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L'ENTREPRISE MODULABLE

SANS | publié le : 30.09.2003 |

Toujours soucieuses d'endiguer leurs dépenses immobilières, les entreprises privilégient des immeubles flexibles pouvant supporter, à moindre frais, des modifications en matière d'aménagement. Du coup, l'espace de travail de type paysager, plus économique, a toujours le vent en poupe. Toutefois, les entreprises semblent davantage prendre en compte les attentes des utilisateurs.

Un immeuble pouvant accueillir tout type de scénario d'aménagement, une implantation sur un parc de 3 hectares à deux pas de Paris, des matériaux de bonne tenue, des égalisateurs de bruit, la possibilité d'aménager, à chaque étage, des boxes individuels pour s'isoler, des points de rencontre et de convivialité, un bâtiment exclusivement dédié à la détente... A quelques détails près, l'immeuble Crystal Park illustre les nouvelles tendances en matière d'immobilier d'entreprise. Construit à Neuilly-sur-Seine (92) sur les ruines de l'ancien siège social de PSA Peugeot Citroën, ce nouveau projet, constitué d'un immeuble de bureaux de 40 000 m2 et d'un de services de 4 000 m2, veut, selon l'ambition de ses concepteurs, « réinventer l'espace professionnel ». Partant du constat que, pour 85 % des salariés, la qualité de l'aménagement des locaux a une forte influence sur le moral et la motivation (enquête Taylor Nelson Sofres), les géniteurs de Crystal Park, Générale Continentale Investissements et Whitehall, affirment avoir planché sur un projet permettant « de lier qualité de vie au travail et efficacité dans l'entreprise ».

Espaces spécifiques

De fait, à défaut d'être totalement révolutionnaire, Crystal Park se distingue par quelques trouvailles. Il en est ainsi des monk rooms, des pièces conçues pour permettre à un cadre au bout du rouleau de se ressourcer. Ou bien des brainstorming rooms, des lieux spécialement pensés pour « libérer les individus de leurs inhibitions et pour stimuler leurs idées créatrices ».

Plus terre à terre, Générale Continentale Investissements et Whitehall estiment qu'un immeuble de type horizontal autorise l'aménagement de nombreux postes tout en respectant les règles de sécurité et du Code du travail. Ainsi, précisent-ils, alors qu'on peut installer un poste de travail pour 11,40 m2 à Crystal Park, on descend rarement sous la barre des 15 m2 dans une tour. Un argument qui, à coup sûr, est de nature à séduire les entreprises candidates. Dans une conjoncture morose, celles-ci cherchent, en effet, à réduire l'impact de leurs coûts immobiliers.

Chasse aux m2

La chasse aux m2 est donc devenue le sport préféré des directions générales. Pour y arriver, tous les moyens sont bons, de l'utilisation des écrans plats d'ordinateur, beaucoup moins encombrants, aux bureaux partagés, en passant par la réduction des espaces dédiés aux archives et aux rangements. Dans cet objectif de rationnalisation des coûts, les entreprises partent en quête de bâtiments flexibles. Objectif : adapter les bureaux aux futures évolutions afin d'éviter de lourds chantiers de déménagement.

Modifications rapides

« Dans certaines sociétés, comme HP, la durée des espaces de travail est d'un an. Les bâtiments doivent donc être conçus pour encaisser rapidement des modifications d'aménagement », soulève Bruno Michel, de l'agence Quatre Plus Architecture, qui vient de concevoir le nouvel immeuble parisien Austerlizt 2.

Du coup, les sociétés, en particulier celles du tertiaire, ont trouvé dans les open spaces une réponse à leur préoccupation. Moins de m2 par poste de travail et modularité à tous les étages ! Importée des Etats-Unis, la vogue du paysager, qui a mis longtemps à convaincre des entreprises françaises arc-boutées sur une représentation statutaire du travail, semble encore d'actualité. Elle concerne même, aujourd'hui, des secteurs d'activité traditionnellement réfractaires, comme celui de la banque-assurance. Seuls les cabinets d'avocats semblent encore y résister.

« Plus vous avez une valeur ajoutée par poste de travail, moins vous pouvez décloisonner. Regardez les sociétés qui paient aujourd'hui les loyers les plus élevés, ce sont très souvent des cabinets d'avocats internationaux, etc. Et qui sont très cloisonnés », note, à ce titre, Alain Béchade, Pdg du groupe immobilier Atis Real Auguste Thouard.

Décloisonnement

« Aujourd'hui, la tendance est au décloisonnement de l'entreprise, ce qui passe, notamment, par le décloisonnement de l'espace », confirme, de son côté, Gérard Pinot, associé fondateur du cabinet-conseil en management par l'espace Génie des lieux.

Pour certains spécialistes, les choses sont toutefois en train d'évoluer en France. Le tout open space, dans son acceptation la plus "totalitaire", aurait du plomb dans l'aile. Les entreprises se sont tout d'abord aperçues qu'un nouvel aménagement n'était pas uniquement synonyme de réduction de mètres carrés, mais qu'elles pouvaient en profiter pour mettre en place une nouvelle politique organisationnelle, voire managériale. Ce qui a poussé nombre d'entre elles à s'interroger en amont sur leur projet. Pour découvrir, à cette occasion, que l'open space était, finalement, une formule à nuancer selon la typologie des services.

