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QUE SONT DEVENUS LES LICENCIES ?

SANS | publié le : 21.05.2002 |

Si, sous la pression des juges et du législateur, les plans sociaux se sont professionnalisés, le retour des salariés licenciés dans le monde du travail reste problématique. Trois ans, cinq ans après un plan social, que sont les salariés devenus ? De Vilvorde à la Basse-Normandie, en passant par Bataville, retour sur des reclassements plus ou moins efficaces.

Ils sont caristes, magasiniers, gardiens de parking ou agents de maintenance. A 50-52 ans, ils pensaient terminer leur carrière chez Alstom, à Belfort, où la plupart exerçaient le métier de technicien. Mais les restructurations en ont décidé autrement. Licenciés puis reclassés, ils ont dû se résoudre à prendre un autre emploi, souvent dans un autre secteur, "par défaut", moins qualifié et surtout, beaucoup moins valorisant. Les promesses de réinsertion ? « La direction nous a menti, accuse Gérard Belot, délégué FO de l'entreprise. A l'annonce du plan social, en 1999, Alstom s'engageait à proposer à tous les salariés licenciés un CDI en rapport avec leurs compétences, leur salaire ou leur région, avant d'entamer toute procédure de licenciement. » Or, aujourd'hui, seuls 80 d'entre eux ont effectivement été reclassés et 137 personnes, dont la majorité sont âgées de plus de 50 ans, n'ont encore aucune solution.

Maigre bilan

Chez Epéda, deux ans après la fermeture des usines de Mer (Loir-et-Cher) et de la Charité-sur- Loire (Nièvre), le choc n'est pas totalement digéré. La plupart des reclassements se font en CDD et en intérim.

Chez Myrys, le bilan de la cellule emploi est également maigre, loin des 80 % de reclassements promis : 21 CDI sur 139 salariés. Et que dire des Marks & Spencer ? De Cellatex ? Que deviennent les "Lu" de Da- none ? Les "filles" de Levi Strauss ?

Après un plan social, la réintégration dans le monde du travail est parfois chaotique. Les OVE, "Offres valables d'emploi", inscrites au cahier des charges des cabinets de reclassement se métamorphosent en "solutions identifiées", un vocable vague englobant à la fois CDI, CDD de plus de six mois, création d'entreprise, formation longue, ou encore "projet de vie" (retour au foyer) et préretraite. Puis, l'antenne-emploi ferme et aucun suivi n'est mené. Mais combien retrouvent un emploi à hauteur de leurs aspirations ?

Problématique à long terme

Si, sous la pression des juges et du législateur, les plans sociaux se sont professionnalisés, le reclassement des salariés, quelques années après les négociations, reste toujours problématique. La crise laisse des traces et le retour à la vie professionnelle se révèle difficile.

Le piège des "chèques valises"

En 2000, environ 100 000 personnes ont bénéficié d'une mesure de reclassement (convention de conversion, congé de conversion, antenne emploi) financée par l'Etat, selon le ministère du Travail (1). Or, malgré le soutien des cellules de reclassement, seules 28 % ont pu décrocher un CDI, 18 % un CDD et 9 % se sont orientées vers l'intérim.

Résultats médiocres ? L'efficacité d'un reclassement tient également à plusieurs facteurs extérieurs à l'antenne : la qualification des licenciés, leur âge et leur niveau d'expérience, ainsi que le dynamisme du bassin d'emploi. « On ne peut pas inventer des emplois qui n'existent pas », plaide Jean-Marie Morenne, consultant senior chez DBM, cabinet qui développe, depuis un an et demi, l'outplacement collectif. Les cabinets d'outplacement mettent également en cause les fameux "chèques valises", ces pactoles providentiels qui peuvent représenter plusieurs années de salaire mais qui freinent le bon déroulement d'un retour à l'emploi.

