterElles témoigne de ce nouvel intérêt des entreprises. Réunion de six réseaux de femmes d'entreprises technologiques - General Electric, Schlumberger, France Télécom, IBM France, ESA, Essilor -, il fonctionne parce que ces entreprises ont toutes développé une politique d'égalité des chances. La subvention de fonctionnement, de l'ordre de 5 000 euros par réseau, est, d'ailleurs, apportée par l'entreprise.

Jouer un rôle de missionnaire

Le but du réseau est, bien sûr, d'échanger les expériences mais aussi de jouer un rôle de missionnaire en direction des collégiennes et des lycéennes, pour les inciter à embrasser les carrières techniques et scientifiques. Un relais efficace pour ces entreprises de plus en plus confrontées à la pénurie de candidats. D'ailleurs, le colloque organisé cette année, le 8 mars, par InterElles s'intitule "Femmes et technologie, capital pour l'Europe".

Changer les modes de fonctionnement de l'Administration, c'est le but que s'est donné, pour sa part, Administration moderne. « Les femmes éprouvent, plus que les hommes, la nécessité de mieux gérer le temps pour être plus efficaces et productives, de favoriser l'équilibre vie professionnelle/vie privée, facteur de motivation pour les agents. Par ailleurs, nous nous sommes rendu compte que le fait d'être une association féminine attirerait plus l'attention qu'une association lambda », indique sa présidente, Agnès Arcier. L'association est écoutée sur pas mal de sujets : la rémunération variable, la gestion du temps. Elle a ses entrées au ministère de la Fonction publique.

Parité systématique

L'association milite pour une entrée, plus que symbolique, des femmes aux postes de décision ainsi que pour la parité systématique dans les commissions et les comités débattant de sujets publics. « Est-il normal que la commission de la laïcité n'ait pas compté 50 % de femmes ? Ces instances projettent une image dans la société, ce serait l'occasion d'instiller une image de l'égalité », remarque Agnès Arcier, qui rêve d'une action conjointe de tous les réseaux de femmes pour aller dans ce sens.

* http://www.EuropeanPWN.net

L'essentiel

1 Scientifiques, dirigeantes, hauts fonctionnaires, juristes... Depuis environ cinq ans, les réseaux professionnels féminins rencontrent un franc succès.

2 Leur raison d'être : la promo- tion de la mixité, bien sûr, notamment aux postes de pouvoir, mais également la possibilité de parler métier et carrière.

3 Jacqueline Laufer, sociologue et professeur à HEC, analyse cette montée en puissance des réseaux féminins.

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