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Arc International rattrapé par la Loi de modernisation sociale

SANS | publié le : 15.10.2002 |

Arc International, premier employeur du Nord-Pas-de-Calais, a dû mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi pour poursuivre sa politique de reclassements internes.

L'incroyable rumeur courait l'été dernier dans les environs de Saint-Omer (Pas-de-Calais). Arc International, leader mondial des arts de la table, et premier employeur privé de la région, allait procéder à 7 000 licenciements sur les 12 000 salariés du Pas-de-Calais ! « Ces bruits sont nés à l'extérieur de l'entreprise, affirme Marie-Claudine Debuire, directrice des ressources humaines d'Arc International. Nous avons invité 200 élus, en juillet dernier, pour apporter un démenti. Mais cela n'a fait qu'amplifier la rumeur. »

Pratique ancienne

L'annonce d'un plan de sauvegarde de l'emploi, le mois suivant, achève de la répandre. Certains veulent voir, dans ces mesures, la fin de la sécurité de l'emploi que le patriarche, Jacques Durand, avait garantie au sein de la verrerie. « Il s'agit simplement de régulariser une pratique ancienne dans l'entreprise, rétorque Marie-Claudine Debuire. Depuis toujours, nous adaptons le personnel à nos besoins par le biais de mobilités internes. C'est ce qui nous a permis d'être toujours très réactifs. » L'été dernier, l'entreprise s'apprête ainsi à modifier les affectations de 180 salariés : de nouveaux produits demandent plus de personnel dans les ateliers de production et à l'emballage, alors qu'au même moment, la maintenance des fours nécessite moins de bras.

Plan de sauvegarde nécessaire

Ces mouvements internes n'échappent pas à l'inspection du travail, qui demande la régularisation du cadre de ces mutations. En effet, jusqu'en décembre, 180 personnes seront mutées provisoirement. Puis, en fonction du nombre de départs de salariés âgés, dans le cadre du dispositif de cessation d'activité anticipée de certains travailleurs salariés (CATS), 73 personnes, au maximum, pourraient être mutées définitivement. Or, si le salaire habituel est garanti pour une mutation provisoire, ce n'est pas le cas pour une mutation définitive. Cette modification de leur contrat de travail peut être refusée par les salariés concernés, qui bénéficient, alors, d'un licenciement économique. D'où la nécessité, pour la direction, de mettre en place un plan de sauvegarde, prévoyant des mesures d'accompagnement à la mobilité : aide à la formation, période d'adaptation...

Les 15 représentants syndicaux, s'appuyant sur une expertise commandée par le CE, avaient accepté la nécessité des mutations. Mais le CE, réuni le 10 octobre dernier pour examiner le projet détaillé, a donné un avis défavorable en découvrant l'absence de garantie des salaires pour les transferts définitifs. L'entreprise s'est alors engagée à ce que le personnel concerné retrouve son salaire actuel dans les cinq ans.

Syndicats soupçonneux

« Nous n'avons pas l'intention de licencier », répète-t-on au service des ressources humaines. Mais le plan de sauvegarde intervient au moment où Arc International connaît des difficultés. Le chiffre d'affaires (1,5 milliard d'euros) ne cesse de baisser depuis 1999. Le marché occidental est saturé. Le groupe a annoncé, voilà un an, l'ouverture d'une unité de production à Nankin, en Chine. Arc International espère ainsi infiltrer des marchés à fort potentiel, tout en tirant parti du faible coût du travail sur place. Une installation interprétée par certains comme une « délocalisation ».

« Le personnel s'inquiète des évolutions de l'entreprise, analyse Olivier Cheidler, représentant CGT au comité d'entreprise. La direction a du mal à sortir de ses contradictions. Elle affiche sa volonté de ne pas licencier, mais réunit toutes les conditions pour le faire. Nous sommes tous très soupçonneux. » L'arrivée d'un nouveau directeur général, le 23 août dernier, le non-renouvellement de 750 CDD, l'an passé, ont également alimenté une certaine tension, que certains n'hésitent pas à attribuer au décès de Jacques Durand, en 1997. « Pourtant, nous le savons, Jacques Durand n'aurait pas pu agir autrement », assure Marie-Claudine Debuire, dans l'entreprise depuis trente-deux ans.

Soixante-dix ans de paternalisme

Tant que Jacques Durand régnait sur la Verrerie Cristallerie d'Arc, de 1927 à 1997, aucun licenciement n'a jamais menacé les salariés. La dernière grève de l'usine remonte à février 1937. Ce patron, très apprécié, a fait construire, pour ses employés, des équipements sportifs, des écoles, des ateliers d'insertion pour jeunes en difficulté. Des générations d'ouvriers se sont succédé autour des fours. Depuis 1997, Philippe Durand, son fils, préside le directoire de l'entreprise, qui reste familiale à 100 %.

Devenu Arc International, en 2000, le groupe, implanté aux Etats-Unis, en Espagne, en Italie, et bientôt en Chine, compte 16 000 personnes dans le monde, dont 11 600 dans la région Nord-Pas-de-Calais.