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Pour voir l'entreprise en peinture

SANS | publié le : 23.07.2002 |

A HEC, les gourous du management ne s'appellent plus Peter Drucker ou Henry Mintzberg, mais Véronèse, Bacon, Picasso et Manet... Ces peintres ayant, en commun, une approche visionnaire, capable de séduire les dirigeants en quête de nouveaux modèles.

A première vue, l'exercice s'avère ambitieux, sinon périlleux. Mettre le talent de Picasso, Manet, Véronèse, ou encore Bacon au service du management des entreprises relève des liaisons dangereuses entre art et gestion. C'est pourtant le parti pris du très sérieux Institut des dirigeants HEC-CPA (Cen- tre de perfectionnement des affaires), qui a décidé de réunir, sous une même bannière, ces deux thèmes a priori antinomiques.

Libérer la créativité

Cet atelier "Art-Créativité", lancé il y a un an, a pour objectif de sortir de la pensée unique de l'entreprise et de libérer la créativité et l'initiative. Mais en quoi Les demoiselles d'Avignon, tableau précurseur du cubisme, donne à comprendre le travail d'un cadre dirigeant au quotidien ? Comment Le portrait d'innocent X, du sulfureux Francis Bacon, inspiré de celui de Vélasquez, reflète-t-il les non-dits dans l'entreprise ? Faut-il crier au détournement d'oeuvre, à l'OPA artistique ?

Pareil concept pourrait désarçonner les puristes, ef- frayés par ces comparaisons désarmantes de clichés, sans prise directe avec la poésie ou la sensualité. Car à HEC, l'art pour l'art n'existe pas. Tout le défi de l'Institut se trouve justement à cette frontière, en tentant de dire ce qui n'a jamais été dit dans les cours d'histoire de l'art ou dans les ateliers d'artistes.

Les séances, animées à la fois par une historienne de l'art et une consultante en management, tentent de donner différentes grilles de lecture. Les oeuvres y sont décortiquées pour être transposées à l'univers professionnel.

Décloisonner les approches

Quel bénéfice retire-t-on de la participation à ce genre d'atelier ? « Ce qui est intéressant ici, affirme Hervé Guénard, directeur général du groupe Mornay, ce n'est pas le tableau lui-même, c'est l'oeuvre dans son environnement, sa filiation et son contexte historique. Cette démarche permet de mettre à jour des connexions ignorées jusqu'ici, de décloisonner les approches pour apporter plus de fluidité et d'efficacité. Si cette nouvelle manière de penser n'induit pas un changement de comportement immédiat dans la manière d'exercer ma fonction, je pense qu'à plus long terme, elle peut me permettre de changer mon angle de vision. ».

Une position que ne dément pas Béatrice Cosset, responsable de l'Institut de management à Air-France formation : « Le détour par l'art sert à comprendre ce qu'est le changement, la stabilité, voire la provocation. Au fond, qu'est-ce qu'une oeuvre d'art si ce n'est justement cette part d'innovation ? »

Patron-peintre visionnaire

Patron-peintre visionnaire, cette métaphore plaît. Car les 50 participants de l'atelier, responsables de ressources humaines, directeurs généraux, Pdg, consultants, n'oublient pas de se poser les "vraies questions" : le leadership, la réflexion stratégique, le pilotage du changement, les méthodes pour libérer la créativité dans l'entreprise.

Le coût pourrait être dissuasif : 800 euros le cycle complet (cinq séances). Eh bien non ! L'atelier a remporté un tel succès que l'Institut a d'ailleurs décidé de s'ouvrir, l'année prochaine, à la musique, à l'architecture et au design. Mais personne n'a encore pris son chevalet pour croquer la situation de son entreprise.