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Attenti on, cadeau empoisonné

SANS | publié le : 08.04.2003 |

Si le DRH dispose de délégations de pouvoirs sur la gestion des ressources humaines et sur les relations avec les partenaires sociaux, domaines où il est véritablement opérateur, mieux vaut qu'il refuse les sujets annexes échappant à ses compétences.

E n principe, c'est au chef d'entreprise de veiller au respect et à l'application de la loi. Pour autant, il ne peut être partout. D'où la mise en place de délégations de pouvoirs. Cette opération très répandue l'exonère de sa responsabilité pénale.

Conditions de validité

Curieusement, cette délégation ne s'appuie sur aucun texte réglementaire puisqu'elle est, en effet, une construction purement jurisprudentielle, née en 1902 avec un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en matière d'hygiène et sécurité. Mais « si elle est une marque de confiance, elle peut aussi se révéler un cadeau empoisonné », signale Aurore Guido-Deaïbes, avocate du cabinet Bensay & Associés. Attention, donc, à « ne pas la considérer comme une formalité d'usage inhérente à une fonction de direction », comme le constate trop souvent Me Sylvie Le Damany, associée de Landwell & Associés.

Si la Cour de cassation impose cette pratique au chef d'entreprise lorsqu'il ne peut tout contrôler lui-même (l'absence de délégation pouvant être appréciée par les juges comme une négligence), elle est aussi très claire sur ses conditions de validité. Première condition : le délégataire doit être compétent dans le domaine pour lequel il engage sa responsabilité pénale. Cela sous-entend à la fois une formation ad hoc, une expérience, une qualification et un salaire correspondant.

Ensuite, il doit avoir l'autorité pour faire respecter ce pouvoir. Autrement dit, le DRH délégataire doit avoir les coudées franches tant pour contrôler l'activité et les salariés sur le sujet que pour alerter et sanctionner, le cas échéant.

Enfin, la délégation suppose la mise à disposition de moyens nécessaires, notamment financiers et organisationnels, « pour la mise en place de la législation et de la réglementation et pour son suivi », complète Agnès Cloarec-Mérendon, avocate de Latham & Watkins. Cependant, quoi qu'il en soit, elle s'anime dans le cadre d'un périmètre limité, mais au sein d'une organisation sans cesse en mouvement. Et c'est bien là l'un des problèmes majeurs.

Moyens nécessaires

« Une entreprise bouge, les gens y sont nommés, en partent ou encore sont mutés. La difficulté n'est pas tant la construction d'une délégation que son efficacité ponctuelle », explique Jacques Fourvel, ancien magistrat, aujourd'hui directeur de l'audit juridique d'Euris-Rallye (holding du groupe de grande distribution Casino, 7 250 magasins en France, 170 000 salariés). Nommé il y a trois ans, sa première mission a été de dépoussiérer l'ensemble des délégations en vigueur dans le groupe (un petit millier, actuellement).

« La délégation de pouvoirs est mon souci quotidien. Plus une entreprise est filialisée et d'une structure complexe, plus les responsabilités s'animent en cascade. Il faut donc suivre au jour le jour la cohérence hiérarchique de l'ensemble et s'assurer de la bonne conformité des docu- ments à la réalité du terrain . »

Pratiques contestables

« Les DRH possèdent implicitement des délégations ayant trait à la gestion des ressources humaines et aux relations avec les partenaires sociaux, constate Sylvain Niel, directeur du département GRH de Fidal, cabinet d'avocats. Toutefois, lui donner une amplitude "générique", valable sur l'ensemble de cette GRH, est une erreur. Un DRH devient alors responsable des déviances et de certaines pratiques managériales contestables commises par des cadres opérationnels, premiers acteurs de la gestion d'équipe. Ce sont eux, et non le DRH, qui dirigent, évaluent et sanctionnent les collaborateurs. Autrement dit, en quoi un DRH peut-il être véritablement responsable de l'emploi du temps d'un technico-commercial, qui enchaîne des journées de qua- torze heures, au risque de provoquer un accident de la route ? »

Mieux vaut donc, pour un responsable RH, accepter une délégation de pouvoirs dans les domaines où il est véritable opérateur et conseiller comme « la présidence du comité d'entreprise, l'organisation des élections et le suivi-consultation des délégués du personnel », énumère Me Agnès Cloarec-Mérendon. Et refuser les périmètres sur lesquels il ne se juge pas suffisamment au point.

Aurore Guido-Deaïbes pense, en particulier, aux problématiques d'hygiène et de sécurité. « Il est difficilement imaginable qu'un DRH, employé dans le BTP, fasse le tour des différents chantiers de construction pour s'assurer du respect des règles de protection des salariés de l'entreprise. »

Les condamnations relatives au travail et à la Sécurité sociale en pénal

Les années se suivent et se ressemblent, à en croire les statistiques annuelles communiquées par le ministère de la Justice. A part un pic en 1997, le nombre de condamnations pour infractions au droit social tourne, en moyenne, autour de 8 000.

Au hit-parade des délits commis : ceux relatifs au travail illégal. Un intitulé qui regroupe tant les emplois non déclarés que la dissimulation d'heures supplémentaires ou encore le prêt de main-d'oeuvre, l'emploi illicite de main-d'oeuvre étrangère... En la matière, la justice a de quoi s'occuper (voir Entreprise & Carrières n°663). A noter que ce chiffre fléchit depuis quelques années, non pas parce que les employeurs sont plus vertueux, mais plutôt plus malins. Viennent ensuite le non-respect de la législation sur l'hygiène et la sécurité, qui représente, en moyenne, 800 condamnations chaque année, et les infractions relatives à l'assujettissement à la Sécurité sociale.