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Harmoniser les certifications d'auditeurs sociaux en Europe

SANS | publié le : 03.02.2004 |

Le recours aux auditeurs sociaux augmente depuis l'émergence de la notion de responsabilité sociale des entreprises. Le CCIAS veut développer une certification commune aux pays de l'Union, afin que les multinationales comparent leurs audits, sur tous leurs sites.

E & C : La notion d'audit social reste très protéiforme, avec le recours à des normes ou à des référentiels très différents. Comment est organisée cette profession en France et à l'étranger ?

Georges Egg : L'audit social est un concept et une pratique nés en France au début des années 1980. On doit le concept d'audit social à Raymond Vatier, qui était, à l'époque, directeur du personnel de la régie Renault et qui souhaitait voir se développer des outils d'analyse comme il en existait dans la finance. Quant aux pays anglo-saxons, ils ont, vis-à-vis de l'emploi, des pratiques trop brutales pour s'intéresser à sa gestion prévisionnelle et, donc, à l'audit de la pratique en la matière. Et la cogestion en Allemagne, où la négociation est censée tout régler, en a longtemps limité l'usage outre-Rhin.

Depuis 2002, le Comité français d'accréditation (Cofrac) a validé le dispositif de certification mis en oeuvre par le CCIAS dans la spécialité d'auditeur social en matière de gestion des ressources humaines. Mais la profession d'auditeur social n'est pas encore inscrite dans la liste des métiers recensés par le ministère de l'Emploi et reste très confidentielle. En France, seuls quelques centaines d'auditeurs travaillent dans le domaine de l'audit social. Le CCIAS n'a délivré qu'une quarantaine de certifications.

E & C : Quelles vont être les incidences, sur le métier d'auditeur social, de l'intérêt grandissant porté à la responsabilité sociale des entreprises ?

G. E. : Le marché se développe énormément. Auparavant, l'audit social ne s'appliquait qu'au fonctionnement social et organisationnel de l'entreprise. Considérés comme "sensibles", car potentiellement générateurs de troubles, les résultats faisaient rarement l'objet de communications. La situation a radicalement changé depuis l'émergence de la notion de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Actionnaires, syndicats et associations interpellent, désormais, l'entreprise, parfois de façon brutale.

Face à des mises en cause, d'origine interne ou externe, l'entreprise fait appel à l'audit social pour justifier ses pratiques. En fonction du sujet, celui-ci choisit une norme et vérifie que l'entreprise en respecte les exigences. Le problème, c'est qu'il y a autant de référentiels que de thèmes... Du respect des droits de l'homme (référentiel Julius Bär) à celui des droits sociaux fondamentaux de l'OIT chez les sous-traitants (norme SA 8000), on peut dénombrer plus d'une centaine de normes, chartes, codes de conduite... Pour couvrir l'ensemble du champ de la responsabilité sociale des entreprises, il faut superposer plusieurs de ces références - dont la crédibilité n'est pas toujours établie. Souvent, ces normes émanent d'organismes qui vendent leur utilisation.

C'est pourquoi nous oeuvrons pour la création d'une "plate-forme" commune, constituant, en quelque sorte, le plus grand dénominateur commun des aspects majeurs des normes principales, pour servir de base de départ à l'audit social de RSE, dans toute entreprise de pays développés, quels que soient sa taille et son secteur. Pour conquérir ses lettres de noblesse, l'audit social doit gagner une reconnaissance universelle. Pour cela, il faut harmoniser les certifications européennes, en uniformisant les conditions d'accès à cette profession et les compétences requises pour l'exercer. En particulier, il faut uniformiser la démarche de l'auditeur social, standardiser les procédures et les méthodes en se référant à la même déontologie. Pour qu'une multinationale française ait le réflexe de commander un audit social à un cabinet allemand pour sa filiale locale, elle doit être certaine que les résultats seront comparables à ceux d'un audit social réalisé en Italie par un auditeur italien. C'est une question d'intérêt général, au même titre que la reconnaissance des diplômes.

E & C : S'oriente-t-on vers la mise en place de tels outils de certification des auditeurs de la responsabilité sociale des entreprises au niveau européen ?

G. E. : En France, elle est achevée au CCIAS et les premiers candidats seront certifiés dans les prochaines semaines. Le dispositif de certification sera soumis à l'approbation de la Cofrac dès la fin de l'année. Mais cette certification n'a de sens que si elle est européenne. C'est pourquoi le CCIAS a entamé des démarches auprès de la direction de l'emploi et du dialogue social de l'Union euro- péenne afin que tous les pays d'Europe souscrivent à des principes et à une "architecture commune" en matière de certification des auditeurs sociaux de RSE. A ce jour, des partenaires majeurs, en Allemagne, en Grande-Bretagne, et aux Pays-Bas, ont manifesté leur intérêt et donné leur adhésion au projet.

En lançant cette initiative sur la base du travail déjà accompli, le CCIAS n'a aucune intention dominante. Nous souhaitons seulement nous regrouper avec d'autres pays européens pour définir un cadre commun à nos pratiques. Nous apportons la première pierre à un édifice qui devra être construit avec la participation de tous les pays afin d'élaborer des certifications communes d'auditeur social de RSE qui soient crédibles et comparables.

* Centre de certification international d'auditeurs spécialisés.

SES LECTURES

- Présentation de la philosophie, André Comte-Sponville, Albin Michel, 2000.

- OEuvres, François Villon, éditions du Dauphin, 1945.

- Les mots et les choses, Michel Foucault, NRF Gallimard, 1968.

PARCOURS

Présent à la création, en 1992, du Centre de certification international des auditeurs sociaux (CCIAS) au sein de l'Institut international de l'audit social (IAS), il en est aujourd'hui président. Il est également président de l'association Avec et Par, qui étudie les politiques et les gestions sociales et sociétales dans une vision participative de l'entreprise.

Ingénieur, Georges Egg est passé par la sidérurgie avant d'être conseiller pour les questions de pédagogie et d'organisation chez BSN, puis directeur de l'organisation et de la formation, et, enfin, directeur de la stratégie sociale industrielle.

Depuis 1994, il anime un cabinet libéral spécialisé dans l'audit social.

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