«Plus que jamais, nous devons modifier l'image des travailleurs handicapés. » Claudie Buisson, la directrice générale de l'Agefiph (Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées), a donné le ton, le 6 novembre dernier, lors de la présentation à la presse de la 6e Semaine pour l'emploi des handicapés, qui se déroule du 11 au 17 novembre. Mais la tâche sera rude. Pour preuve, les résultats d'un sondage réalisé pour l'occasion* par l'institut Louis Harris.

Si les employeurs, qui comptent dans leurs rangs des salariés handicapés, se déclarent, dans leur très grande majorité (87 %), satisfaits de l'expérience, ils ne peuvent faire oublier qu'un quart des entreprises françaises de plus de 10 salariés tournent, aujourd'hui, sans un seul salarié handicapé, et qu'un autre quart ne répond toujours pas à l'obligation légale en matière de taux d'emploi de personnes handicapées, fixé à 6 % par la loi du 10 juillet 1987. Et pour cause : sans en employer un seul, 68 % des entreprises considèrent que recruter un handicapé est une opération difficile (contre 57 % pour ceux qui l'ont déjà tenté).

Plusieurs freins à cela. Parmi eux : l'ignorance des organismes susceptibles de les aider : 58 % des entreprises avouent, en effet, ne pas savoir où rechercher des informations. Seulement 17 % citent l'Agefiph et 32 % l'ANPE. Un résultat curieux, surtout lorsque l'on connaît le montant des subventions accordées, chaque année, aux entreprises, pour faciliter le recrutement de personnel handicapé - de l'ordre de 156 millions d'euros -, le nombre d'entre elles visitées par des associations spécialisées (45 787 l'année dernière, rien que par le réseau Cap emploi), ou encore le nombre de personnes handicapées ayant bénéficié d'un aménagement de leur poste de travail (4 552, soit + 18 % par rapport à 2000) !

L'autre frein cité, lors du sondage, a trait aux résistances des autres salariés : 40 % des entreprises n'employant aucun handicapé craignent, ainsi, que leurs équipes voient d'un mauvais oeil la venue de personnes handicapées. Ce qui ne les empêchent pas, néanmoins, de penser que cela vaudrait le coup d'être tenté : 84 % des entreprises qui ont connaissance d'expériences positives sont convaincues que l'emploi de personnes handicapées se déroulerait sans accroc. « D'où l'intérêt, pour nous, de communiquer sur le vécu de ces entreprises », signale Philippe Velut, directeur général de l'Adapt (Ligue pour l'adaptation du diminué physique au travail).

D'autant que les entreprises qui ont intégré des salariés handicapés les créditent de nombreuses qualités : motivation, esprit d'équipe, contact, performance, capacité à s'intégrer... Leurs défauts ? Leur faible capacité à encadrer et à évoluer. Les entreprises qui n'emploient pas de personnes handicapées redoutent, quant à elles, leur manque de mobilité. Ce qui fait dire à Philippe Velut que « les préjugés ne sont pas là où se trouvent les difficultés rencontrées ».

Autrement dit, les défis ne manquent pas à ceux qui souhaitent améliorer le sort des actifs handicapés. Et il est à craindre que celui-ci ne s'arrange pas. Claudie Buisson n'a pas manqué, à ce propos, de faire part de ses préoccupations. Dans l'immédiat, tout d'abord, « le renversement conjoncturel n'a, ainsi, pas épargné la population handicapée, confirme-t-elle. Le nombre de contrats de travail durables, de plus d'un an ou à durée indéterminée, proposés au second trimestre 2002, a considérablement diminué. 2003 devrait confirmer cette décrue, alors que 215 000 handicapés sont toujours demandeurs d'emploi ».

Plus structurels : le faible niveau de qualification des handicapés (70 % ont un niveau CAP) et leur vieillissement. « Dans les cinq ans, voire dix ans, à venir, nous savons que les créations d'emploi seront à l'initiative du tertiaire, secteur où l'offre se situe à un niveau baccalauréat minimum, signale la directrice générale de l'Agefiph. A noter, par ailleurs, que cette population handicapée est composée de moins de jeunes que dans l'ensemble de la population active, mais de plus nombreuses personnes âgées de 30 à 49 ans. Dans une quinzaine d'années, beaucoup vont donc quitter les entreprises ayant, jusque-là, participé à l'accueil de notre public. Conséquence : les performances en matière d'insertion vont prendre un sérieux coup. Nous pouvons inverser cette perspective. Ces postes laissés vacants seront autant d'opportunités pour les travailleurs handicapés, à condition de s'y préparer maintenant. »

La 6e Semaine pour l'emploi des handicapés, baptisée "Agir, c'est réussir", est aussi là pour cela. Cela tombe bien, la mobilisation n'a jamais été aussi grande. De nombreuses organisations syndicales, à l'instar de la CFDT, de la CGT et de CFE-CGC, sont partenaires. Egalement sur les rangs : l'ANPE, l'ANDCP, Sodexho, leader de la restauration collective, et Adia pour l'emploi temporaire, qui vise le placement d'un travailleur handicapé par agence, soit 2 000 missions équivalentes à 400 temps pleins. Seize régions sont parties prenantes ; 80 événements (2) vont s'animer, ainsi, un peu partout en France, sous la forme de forums, de visites d'entreprises, de débats ou de défis sportifs.

Et si cela ne suffit pas, un guide, intitulé Le salarié handicapé dans l'entreprise (éditions Jacob-Duvernet), parrainé par l'Agefiph et l'Adapt, mis en vente pour l'occasion, devrait contribuer à lever les réticences psychologiques et matérielles de certains chefs d'entreprise.