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AU "BERCEAU"

SANS | publié le : 06.05.2003 |

Les relations écoles-entreprises ne sont pas nouvelles, mais la donne change : en vue du choc démographique, les recruteurs multiplient les initiatives en misant sur le long terme afin de se constituer une pépinière de candidats pour la sortie de crise.

Tous les quinze jours, Bruno reçoit un mail d'AFD Technologies, une société de conseil et d'ingénierie en hautes technologies. Son message ne parle pas business, il ne fait pas la promotion de l'entreprise. Il donne juste quelques repères sur le marché de la high-tech et des idées de sorties pour le week-end. Bruno n'a jamais mis les pieds dans cette société, il n'y a même aucun camarade. Il a simplement postulé pour un stage voici quelques mois. Anodin ? Non. Car Bruno fait partie d'une école cible répertoriée par l'entreprise. Lorsque les premiers enfants du baby-boom partiront à la retraite, AFD Technologies puisera dans son vivier de candidats, prêts à l'emploi. Vraisemblablement, Bruno sera contacté pour une embauche. Comme AFD Technologies, la plupart des entreprises se dépensent sans compter pour resserrer les liens avec les étudiants et les écoles référencées sur leur short-list. Car si rien n'est fait, elles pourraient bien se retrouver dans une situation comparable à celle de la fin de la décennie 90 : l'époque de la surenchère salariale et des fortes tensions sur le marché du travail. « Dans mon laboratoire, la moitié de mon équipe est partie, se souvient Philippe Eudeline, directeur technique chez Thales Air Defence, à Rouen. J'ai même eu deux démissions dans la même semaine ! Les chasseurs de têtes appelaient sans arrêt mes ingénieurs. »

Une vision à long terme

Certes, à l'heure des plans sociaux, les entreprises sont sommées de réduire la voilure. Les recrutements de jeunes diplômés ont, d'ailleurs, chuté de 25 % en 2002, selon le panel Apec, l'Association pour l'emploi des cadres, présenté en mars dernier. Mais en dépit de la conjoncture, les DRH savent qu'une gestion du personnel à court terme pourrait être contre-productive. Les jeunes seront, bientôt, une denrée rare et chère, les entreprises ont donc tout intérêt à anticiper. Du coup, elles cherchent à se prémunir du risque en les fidélisant de plus en plus tôt. « Toutes les entreprises s'intéressent aux jeunes de troisième année, mais celles qui misent sur les premières années pourront en tirer un avantage certain », avertit Régine Abolo, directrice de la communication de Beijaflore, un cabinet-conseil en technologies.

Anticiper la reprise

« Les entreprises anticipent la reprise, confirme Jean-Claude Duriez, directeur de l'Ecole des mines de Nancy. Les relations avec les élèves de première année sont devenues beaucoup plus professionnelles. Elles soumettent quasiment tous nos élèves à un entretien avant leur stage ouvrier. »

Otis a, de son côté, tenté de faire coïncider les offres de stage avec ses besoins potentiels. Si la société affirme que seuls 20 % des stagiaires cadres sont actuellement recrutés en CDI, l'objectif est d'arriver à 80 %, voire 100 % dans les prochaines années.

Péchiney est allé plus loin, cette année, en proposant une promesse d'embauche à chaque candidat à "job trotters ", un programme de stage à l'international d'une durée de six à douze mois.

Mais pour parvenir à leurs fins, les entreprises doivent aussi être beaucoup plus regardantes sur les moyens utilisés. Fini le sponsoring aux retombées plus ou moins incertaines. Avec la crise, elles se montrent plus prudentes. Elles délaissent les forums-emplois et les associations d'élèves pour bâtir des relations plus structurées avec l'école dans une perspective de long terme. Le must ? Tisser des partenariats pédagogiques avec les écoles pour intervenir, en amont, dans les cours et les conférences.

Etudes de cas

Les études de cas, véritables plongées intra-muros dans la société, recueillent aussi les faveurs des recruteurs. Une façon bien plus efficace de faire rayonner leurs savoir-faire que les "amphis-retapes", destinées à "faire la pub" de telle ou telle société.

Les chaires font également une percée remarquable. De Carrefour à la Caisse d'épargne, en passant par LVMH, ou Michelin, les entreprises cherchent à se positionner en employeurs attractifs en finançant une partie de la recherche de l'école.

Cursus "maison"

Et lorsque le système scolaire ne répond pas à leurs besoins, elles n'hésitent pas à monter de toutes pièces des cursus avec l'Education nationale. C'est ainsi que l'Uncanss, l'Union des caisses nationales de la Sécurité sociale, a décidé de lancer des licences professionnelles destinées à préparer aux métiers du management et de la gestion de la protection sociale. Une première promotion a démarré, en septembre dernier, à l'université de Marne-la-Vallée (77). L'urgence est réelle : 46 % des managers de l'Uncanss partiront à la retraite d'ici à 2010 !

Tout aussi original, le coaching fait son entrée dans le monde de la formation initiale. Il trouve, par exemple, ses adeptes chez Beijaflore, Sopra et Péchiney.

Autre modèle qui monte : l'internationalisation. Faute de ressources suffisantes en France, les entreprises cherchent à recruter hors frontières pour détecter leurs cadres. Bic a, ainsi, identifié une vingtaine d'écoles ci- bles dont plusieurs business schools européennes et mê- me une école de marketing à Helsinki.

Etudiants étrangers

D'autres, à l'instar de Renault, du groupe Flo, de Citroën ou encore de Lafarge, financent les études, en France, de jeunes étudiants étrangers qu'ils renverront travailler dans leur pays, au sein d'une de leurs filiales ou de leurs succursales, sitôt le diplôme acquis. Des partenariats ont été noués dans ce sens à l'Ecole des mines de Nancy, qui réfléchit, également, à des cursus alternés en France et au Brésil (pour le compte de Renault, par exemple), mais aussi en Chine (pour Citroën).

Cibler les candidats

La fidélisation, en amont, des étudiants finira-t-elle par payer ? Sopra, qui mobilise 10 % de son effectif, soit 500 salariés, dans les relations avec les écoles, compte bien sur un rapide retour sur investissement. Bruno Carrias, directeur du développement en charge des relations écoles de la SSII, y voit, d'ailleurs, deux atouts : éviter le turn-over des candidats mal ciblés (une relation en amont permettant de mieux définir la personnalité de l'élève) et diminuer de moitié le budget recrutement consacré aux jeunes diplômés, en évitant tous les prestataires intermédiaires. « Notre budget est cinq fois moins élevé que celui de nos concurrents, confirme, ainsi, Bruno Carrias. Nous dépensons entre 150 000 et 300 000 euros pour ce poste alors que nos homologues déboursent de 1,5 million à 3 millions d'euros ! » Un argument qui ne devrait pas laisser insensibles les comités exécutifs !

L'essentiel

1 Si les recrutements de jeunes diplômés se sont réduits comme peau de chagrin en 2002, les entreprises se tiennent prêtes pour affronter le choc démographique.

2 La plupart des grands groupes ont anticipé la pénurie de main-d'oeuvre en resserrant leurs liens avec des écoles cibles.

3 Elles développent de multiples partenariats, notamment des conventions pédagogiques pour cibler les jeunes bien avant l'obtention de leur diplôme.