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LES NOUVELLES AMBITIONS DE L'INTERIM

SANS | publié le : 22.10.2002 |

Sélection, formation, accompagnement de carrière, conseil en RH... Les grandes entreprises de travail temporaire jouent de plus en plus le rôle de gestionnaires RH par délégation. Une nouvelle mission dont bénéficient les intérimaires aux compétences les plus recherchées.

L' époque où les entreprises acceptaient l'intérimaire tel qu'il était est révolue. Aujourd'hui, l'intérimaire doit être efficace, savoir s'intégrer dans une équipe, avoir un comportement professionnel. Charge à nous de les sélectionner et, s'il le faut, de les former. Nous sommes passés d'une simple mise à disposition à un métier plus proche d'un cabinet de recrutement. » Jacques Culioli, directeur du marketing et du développement de Vedior Bis, n'est pas le seul à constater cette évolution du travail temporaire. Le directeur des ressources intérimaires d'Adecco, Jean-Luc Ficarelli, note, lui aussi, cette « augmentation des exigences » des entreprises, qui conduit le n° 1 du travail temporaire à travailler en permanence sur le parcours professionnel des intérimaires (voir article P. 22) pour les faire progresser en compétences. Mais, selon lui, les entreprises clientes ne sont pas motivées par le seul souci d'efficacité.

Formules d'accompagnement

« Même si cela paraît antinomique avec la notion de flexibilité, un certain nombre d'entreprises nous demandent souvent de trouver des formules d'accompagnement pour les intérimaires après une mission longue chez elles. Elles nous demandent, par exemple, de l'aider à retrouver un emploi dans le bassin d'emploi. Nous travaillons actuellement avec des grands groupes sur ce sujet. L'entreprise a besoin d'être rassurée sur ce point, à la fois dans le souci de l'intérimaire et pour sa propre image », constate Jean-Luc Ficarelli qui estime qu'on peut parler de « véritable externalisation des RH ».

Statut véritable

Certes, l'ETT étant l'employeur de droit de l'intérimaire, il est normal que lui revienne la tâche de sa gestion. Mais les efforts déployés par la profession depuis plusieurs années pour assurer un vrai statut aux intérimaires et pour les qualifier dépassent de loin ceux de beaucoup d'entreprises.

Côté statut, les intérimaires ont accès à une mutuelle, au comité d'entreprise, ont une caisse unique de retraite et de prévoyance et peuvent aussi bénéficier de prêts et d'aides au logement via le Fonds d'action sociale du travail temporaire (Fastt). Dans certaines ETT, ils ont droit à la participation aux résultats. Sur cet aspect aussi, la demande de "réassurance" des entreprises clientes est présente. « Les entreprises clientes nous questionnent très vite sur le sort des intérimaires concernant les prestations socia- les, la couverture maladie, etc., ne serait-ce que pour des questions de climat social », note Jean-Pierre Lemonnier, président du directoire de Manpower.

Formation

Côté formation, les ETT doivent consacrer 2,2 % de leur masse salariale à la formation (contre 1,5 % dans les autres entreprises) et ce sont les intérimaires qui en bénéficient le plus.

En 2001, Manpower leur a consacré 81 % de son budget, Creyf's, sixième ETT sur le marché français, 76 %, et Vedior Bis a formé 30 000 intérimaires. « La procédure de suivi des intérimaires prévoit qu'une formation doit être proposée au bout de trois missions ou un certain nombre d'heures de travail. Plus un intérimaire est formé, plus il a de chances de trouver un travail », indique Serge Biennabé, directeur marketing et développement de Creyf's France.

