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L'ABSENTEISME

SANS | publié le : 22.04.2003 |

Les entreprises sont peu disertes sur le sujet de l'absentéisme. Et rares sont celles qui ont actionné l'ensemble des leviers permettant de juguler le phénomène. Pourtant, la facture de l'absentéisme et ses conséquences humaines devraient les inciter à passer à l'acte.

Véritables "secrets défense", les taux d'absentéisme, publiés dans les bilans sociaux, restent la chasse gardée des DRH. Résultat : difficile d'avoir, au niveau national, une idée précise de l'ampleur du phénomène. « Il y a autant de façons de calculer l'absentéisme que de DRH », soulève Marie-Stéphane Lelaurin, directrice de Securex, une société lilloise spécialisée sur le créneau des contre-visites médicales. Il est vrai que le concept est vaste, englobant tout à la fois les accidents du travail, les congés maternité, les congés légaux, les congés sabbatiques, les maladies "ordinaires", les maladies professionnelles, les départs en formation ou encore les absences de convenance.

Son interprétation est tout aussi délicate, tant elle dépend du secteur d'activité, de la situation géographique, des spécificités locales (par exemple, l'ouverture de la chasse dans certaines régions). « Les entreprises entendent par absentéisme les arrêts de travail d'une durée inférieure à trois mois, car ce sont les plus perturbants », poursuit Marie-Stéphane Lelaurin. « En règle générale, confie le DRH d'un grand groupe, les entreprises vertueuses affichent un taux inférieur à 3 %, et le "plan rouge" est déclenché à partir de 4 %. »

Coût élevé

Une chose est sûre : l'absentéisme coûte cher. En France, son coût annuel pour la collectivité est estimé à 25 milliards d'euros. En Suède, il engloutirait 10 % des dépenses de l'Etat ! Et, pour les entreprises, chaque point de taux d'absentéisme représenterait 1 % de la masse salariale. A côté des coûts directs (heures supplémentaires, recours à l'intérim, etc.), s'ajoutent, en effet, nombre de coûts cachés, tels que la charge administrative liée à la gestion de l'arrêt de travail et à l'arrivée d'un nouveau salarié, le coût de la formation, la désorganisation suscitée par le départ du collaborateur, ainsi que d'éventuelles pertes de chiffre d'affaires.

Si les entreprises ont entre les mains tout un arsenal permettant de juguler les absences, rares sont celles, pourtant, à avoir activé tous les leviers disponibles. « Nous avons des indicateurs régionaux, mais nous éprouvons des difficultés à passer à l'action », admet un DRH.

Prévention

En matière de gestion de l'absentéisme, le mot magique est celui de prévention. Avant d'en arriver là, encore faut-il avoir suffisamment débroussaillé le terrain. En commençant par une évaluation quantitative du phénomène, destinée aussi à en soupeser les incidences financières. Cela passe par la tenue de tableaux de bord adaptés aux spécificités de chaque implantation. L'absentéisme sera, en effet, apprécié différemment dans un site fortement féminisé, dans un siège social situé dans les beaux quartiers d'un centre-ville ou dans une usine perdue en périphérie.

Analyse des causes

Premier pas vers une politique de prévention : l'analyse des causes. Il s'agit de conduire une réflexion sur le profil des postes, les modes de management, les catégories de personnel impactées, etc. C'est le travail que mène actuellement la SNCF. « Alors que les principaux facteurs d'absentéisme sont stables, nous enregistrons, depuis 1998, une progression des accidents du travail, indique Alain Cahen, directeur délégué à la gestion des RH. L'une des origines que nous avons identifiée est relative aux nombreux arrêts provoqués par la multiplication des actes d'incivilité et des agressions subies par nos agents. Une autre hypothèse serait liée au renouvellement de notre population (40 000 nouveaux salariés en cinq ans, NDLR), les jeunes embauchés manquant probablement d'expérience en matière de pratiques de sécurité. » A l'hôpital Ambroise-Paré, une enquête diligentée auprès du personnel par la médecine du travail, suite à une augmentation brutale des TMS (troubles musculo-squelettiques) dans le service gériatrie, a permis de conclure à une relation entre l'apparition de ces maladies et la manipulation des lits des malades. L'étude a débouché sur la mise en place de nouvelles techniques de manutention.

Des origines multiples

Les origines de l'absentéisme sont parfois difficiles à cerner. Il en est ainsi des arrêts maladies classiques. Le médecin du travail, dont le rôle est ici fondamental, n'est, en effet, pas toujours averti de ces absences, la visite de reprise n'étant obligatoire qu'après vingt et un jours d'arrêt. « De plus, les raisons de l'arrêt maladie entrent dans le cadre du secret médical, partagé par le médecin traitant et le patient. Or, la répétition des arrêts courts traduit parfois une réelle souffrance physique ou psychologique. Elle conduit à stigmatiser la personne, perçue comme un "tire-au-flanc", et peut déboucher sur un licenciement, alors que le salarié présente une réelle pathologie », constate Elisabeth Prévot, médecin du travail rattachée à la consultation des pathologies professionnelles à l'Hôtel-Dieu.

Le stress en question

La clé de l'absentéisme se situe bien souvent au niveau des modes de management. En cause : le stress. Pour Bernard Salengro, responsable de l'Observatoire du stress à la CFE-CGC, la corrélation est patente : « 18 % des cadres reconnaissent s'être arrêtés à cause du stress. » Et, selon la Cnam, un arrêt sur dix serait lié au stress.

