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Des cadres insatisfaits et trop stressés

SANS | publié le : 22.10.2002 |

Deux cadres sur cinq souhaitent quitter leur travail pour cause de stress. Trois enquêtes de la CFE-CGC pointent le malaise de la fonction cadre. Leurs résultats sont présentés comme autant d'avertissements en direction des employeurs et du gouvernement.

Ce sont des résultats en forme d'avertissement que la CFE-CGC a restitué, le 17 octobre, en rendant publiques les conclusions de trois enquêtes consacrées aux cadres : le baromètre cadres, le stress des cadres et les modèles d'identification des cadres. « Il n'y a pas, simplement, un malaise dans l'encadrement, mais un véritable divorce », a avancé Jean-Luc Cazettes, secrétaire général de la confédération. Divorce d'avec leur entreprise, divorce d'avec leur patron et baisse de la confiance à l'égard du gouvernement.

Symptômes

On se doutait, ainsi, que les cadres français étaient stressés, on sait désormais qu'ils sont massivement dans cette situation : 75 % déclarent avoir ce sentiment de stress, selon l'enquête "stress au travail", lancée par la CFE-CGC auprès de ses adhérents, en juin dernier. Plus ennuyeux, ce stress s'accompagne, dans 68 % des cas, de symptômes physiques ou psychiques. Bernard Salengro, médecin du travail et responsable de l'observatoire du stress à la CFE-CGC, a ainsi rappelé qu'il existe « un lien statistique » entre les infarctus, les ulcères... et le stress. La moitié des arrêts de travail y sont liés, a avancé, de son côté, Jean-Luc Cazettes. D'où sa revendication d'inscrire le stress dans la liste des maladies professionnelles afin de ne pas laisser au seul régime général de la Sécurité sociale le soin de supporter les dépenses qui lui sont liées. Il estime, également, que l'état psychique d'une personne justifierait un départ à la retraite anticipée, au même titre que pour les salariés effectuant un travail pénible.

Manque de temps

Les causes du stress sont multiples, mais résident principalement dans le sentiment d'une charge de travail trop élevée que ressentent 73 % des cadres, d'un temps insuffisant pour l'exécuter (76 %), d'aller plus vite qu'auparavant (80 %) et d'être fréquemment interrompus (86 %). La réduction du temps de travail est pointée du doigt, puisque pour 69 % des cadres, elle a « surtout été l'occasion d'une intensification de leur travail quotidien ». D'où des semaines de plus de 40 heures pour 81 % d'entre eux. S'il faut en croire Jean-Luc Cazettes, la situation ne peut qu'empirer à la suite de la décision des parlementaires de supprimer, en première lecture, une disposition du projet de loi Fillon visant à élargir la catégorie des cadres soumis à l'horaire collectif.

Selon lui, rien n'empêche plus, désormais, les entreprises de demander à cette catégorie de travailler jusqu'à 13 heures par jour. Il a également mis en cause la transformation des astreintes en temps de repos.

Ethique

La charge de travail n'est cependant pas le seul facteur de stress. A côté des relations difficiles avec leurs collègues (49 %), de l'ambiance de concurrence (35 %), du flou de leur rôle (42 %), de l'absence de perspectives de carrière (81 %) ou des difficultés à concilier leurs vies privée et professionnelle (61 %), l'enquête pointe, de manière assez inattendue, la "contrainte de réaliser des actions contraires à leur éthique", qui concerne 43 % des personnes interrogées. Jean-Luc Cazettes a ainsi rappelé que les auteurs d'actes délictueux, comme le trucage de comptes ou l'atteinte à l'environnement, pouvaient, à présent, voir engager leur responsabilité civile.

Evolution de la législation

« Il faut une évolution de la législation ou de la réglementation, sous peine d'arriver à des situations de blocage et de déresponsabilisation des cadres », a-t-il prévenu, avant d'envisager deux pistes de réflexion : engager systématiquement la responsabilité du donneur d'ordres, une solution peu intéressante, selon lui, car risquant d'aboutir à des blocages, ou la possibilité, pour les cadres, de « refuser de faire un acte qui peut les envoyer en prison ».

S'il devait subsister un doute sur la nécessité de prendre en compte rapidement le stress des cadres, l'enquête relève que 44 % d'entre eux souhaitent quitter leur entreprise pour cette raison.

Cadre lambda cherche modèle

Avant, tout était simple, le cadre travaillait pour sa carrière et pour produire de la richesse. Il s'identifiait à l'entreprise et à la figure tutélaire de son patron. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, comme le montre l'étude sur les "modèles d'identification des cadres", réalisée par Médiascopie pour le compte de la CGC.

Les résultats montrent que, si le cadre se représente toujours comme un producteur de richesse, il estime aussi devoir réussir dans sa vie privée (éducation des enfants, famille...). « Le cadre cherche à concilier au mieux les éléments du modèle masculin traditionnel et les éléments d'un modèle féminin plus récent », notent les auteurs.

Absorbé par cette recherche individuelle mais aussi conscient que « l'entreprise a changé sous la pression d'actionnaires qui en sont les vrais dirigeants, mais qui ne souhaitent pas sa pérennité », le cadre, "devenu un produit", ne s'identifie plus à elle. De même qu'il ne s'identifie plus aux grands patrons qui ont perdu cette « parole d'influence [...] tant ils ont été décrédibilisés par l'actualité récente et alors que le pouvoir est désormais davantage entre les mains des actionnaires que dans celles des dirigeants de groupe ». Le cadre est ainsi devenu « prosaïque ».