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L'accord divise encore les syndicats

SANS | publié le : 17.09.2002 |

Si l'accord sur les 35 heures, signé en avril 2001 et définitivement validé en juillet dernier, semble s'appliquer dans le calme, les syndicats gardent toujours un souvenir cuisant de la période des négociations.

Un an et demi après, la plaie ouverte par l'accord sur les 35 heures chez Michelin n'est toujours pas refermée. « Cassure » et « rupture » sont les mots qui reviennent dans la bouche des syndicats pour décrire ce moment de la vie de l'entreprise. Pourtant, début 2000, les négociations qui s'ouvrent semblent placées sous des auspices favorables.

Un accord à tout prix

Le fabricant de pneumatiques doit faire oublier tout à la fois l'effet désastreux produit, quelques mois plus tôt, par l'annonce simultanée de bénéfices en hausse et d'un plan social, des années de paternalisme auxquelles Edouard Michelin tente de tourner le dos, et sa place de dernière grande entreprise à n'avoir pas signé d'accord 35 heures. « La direction voulait à tout prix un accord », se souvient Zakir Ali Mandjee, secrétaire du syndicat national Sud chez Michelin, à l'époque à la CFDT.

Mais, en novembre 2000, les négociations capotent. Les revendications de la CGT (majoritaire) et de FO, sur les jours de repos supplémentaires et le nombre d'embauches, sont incompatibles avec les propositions de la direction. Surtout, la CFDT, deuxième syndicat, est divisée. La majorité des militants, des adhérents et même des négociateurs s'opposent à la signature. C'est alors que la Fédération chimie-énergie (FCE) CFDT entre en scène. Sans tenir compte de la base, elle envoie, le 22 décembre, un courrier à la direction, lui demandant d'organiser un référendum. S'il passe, l'accord aussi, et, avec lui, les quelque 150 millions de francs d'allégements de charges sociales prévus par les lois Aubry.

Une véritable crise

C'est un séisme. Le 5 janvier 2001, le syndicat CFDT de Michelin demande la démission de Jacques Kheliff, secrétaire général de la FCE. Dans la foulée, les opposants rendent leur carte et créent, le 23 janvier, un syndicat Sud. Alors que l'ambiance se dégrade dans les ateliers, Jean Barrat, porte-parole du groupe de négociation CFDT, est violemment pris à partie au cours d'une manifestation.

La CGT crie au coup de force, au motif que le référendum n'a pas été demandé par un membre du personnel, mais directement par la FCE. Le référendum se tient, finalement, le 29 mars 2001 et le « oui » l'emporte à près de 60 %. L'accord est signé, le 3 avril, par la seule CFDT. Les recours de la CGT devant la justice ne feront que retarder sa validation définitive, intervenue en juillet dernier.

Un an et demi après la signature de l'accord, l'indignation des non-signataires est toujours à son comble. « Des droits acquis, comme les quatre jours d'ancienneté ou les pauses casse-croûte, ont été intégrés à l'accord. Et les travailleurs postés doivent travailler 217 jours, contre 212 pour les non postés », constate François Boisset, délégué syndical central CGT.

Les jeunes contre les anciens

« Cet accord oppose également les jeunes, qui n'avaient pas intérêt à voter pour, aux anciens qui souhaitaient bénéficier de la cessation anticipée d'activité qui lui était liée », renchérit Zakir Ali Mandjee. Sans compter la quinzaine de samedis travaillés par an, que les non-signataires considèrent comme une régression.

La direction, elle, met en avant les 8 à 15 jours de congés supplémentaires, les 1 000 embauches et la hausse des salaires. « Il n'y a pas eu de mouvements sociaux depuis l'accord, je crois que les salariés ont vu ses incidences positives. Si un référendum se tenait maintenant, l'accord recueillerait les mêmes suffrages, voire plus », avance Yves Blanchet, directeur des relations sociales. Il rappelle également les accords sur les cessations anticipées d'activité, l'intéressement, les préretraites progressives, la participation, les salaires, les minima garantis ou l'actionnariat, conclus depuis celui sur les 35 heures, ou encore les négociations qui s'engagent sur le droit syndical, preuves, selon lui, de la densité du dialogue social. Tous, cependant, tombent d'accord sur un point : il faudra du temps pour faire disparaître les séquelles de l'accord sur les 35 heures.

MICHELIN

Chiffre d'affaires : 15,775 milliards d'euros en 2001.

Implantations : 80 sites de production dans 18 pays.

Effectifs : 130 000 salariés dont 26 100 en France.

Un paysage syndical bouleversé

Quoique signataire, la CFDT de Michelin est la grande perdante de l'accord sur les 35 heures. Pour marquer leur désaccord avec la ligne réformiste de la FCE, environ 70 % des militants et 50 % des adhérents ont rendu leur carte, selon Jean Barrat. La majorité des démissionnaires a monté un syndicat Sud. Aux élections qui ont suivi immédiatement l'accord, Sud a obtenu 21 % des voix dans le collège des ouvriers et des employés au CE de Clermont-Ferrand, derrière la CGT, et 37 % dans le collège des techniciens, derrière la CFDT. Au final, Sud est devenu la deuxième force syndicale de Michelin, devant la CFDT.

La CGT demeure le syndicat majoritaire, mais ses multiples recours contre l'accord 35 heures lui ont aliéné ceux qui étaient favorables au volet sur la cessation anticipée d'activité. Elle a ainsi perdu 17 % à Bourges. Elle persiste sur une ligne dure et n'a signé aucun des accords nationaux intervenus depuis celui sur les 35 heures.