logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

SANS

Giat n'en finit pas de solder sa culture des préretraites

SANS | publié le : 07.10.2003 |

Baignée dans une "culture du départ anticipé" depuis plus de dix ans, Giat Industries a du mal à faire face à un nouveau plan social qui s'appuie sur des licenciements et des reclassements.

A Giat Industries, les plans sociaux s'enchaînent et ne se ressemblent pas. Depuis qu'elle a changé de statut, en 1991, l'entreprise d'armement en est à son sixième, actuellement en négociation jusqu'au 16 octobre. Sur cette période, ses effectifs sont passés de 17 000 à 6 250 salariés. Ce redimensionnement a été rendu nécessaire, selon la direction, en raison de la baisse générale des budgets de Défense des Etats depuis dix ans, et de la fin du programme du char Leclerc, comptant pour 60 % du chiffre d'affaires de Giat Industries en 2002. Cette année-là, les pertes de l'entreprise se sont élevées à 118 millions d'euros.

Moins de préretraites

Même s'il n'est pas encore achevé, ce plan social ne ressemble pas aux précédents. « Les précédents s'étaient mieux passés, car, à 80 %, les départs étaient liés à des mesures d'âge. Alors que là, il va falloir licencier », explique Didier Perichon, délégué syndical CGT du site de Roanne. De fait, le plan "Giat 2006" prévoit le licenciement de 3 500 salariés entre début 2004 et mi-2005. Seuls 500 départs en préretraite sont prévus, dont 300 Casa et 200 cessations progressives d'activité (CPA).

« Les précédents plans sociaux étaient politiques : les conditions des départs en préretraite étaient faites pour suivre la pente des réductions d'effectifs », commente un syndicaliste. Ce n'est plus le cas. Depuis le changement de majorité gouvernementale, les mots d'ordre sont d'en finir avec la logique des départs anticipés et de favoriser les reclassements. Concrètement, cela signifie que moins de salariés sont éligibles aux préretraites, et qu'elles s'effectuent dans des conditions bien moins intéressantes.

Dans les plans sociaux précédents, les ouvriers sous décret, employés par l'Etat, pouvaient partir à la retraite dès 52 ans, et les fonctionnaires détachés dès 55 ans, les premiers avec 80 % de leur salaire, les seconds avec 50 % à 70 %, auxquels s'ajoutait une prime. Depuis le 31 décembre 2002 et l'annulation de deux décrets, ces deux catégories sont revenues dans le droit commun des retraites. Des négociations sont en cours entre le ministère de la Défense et les syndicats pour trouver "d'autres voies".

Reclassements

En attendant, la direction de l'entreprise et son ministère de tutelle misent tout sur les reclassements. Les fonctionnaires détachés et les ouvriers sous décret se verraient, ainsi, proposer des reclassements internes, au ministère de la Défense ou dans les trois fonctions publiques. Les salariés sous convention collective seraient reclassés en externe. Le ministère de la Défense annonce avoir déjà identifié, en son sein, 888 postes pour les fonctionnaires détachés, dont 412 de proximité ; 857 postes pour les ouvriers sous décret, dont 196 de proximité ; 1 000 postes dans la fonction publique d'Etat ; et 200 postes de proximité dans l'ensemble des fonctions publiques hors Défense.

Résistances

Mais les reclassements sont loin de susciter l'enthousiasme. « Après ces multiples plans sociaux, une véritable culture du départ anticipé s'est instaurée », admet Didier Perichon. Cette culture n'explique cependant pas, à elle seule, les nombreuses résistances que rencontre le plan de la direction. « Lors des précédents plans sociaux, la direction n'a jamais obtenu de bons résultats dans ses reclassements, dans un marché de l'emploi pourtant plus favorable », fait valoir Patrick Gouigoux, délégué CGC.

Agés, en moyenne, de 44 ans, entrés chez Giat il y a vingt ans, exerçant des métiers très spécifiques sous des statuts bien particuliers, les salariés sont peu mobiles, soulignent également les syndicats. Or, remarque Jean-Pierre Brat, délégué CGT, « 85 % des reclassements internes supposent une mobilité importante ». Et, lorsqu'il s'agit de postes de proximité, ils ne correspondent pas forcément au métier du salarié. Et les syndicats de citer le cas de cet ouvrier à qui l'on propose de se reconvertir en jardinier. Ils témoignent, aussi, d'un dialogue social en panne avec la direction. « Les informations sont accessibles aux élus du personnel, dans une salle spéciale et sous réserve qu'ils s'engagent à en respecter la confidentialité », déclare Jean-Pierre Brat. Contrainte de suivre la ligne fixée par son propriétaire et principal client, l'Etat, la direction dispose manifestement de très petites marges de manoeuvre, et n'a pas souhaité répondre à nos questions.

Appel aux "politiques"

Consciente que les clés du dossier se trouvent désormais du côté des politiques, l'intersyndicale a décidé de porter le dossier devant le gouvernement et les élus. Les syndicats espèrent, ainsi, pouvoir interpeller la ministre de la Défense et le président de la République. Le 23 septembre dernier, ils ont rencontré, au Sénat, un collectif d'élus de tous bords pour lui soumettre un projet alternatif, élaboré à partir des rapports de deux cabinets d'experts (Secafi Alpha et Syndex) mandatés par le CCE, dont le contenu est très critique sur le projet de la direction. Selon les syndicats, entre 500 et 1 000 emplois peuvent être sauvés en donnant un nouveau projet industriel à Giat, et 1 800 licenciements évités en étendant les mesures d'âge. Si Didier Perichon reconnaît les effets pervers induits par les préretraites, il estime, cependant, qu'en l'état actuel des choses, il n'existe pas d'autres solutions.