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« La médiation ne doit pas être une justice au rabais »

SANS | publié le : 12.11.2002 |

La médiation s'est étendue à tous les domaines sociaux. Pour Patricia Malbosc, présidente de la Consulte des médiateurs d'entreprise, ce mode alternatif de résolution des conflits est appelé à largement se développer dans le domaine des relations du travail.

E & C : Inspirée des pratiques des pays anglo-saxons, la médiation a fait son apparition dans les contentieux prud'homaux. Par ailleurs, de plus en plus de prestataires proposent de la médiation interne, pour résoudre, voire anticiper, les conflits managériaux. Peut-on parler d'effet de mode ?

P. M. : Je ne le pense pas. En effet, dans de nombreux domaines sociaux, la médiation est inscrite dans la loi, que ce soit en matière civile, familiale, financière ou d'assurance... Il n'y a pas de raison que l'on n'y vienne pas dans le domaine des relations du travail. La loi de modernisation sociale prévoyait, d'ailleurs, la désignation d'un médiateur en cas de désaccord sur un projet de restructuration. D'autre part, il faut savoir qu'à l'heure actuelle, un juge, saisi dans le cadre d'un conflit individuel du travail, peut demander une médiation. La cour d'appel de Grenoble est très en pointe sur ce sujet (voir Entreprise & Carrières n° 614 du 19 mars 2003). Pour autant, l'intérêt principal de la médiation est d'intervenir en amont du procès. L'objectif de notre association est, notamment, de sensibiliser les entreprises sur les avantages de la formule, afin qu'elles aient le réflexe de la médiation avant que le conflit n'éclate et n'aille devant les tribunaux. Je pense que l'on y vient, petit à petit. Le patronat s'affirme de plus en plus sensible au dialogue social, tandis que la médiation apporte un réel gain de temps et d'argent. Elle est, en effet, une alternative à la justice, souvent longue, lourde et coûteuse. Mais attention : la médiation ne doit pas devenir une justice au rabais. Elle se situe d'ailleurs à un autre niveau : elle apparaît comme une réponse adaptée aux besoins des entreprises par son caractère amiable et non contraignant. Alors que le juge prononce une sentence et désigne un perdant et un gagnant, le médiateur est un accoucheur, qui permet aux parties de construire leur propre solution. L'un de ses avantages est, d'ailleurs, de rendre possible une poursuite de la relation, ce qui n'est généralement pas pensable à l'issue d'un procès.

E & C : Quels sont, plus précisément, les différents domaines d'application de la médiation dans l'entreprise ?

P. M. : Le principal est celui des conflits individuels de travail entre salariés et chefs d'entreprise. Mais elle peut également intervenir dans le cadre d'un dialogue social difficile. Certains comités d'entreprise commencent à se doter de médiateurs, pour les aider dans leurs relations avec la direction. A l'occasion de restructurations particulièrement critiques, les DDTEFP peuvent également être amenées à en désigner un. La médiation s'est également révélée utile pour l'élaboration et surtout l'application de la réduction du temps de travail, notamment dans de petites entreprises sans organisations syndicales. Plus généralement, des directions peuvent faire appel à un médiateur en amont, pour construire un projet d'entreprise. En outre, à l'image de plus en plus de contrats commerciaux, certains accords collectifs font apparaître une clause prévoyant le recours à la médiation en cas de désaccord. Enfin, la médiation peut intervenir dans le cas de conflits interpersonnels dans l'entreprise. Je suis ainsi intervenue, à la demande d'un CHSCT, dans un cas où une salariée en conflit avec une autre l'accusait de harcèlement moral. A l'issue de la médiation, ces deux salariées sont tombées d'accord pour changer de service. J'ai alors pris contact avec le DRH pour qu'il organise les mutations.

E & C : Votre association, la Consulte des médiateurs d'entreprise, rassemble des médiateurs de grandes entreprises de service public ou de médias, des médiateurs indépendants, mais également des DRH. Pensez-vous qu'un DRH puisse faire office de médiateur interne ?

P. M. : Non, je ne le crois pas, même s'il fait l'interface entre les salariés et la direction et qu'il lui arrive de mener des actions de médiation entre des salariés. En effet, un médiateur doit être neutre, indépendant et impartial. Un membre de l'entreprise peut-il réellement l'être ? De plus, le médiateur est soumis au secret professionnel. C'est pourquoi nous militons pour la médiation externe.

E & C : Mais l'un des freins au développement de la médiation d'entreprise n'est-il pas la difficulté à dénicher la personne suffisamment compétente et légitime pour remplir ce rôle délicat ?

P. M. : Il est vrai que la profession est encore peu structurée. Il n'y a, actuellement, qu'une dizaine de médiateurs d'entreprise reconnus. Ce sont généralement des avocats ou des consultants qui ont suivi une formation à la médiation et la pratiquent en plus de leur activité initiale. Parallèlement, de plus en plus de cabinets s'attaquent à ce marché et proposent des formations ou des interventions en médiation. Je crois que l'écrémage se fera de lui-même. Par ailleurs, l'objectif de notre association est d'élaborer un annuaire des médiateurs et des formations que notre comité scientifique, composé des plus grands noms de la médiation, aura jugé dignes de confiance. Parallèlement, nous essayons de créer un réseau des médiateurs d'entreprise, ce qui devrait contribuer à harmoniser les pratiques.

SES LECTURES

Les médiations, la médiation, ouvrage collectif de Jean-Pierre Bonafe-Schmitt, Jocelyne Dahan, Jacques Salzer, Marianne Souquet, Jean-Pierre Vouche, Erès-Trajets, 1999.

Le projet d'entreprise, de Claude Leboeuf et Alex Muchielli, PUF, collection Que sais-je, 1989.

Négociation et médiation dans l'entreprise, Revue Communication et Organisation, 1997.

PARCOURS

Avocate spécialisée en droit fiscal, Patricia Malbosc a suivi, en 1996, une formation à la médiation d'entreprise.

Depuis 2000, elle se consacre à la médiation d'entreprise et à l'animation de plusieurs associations de développement de la médiation. Elle est présidente de la Consulte des médiateurs d'entreprise, qui organise, le 14 novembre, en partenariat avec l'ANDCP et le CJD, un colloque intitulé "Entreprise : médiation et dialogue social", et déléguée générale du site Internet :

http://www.mediation-net.com