Partie intégrante de la prestation

« Les ETT savent que, de plus en plus, la formation fait partie de leur prestation », confirme Denis Lullier, directeur des activités du Faf. TT (Fonds d'assurance formation du travail temporaire). Plan de formation, Cif, contrats en alternance : comme les salariés en CDI, les intérimaires disposent de toute la gamme des dispositifs de formation, plus d'autres spécifiques, comme le Dif (voir article p. 20) et, depuis 1995, le contrat de mission-formation jeunes intérimaires (CMJI). « Avec le CMJI a émergé la notion de parcours professionnel, souligne Denis Lullier. Il s'adresse à des jeunes de moins de 26 ans, mais déjà anciens dans le travail temporaire et exerçant des emplois non qualifiés. La formation proposée est qualifiante et permet d'accéder à des missions de meilleur niveau. Un manutentionnaire, par exemple, peut devenir cariste. On enclenche un parcours de formation dans l'intérim. »

En 2001, 65 % des jeunes passés par un CMJI ont pu postuler à un emploi plus qualifié. Intérêt de ce contrat : qualifier en un temps record (286 heures en moyenne) sur des compétences demandées par les entreprises du bassin d'emploi... mais sans leur participation. Alors que le contrat de qualification nécessite la participation active de l'entreprise utilisatrice, avec le CMJI, la formation est totalement externalisée. La gestion prévisionnelle aussi : « Si une agence sait que, dans X mois, il faudra 10 soudeurs dans le bassin d'emploi, elle prévoit de former autant d'intérimaires avant de les mettre à disposition », illustre Denis Lullier.

Externalisation

L'expertise RH des ETT ne s'arrête pas là. Elles ont développé, par nécessité, un solide savoir dans le conseil en sécurité. Vedior Bis vient d'ailleurs d'externaliser son entité sécurité, au début de l'année, sous le nom de Cap Secur Conseil. Elle s'apprête à faire de même avec le conseil juridique en RH, à partir d'un service particulièrement performant, puisqu'il a analysé les accords RTT de la plupart des clients et a prodigué, gratuitement jusqu'à ce jour, des conseils sur les thèmes du temps de travail et des rémunérations des intérimaires.

Le nouveau savoir gestionnaire des ETT profite indéniablement aux intérimaires, ou du moins à ceux dont les compétences sont les plus recherchées, et aux jeunes qui peuvent se former.

Le coeur de métier n'a pas changé

Le coeur de métier de l'intérim, qui, lui, reste la mise à disposition d'une main-d'oeuvre abondante non qualifiée et sans vocation à être fidélisée est toujours une réalité. « Les entreprises utilisatrices ont aussi besoin de personnes non qualifiées et utilisent l'intérim pour cela, observe Pierre-Olivier Archer, consultant, qui a mené une étude sur le recours à l'intérim sur un bassin d'emploi local, à la demande du ministère du Travail, pour le cabinet Algoe.

Les auteurs d'une étude (1) sur les stratégies des ETT posent la question : « Ne voit-on pas s'organiser sous nos yeux un intérim multiforme, voire totalement dual, chacun possédant sa propre profitabilité ? Un intérim de masse, créateur de valeur ajoutée sur les effets de quantité, un intérim sur mesure, jouant sur la qualité du service rendu ? » Réponse dans cinq ans, quand les pénuries d'emploi seront là.

(1) Les stratégies des entreprises de travail temporaire, Gilbert Lefèvre, François Michon, Mouna Viprey (chercheurs au CNRS-Matisse, université Paris-1 et à l'Ires). Une synthèse de l'étude est parue dans le n° 89 de la revue Travail et Emploi, janvier 2002.

L'essentiel

1 Les entreprises exigent des intérimaires efficaces, au comportement professionnel, pouvant s'intégrer dans leurs équipes. Face à cette attente, les professionnels du travail temporaire ont fait évoluer leurs pratiques.

2 Les efforts déployés par la profession, depuis plusieurs années, pour assurer un vrai statut aux intérimaires et pour les qualifier, répondent, en fait, aux besoins des entreprises d'externaliser une partie de leur GRH.

3 Outre des programmes de fidélisation des intérimaires, ceux-ci bénéficient des mêmes prestations de formation que les salariés en CDI. Certaines mesures, spécifiques, ont été mises en oeuvre : le Dif (Droit individuel à la formation) ou le CMJI (Contrat de mission-formation jeunes intérimaires). Certaines ETT développent également le conseil en sécurité ou le conseil juridique en RH.

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