Démarche périlleuse

Certaines entreprises ont eu, ainsi, quelques retours d'expérience calamiteux. Compte tenu des fortes résistances internes, la démarche se révèle, en effet, très périlleuse si elle est mal préparée. Il est, ainsi, fréquent de voir des collaborateurs qui, à peine installés dans des bureaux ouverts, érigent de véritables forteresses autour d'eux. En cause, la peur de la promiscuité, du flicage permanent, le manque de confidentialité, les nuisances sonores, et, plus généralement, le sentiment que l'on n'est plus maître de son espace.

« Les entreprises raisonnent de plus en plus sur l'espace dédié à la tâche et non au salarié », analyse François Lautier (voire interview p. 21), professeur à l'école d'architecture de Paris La Villette. La multiplication, autour des espaces ouverts, des lieux de réunion, de convivialité et d'isolement, voire des endroits dédiés à la détente comme les salles de sport, apparaît, dès lors, comme une contrepartie nécessaire.

Lieux de rencontre

« De plus, avec le développement des NTIC et du nomadisme, les entreprises ont bien compris qu'elles devaient créer des espaces dans lesquels les salariés peuvent physiquement se rencontrer et échanger sans que la communication ne soit altérée par l'environnement », observe Sharon Raingold, directeur général adjoint de Générale Continentale Investissements. L'astuce consiste, ensuite, à habiller ces locaux avec tout ce qui peut rappeler l'univers et le confort du domicile.

Modifiant en profondeur les rapports hiérarchiques et, par ricochet, les pratiques managériales, le passage en open space doit faire l'objet de toutes les attentions. Outre le fait de coucher sur le papier les objectifs poursuivis (amélioration de la communication, de la créativité, développement du travail en mode projet, etc.), l'autre prérequis est de bien comprendre les situations de travail.

Suivant les métiers

« Les commerciaux peuvent travailler en espaces ouverts, tandis que les ingénieurs peuvent évoluer en groupes de projet dans du semi-cloisonné, alors que les comptables fonctionneront avec une organisation traditionnelle. L'important, c'est le métier », martèle Jérôme Galletti, dirigeant de Projective, une société spécialisée dans l'architecture des espaces de travail. Le projet doit ensuite être accompagné dans la durée, pendant la phase préparatoire, afin de recueillir les besoins, et une fois le nouvel aménagement devenu opérationnel. « Grosso modo, pendant la phase d'études, il y a beaucoup de craintes chez les salariés. Elles se dissipent légèrement lors de la réalisation. Ensuite, il y a six mois très difficiles », note le Pdg de Tertiam, Jacques Simonian. Pour cela, les entreprises créent des comités de déménagement dans lesquels siègent le directeur immobilier mais, également - et c'est un fait relativement nouveau -, le DRH et des collaborateurs représentatifs des différents services. Le CHSCT est aussi un interlocuteur incontournable.

Communication

Enfin, la communication interne reste indispensable. Là encore, il s'agit d'informer les salariés sur l'évolution du projet. Outre les traditionnelles annonces publiées dans le journal interne ou l'intranet, il est recommandé d'organiser des visites sur site, voir de créer des espaces témoins afin que les salariés puissent, avant de s'y installer, découvrir leurs nouveaux bureaux. « Nous avons formé un comité de pilotage comprenant le prestataire, le chef de projet, un membre du CHSCT, ainsi que des représentants des différentes directions. Ces derniers étaient chargés de faire remonter les besoins et de communiquer auprès des salariés sur l'évolution du projet. Malgré tout, il a fallu un an pour que les personnels s'adaptent aux nouveaux locaux », convient Michel Mazaleyrat, ancien directeur de projet immobilier à l'Afnor, une association qui a fait le voyage de La Défense (92) à La Plaine-Saint-Denis (93).

L'essentiel

1 Alors que la conjoncture est toujours aussi morose, les entreprises cherchent plus que jamais à réduire leurs dépenses immobilières.

2 Elles partent en quête d'immeubles modulaires, dans lesquels elles aménagent des open spaces afin d'optimiser les mètres carrés.

3 Cela dit, l'open space à tous les étages paraît avoir vécu. Les entreprises prennent mieux en compte les spécificités des métiers et les besoins de leurs salariés.

4 Les projets de déménagement sont aussi mieux préparés et, surtout, mieux accompagnés.

La peur du bruit

- Devant l'exiguïté des locaux, l'absence de lieux conviviaux, la situation géographique ou encore la saleté, le bruit est la gêne la plus fréquemment rencontrée par les salariés, selon un sondage réalisé l'an dernier par Taylor Nelson Sofres. Faux plafonds acoustiques, petites cloisons d'appoint, sol insonorisant, tous les moyens sont bons pour réduire le niveau des décibels dans les open spaces. Y compris les plus high-tech, comme le Pink noise, un égalisateur de bruit, utilisé, notamment, par la société Marriott, aux Etats-Unis. Cette technique, qui sera proposée en option sur le site de Crystal Park, à Neuilly-sur-Seine (92), analyse les différentes fréquences audio d'un environnement, puis en renvoie une, plus homogène et moins gênante pour les collaborateurs.