« Dans la plupart des négociations, indique Yasmine Tarasewicz, partner chez Proskauer Rose, les syndicats, hormis la CFDT, se préoccupent davantage des indemnités de départ plutôt que des reclassements. »

Responsabilité de la DRH

Les directions des ressources humaines ont aussi leur part de responsabilité, en fonction de la culture RH distillée au sein de la société. Car si le reclassement est, aujourd'hui, le maître mot, il ne faut pas oublier la prévention. « Si la personne est immédiatement employable, bien formée, polyvalente et adaptée à son métier, c'est clair, la reconversion se passe beaucoup mieux », soutient Myriam Beque, directrice d'Hommes et Territoires (nouvelle division de la Sodie). Mais que dire des salariés qui ont passé vingt ans à exercer la même tâche sur les mêmes lignes de production ?

L'affaire de tous

En clair, le reclassement est l'affaire de tous. Du candidat aux partenaires sociaux, en passant par les cabinets d'outplacement et l'entreprise, mais aussi les services publics de l'emploi et les collectivités locales. « Là où ça marche, résume Bernard Brunhes, directeur du cabinet du même nom, invité au colloque du Cidem consacré aux restructurations (2), qui a étudié vingt cas de sinistres industriels dans les pays de la Communauté européenne, c'est lorsque l'on a réussi à mettre autour de la table ces différents acteurs. »

C'est ce cocktail détonnant qui a permis, par exemple, aux 1 000 salariés des Chantiers navals du Havre de se reclasser. Confiée à la Sodie, filiale du groupe Usinor spécialisée dans la reconversion industrielle, le cabinet avait également en charge la création de 1 000 emplois en trois ans dans le tissu local des PME-PMI.

C'est le cas également de la reconversion réussie de Chausson, filiale de Renault et Peugeot, qui avait fermé ses portes définitivement, après trois plans sociaux, des grèves à répétition et l'intervention des pouvoirs publics.

Amputée de son volet anti-licenciement, la loi de modernisation sociale, de janvier dernier, a toutefois tenté d'amortir le choc des licenciements en imposant, outre une commission de suivi, un congé de reclassement de « quatre à neuf mois » pour aider les salariés à se reclasser, sans rupture du contrat de travail. Pas suffisant, rétorquent cependant certains observateurs, qui n'hésitent pas à militer, au-delà de l'obligation de moyens (mesures du plan de sauvegarde pour l'emploi), pour une obligation de résultats.

Plus qu'une simple injonction

« Si l'on veut que les directions d'entreprise portent un intérêt au reclassement, il faut plus qu'une simple injonction, soutient Frédéric Bruggeman, consultant chez Syndex, cabinet d'experts-comptables intervenant pour les comités d'entreprise. Aujourd'hui, nous nous trouvons sans bilan d'ensemble. Ce qui frappe dans les plans sociaux ? On met des moyens, on a un budget, mais ça donne quoi ? » Difficile, en effet, d'établir des statistiques fiables sur la reconversion des salariés. Peu d'entreprises souhaitent revenir sur le passé. Pourquoi, d'ailleurs, se préoccuper des ex-salariés qui ne font plus partie de l'effectif de la société ?

(1) Les dispositifs d'accompagnement des restructurations en 2000 , premières synthèses, Dares, nov. 2001.

(2) "Restructurations douces ou brutales : quelle marge de manoeuvre ?", colloque organisé par le Centre interactif du développement des entreprises (Cidem), en mars dernier.

L'essentiel

1 Après un plan social, la réintégration dans le monde du travail est parfois chaotique. Les OVE, " Offres valables d'emploi ", inscrites au cahier des charges des cabinets de reclassement, se métamorphosent en "solutions identifiées".

2 Les directions des ressources humaines ont aussi leur part de responsabilité, en fonction de la culture RH distillée au sein de la société.

3 Le reclassement est l'affaire de tous. Du candidat aux partenaires sociaux en passant par les cabinets d'outplacement et l'entreprise mais aussi des services publics de l'emploi et des collectivités locales.

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