Aux Etats-Unis, 1 million de salariés sont absents chaque jour à cause de conditions de travail stressantes, tandis qu'en Grande-Bretagne, 40 millions de journées sont perdues chaque année. « Actuellement, le risque psychique est le risque professionnel le plus important », affirme ainsi Eric Albert, directeur de l'Institut français de l'anxiété et du stress. Pour autant, peu d'entreprises se sont outillées pour le prévenir.

Il est, certes, plus simple d'agir sur des maladies professionnelles bien identifiées. L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (90 000 salariés) vient ainsi d'entamer une réflexion sur la prévention des accidents du travail, portant plus particulièrement sur les chutes et glissages, les TMS, les risques biologiques et chimiques. « Nous sommes confrontés au vieillissement de notre population, ce qui nous conduit naturellement à agir sur la prévention. Cela passe par l'information, la formation, des adaptations aux postes de travail, et des possibilités de reclassement », explique Eric Ben-Brik, médecin coordinateur à l'AP-HP.

La carotte et le bâton

Chez Legrand Normandie (250 salariés), suite à la réalisation d'un mémoire sur l'absentéisme, achevé fin 2002, Monique Bénard, responsable des RH, a proposé à sa hiérarchie d'agir dans trois directions : des mesures préventives axées sur le travail et la personne, des mesures méthodologiques (contrôles, entretien systématique de retour) censées limiter les absences, et des mesures de réintégration destinées à limiter les temps d'absence et à faciliter le retour au travail.

Les entreprises ont aussi la possibilité d'agiter la carotte et de brandir le bâton. Une démarche suivie par le groupe de transport et de logistique Stef-TFE (10 000 salariés). « Dans notre accord d'intéressement, explique le DRH, Gérard Groffe, un indicateur est directement lié à la réduction du nombre d'accidents du travail. En outre, nous testons un nouveau dispositif dans une de nos filiales. Nous lui avons fixé un objectif de baisse du taux d'absentéisme sur trois ans. S'il est atteint, l'économie générée sera entièrement redistribuée aux salariés. »

Effets pervers

Gare toutefois à la perversion de cette tactique, les primes récompensant le "présentéisme" pouvant conduire certains salariés à se rendre sur leur lieu de travail malgré un mauvais état de santé, voire à cacher leur maladie. Mais le transporteur utilise aussi la manière forte, avec la contre-visite médicale, prévue, depuis 1978, par le Code du travail. Lequel autorise un contrôle auprès de tout salarié bénéficiant du versement d'indemnités complémentaires. En cas d'arrêt non justifié, l'employeur peut suspendre l'indemnisation à partir de la demi-journée suivant le jour du contrôle.

Plus de vérifications

« Il y a, chaque année, environ 8 697 000 arrêts de travail en France, dont 80 % d'une durée comprise entre huit et dix jours. Or, pour eux, la Sécurité sociale ne fait plus de vérifications », explique Marie-Stéphane Lelaurin, de Securex. Cette société, qui travaille avec un réseau de 1 050 médecins généralistes, enregistre une progression annuelle de son activité de 30 %. La procédure de la contre-visite est cependant à manier avec précaution. En novembre dernier, la décision du DRH de Valéo Nevers d'y recourir a provoqué un véritable tollé, le secrétaire général de l'ordre des médecins de la Nièvre allant même jusqu'à recommander aux dirigeants de l'équipementier de commencer par réfléchir sur les raisons de l'absentéisme.

L'essentiel

1 Pour la collectivité, l'absentéisme coûte cher. Pour une entreprise, chaque point de taux d'absentéisme représenterait 1 % de la masse salariale.

2 Même s'il est difficile de faire du benchmarking sur l'absentéisme, compte tenu de la diversité de la notion, les experts estiment qu'un taux performant se situe sous la barre des 3 %.

3 Le chantier de la prévention passe par des études préalables d'évaluation ainsi que par des analyses circonstanciées des causes.

Métallurgie : 5,8 % d'absentéisme

Preuve de l'intérêt que portent certaines branches professionnelles à l'absentéisme, l'enquête que vient de réaliser l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) auprès de 917 établissements représentant 170 866 salariés. Concernant le premier semestre 2002 et portant sur les maladies ordinaires (hors maladies professionnelles), les accidents, les congés maternité, les absences autorisées et non autorisées (à l'exception des grèves), elle fait ressortir un taux d'absentéisme de 5,8 %.

Les femmes sont plus souvent absentes que les hommes (8,8 % conte 5 %), en raison, notamment, d'un taux d'arrêts maladie plus élevé (6,3 % contre 4,3 %) et des congés maternité.

Le taux d'absentéisme est aussi plus important chez les ouvriers (7,6 %) que chez les administratifs et techniciens (4 %), les agents de maîtrise (3,6 %) et les cadres (2,3 %).

Les maladies représentent 81 % des motifs d'absence, loin devant les accidents (9 %).

Enfin, parmi les facteurs intervenant sur l'absentéisme, le jour de la semaine arrive nettement en tête, en particulier le lundi (54 %) et le vendredi (32 %). Viennent ensuite l'âge, la saison, le niveau de classification et la situation familiale. En queue de peloton, l'incidence de la RTT, et la durée du trajet ont, selon les entreprises interrogées, peu d'impact sur l'absentéisme.