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Les aides publiques sont- elles vraiment sous contrôle ?

SANS | publié le : 30.04.2002 |

Les salariés sont de plus en plus nombreux à dénoncer ces entreprises qui licencient tout en bénéficiant d'aides publiques. Un nouvel arsenal législatif, renforçant le contrôle, devrait introduire davantage de sévérité.

Une entreprise peut-elle être contrainte à rembourser les aides publiques qu'elle a perçues lorsqu'elle engage un plan social ? Aucun texte ne le prévoit, au grand dam des représentants syndicaux des salariés licenciés. « A Marseille, la direction de Gemplus, qui va supprimer 416 emplois en France, bénéfice dans le même temps du soutien du ministère de l'Industrie et de la Recherche pour la construction du nouveau site de R & D à La Ciotat, à hauteur de plusieurs dizaines de millions d'euros, sans qu'on arrive à savoir exactement combien, s'exclame Dominique Blanc, délégué syndical de l'union régionale FO de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Sans parler des 17 millions d'euros touchés au titre d'avances remboursables qui ne le seront certainement jamais, et de dix ans d'exonération de taxes foncières et professionnelles chiffrées, au minimum, à un million d'euros ! » Les régimes d'aides sont, en théorie, strictement encadrés. « D'une manière générale, le versement des aides est soumis à des conditions de réalisation d'investissements et de créations d'emploi, selon un calendrier préétabli, explique Mathieu Bonnet, chef de la division développement industriel de la Drire de Provence-Alpes-Côte d'Azur. En bref, l'argent n'est définitivement acquis qu'au vu des résultats. » Les emplois dont la création a été aidée doivent, par exemple, être maintenus pendant la durée définie par la convention d'attribution de l'aide, sous peine que l'entreprise rembourse la somme perçue.

Manque de transparence

Plusieurs administrations sont habilitées à contrôler l'utilisation des fonds publics, comme le Parlement, la Cour des comptes et les Chambres régionales des comptes qui ont, le cas échéant, le pouvoir de sanctionner le non-respect des engagements en exigeant le remboursement des aides perçues. Mais aucun organisme n'effectue la synthèse des travaux effectués, ni n'évalue l'impact de ces fonds sur l'emploi et la formation. Et le recouvrement des subventions indûment versées souffre d'un manque de transparence. « J'ai commencé à m'intéresser à la question quand je me suis rendu compte que mon entreprise, le Laboratoire aéronautique de Bretagne (LAB), près de Dinard, avait bénéficié d'aides à la création d'emplois alors que cette filiale de TAT en était à son deuxième plan social, explique Jacques Huet, délégué syndical CFDT de LAB. J'ai enquêté et constaté que certaines entreprises suppriment leur activité dans une région, après avoir perçu des aides publiques, et se réinstallent dans une autre où elles parviennent à se faire réallouer la même aide. D'autres font des transferts entre deux filiales pour des créations de poste : TAT, par exemple, a fermé deux sociétés sur le site de Dinard, en 1991, et fait émerger une nouvelle filiale, Hydrep, avec 67 créations d'emploi annoncées. Nous avons découvert que 45 d'entre elles n'étaient que des transferts. Mais les informations sont très difficiles à obtenir, tant auprès des entreprises que des ministères et des collectivités locales. C'est une véritable jungle. »

Espoirs

Jacques Huet, comme d'autres, place aujourd'hui une partie de ses espoirs dans la loi du 4 janvier 2001. Dite loi Hue, celle-ci renforce l'intervention des représentants du personnel. Tout comité d'entreprise ou, à défaut, un délégué du personnel, pourra saisir l'organisme gestionnaire d'aides ou l'autorité compétente « lorsqu'il estime que l'employeur ne respecte pas les engagements souscrits pour bénéficier des aides ». L'organisme pourra décider de suspendre l'aide, de retirer l'aide accordée ou d'en exiger le remboursement, notamment en fonction de "l'évolution de l'emploi dans l'entreprise". Un plan social sera-t-il susceptible de motiver de telles sanctions ? Difficile à dire pour l'heure.

Loi Hue

La loi Hue crée une commission nationale des aides publiques aux entreprises, mise en place le 31 janvier dernier. Le rôle de cette commission est « d'évaluer les impacts économiques et sociaux, qualitatifs et quantitatifs, et de contrôler l'utilisation des aides publiques, de toute nature, accordées aux entreprises par l'Etat, les collectivités locales et leurs établissements publics, afin d'en améliorer l'efficacité pour l'emploi, la formation professionnelle et les équilibres territoriaux ».

Composée de députés, de sénateurs, de syndicalistes, de représentants des organisations patronales et de l'Etat, ainsi que de personnalités qualifiées, elle sera épaulée par des commissions régionales coprésidées par le préfet et le président du conseil régional, et pourra exiger toute l'information nécessaire des organismes gestionnaires d'aides ou autres autorités compétentes. Reste à voir le rôle que ces commissions joueront réellement.

« La vocation de cette commission est encore incertaine, estime Jean-Pierre Bompard, secrétaire confédéral CFDT. Je constate au niveau de sa composition un mélange des genres entre politique, social, experts. Elle n'est, par ailleurs, pas censée se substituer aux autorités de contrôle existantes, ni à l'Etat, ni aux partenaires sociaux. Quelle va être sa place ? Tout est encore très flou. »