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SANS

Cincinnatus

SANS | publié le : 19.11.2002 |

On se souvient de Cincinnatus, deux fois consul, retourné vivre sur ses terres après de brillantes campagnes militaires au service de l'empire romain.

J'en connais un du même genre, justement. Un grand patron d'industrie, longtemps considéré comme un prédateur insatiable, grand architecte d'un groupe aujourd'hui présent dans le monde entier, a fait, lui aussi, le choix de vivre loin de la capitale, totalement détaché de tout l'univers financier et médiatique dont il a été l'une des vedettes les plus en vue.

Il me reçoit. On parle jardin. J'admire son travail. La propriété présente une variété étonnante de petits paysages, dans une très habile utilisation des variations du terrain, avec de multiples espèces harmonieusement réparties. Pour marquer l'alternance de ces points de vue, des arbustes taillés prennent des formes très variées, quelquefois presque saugrenues, comme pour ouvrir chaque fois un chapitre nouveau de la promenade.

Je m'extasie. « C'est du travail, bien sûr. Beaucoup de travail. Mais surtout beaucoup de patience. Comme l'entreprise. Comme le management. »

Je me tais. J'espère une suite. Elle arrive : « Il y a beaucoup de points communs : faire avec le terrain. Bien savoir à quoi on veut arriver. Anticiper. Réagir très vite. Et surtout, savoir utiliser les défauts, les différences, les accidents de parcours. »

Je me tais toujours. Je l'observe qui sourit discrètement, tout à ses pensées. « Et gérer les contradictions du temps, les obligations immédiates et les ambitions à long terme. »

Courte interruption. Rapide coup de sécateur. Il vient de couper une branche qui dépasse à peine. « Vous voyez, c'est comme cette plante. Impossible de lui donner la forme prévue. Mais ses défauts sont intéressants. J'ai changé de projet pour elle. Dix ans après, c'est une de mes topiaires les mieux réussies... J'ai eu de la chance ! »

De la chance ? Un peu. Et il en faut. Mais savoir anticiper, s'adapter à chacun, chercher l'harmonie d'un ensemble, prendre son temps, corriger vite les erreurs (sans sécateur, si c'est possible...), n'est-ce pas exactement notre mission de manager d'une équipe ?

Merci pour la leçon, Cincinnatus !