E & C : Vous venez de publier les axes de recherche de l'association Entreprise & Personnel pour 2003-2005. Quels sont-ils précisément ?

B. G. : Ils prennent place dans une étude globale qui nous permet de constater que, depuis quelques années, l'entreprise a changé de modèle. En effet, l'entreprise "communautaire", qui a dominé jusqu'à la fin des années 90, fermée et cherchant à impliquer, à motiver, à intégrer les salariés à l'aide d'un emploi à vie, laisse la place à une entreprise ouverte. Celle-ci multiplie les échanges avec son environnement, et ce, alors que l'on passe d'une économie industrielle à une économie postindustrielle. L'entreprise devient poreuse et laisse pénétrer les évolutions de la Cité, ses normes culturelles et juridiques. Dès lors, elle ne peut plus assurer de compromis internes et se doit d'intégrer l'opinion de la Cité.

E & C : Quelles sont les conséquences de cette "ouverture" de l'entreprise ?

B. G. : Premier changement : les pratiques de gestion des ressources humaines cessent d'être des pratiques internes puisque, désormais, la société intervient. Illustrons ce propos avec ce qui se passe avec la discrimination ou le harcèlement. Y aurait-il plus de cas dans cette société ouverte ? Non. Ce qui est nouveau, c'est que ces dérives fassent objet de débats, relayés par les juges et les journalistes.

Par ailleurs, les entreprises ne pourront plus rester sourdes aux questions centrales de la Cité ayant trait à l'exclusion, à la sécurité, à l'emploi... Les questions salariales vont réapparaître, tout comme celles de la souffrance au travail.

Enfin, dans cette nouvelle économie postindustrielle, centrée sur le savoir et la connaissance, le salarié de référence est le cadre. Mais le management de la connaissance reste encore à maîtriser. Nous allons voir apparaître des attentes de performance différenciées selon certaines populations de salariés. Ce qui va favoriser de nouvelles segmentations sociales.