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Le conflit rebondit

SANS | publié le : 30.04.2002 |

Deux ans après la fermeture d'Epéda, à Mer (Loir-et-Cher) et à la Charité- sur-Loire (Nièvre), le choc n'est pas totalement digéré. Le bilan des reclassements est mitigé et la bataille se poursuit devant les prud'hommes.

Les licenciements d'Epéda étaient-ils dépourvus de "cause réelle et sérieuse" ?Pour les prud'hommes de Blois, la réponse est oui. Le 29 janvier dernier, ils ont condamné la Compagnie des matelas Epéda et Mérinos à verser des dommages et intérêts à la plupart des 293 anciens salariés de l'usine de Mer. S'ils ne contestent pas la réalité économique du plan social, les conseillers estiment que « le groupe n'a pas attendu les effets de tout ce qu'il a mis en oeuvre afin de garder le site de production et sauver des emplois ».

La situation a été, en revanche, appréciée différemment à la Charité-sur- Loire. Le 15 avril, le juge départiteur des prud'hommes de Nevers a affirmé qu'il n'appartient pas au juge, « d'apprécier les choix économiques qui ont conduit l'employeur à engager une procédure de licenciement pour motif économique, ni de porter un jugement sur la gestion de la société, dès lors que la réalité des difficultés économiques rencontrées par la Compagnie des matelas » n'est ni contestable, ni contestée.

Litige social

L'affaire n'en restera pas là. Les nouveaux actionnaires, le belge Recitel et l'espagnol Pilin, qui ont racheté l'activité de Slumberland au groupe Valora (ex-propriétaire de la Compagnie des matelas), en mars 2001, se trouvent, aujourd'hui, face à un litige social. Le groupe belge Recticel a déjà fait appel de la décision de Blois : « Elle est disproportionnée », estime Jan de Moor, responsable des ressources humaines de Recitel. Les dommages-intérêts s'élèvent à plus de 6 millions d'euros, soit six mois de salaire et un tiers de mois par année de présence - une moyenne de 15 000 à 25 000 euros par salarié -, auxquels il faut ajouter le remboursement aux Assedics d'indemnités de chômage dans la limite de deux mois par salarié.

Incompréhension

A la Charité-sur-Loire, syndicats et salariés ont décidé « d'aller en appel », annonce Bernard Dubresson, secrétaire général de l'union départementale de la CGT : « Les salariés ont ressenti de l'incompréhension face à deux décisions contradictoires et de la colère, car le juge n'a retenu aucune argumentation de leur avocat. » A savoir, la mise en difficulté du pôle de production orchestrée par Slumberland France et « les promesses non tenues du plan social ». Aujourd'hui, les plaies sont loin d'être refermées. Même la générosité du plan social, mise en avant par la Compagnie des matelas, ne trouve pas grâce aux yeux des salariés. Doté de "45 738 euros par personne", il allait au-delà des obligations légales : complément aux congés de conversion, indemnité complémentaire de préjudice, prolongation de l'antenne emploi gérée par Altédia jusqu'à la fin 2001... L'autre pilier du plan social - la "réindustrialisation en profondeur" des deux sites, accompagnée par BPI - s'est appuyé sur la recherche de repreneurs (Générale de logistique pour Mer, trois PME pour la Charité-sur-Loire) et la "dynamisation des bassins d'emplois" via l'octroi de prêts à taux zéro à des entreprises locales. Là aussi, les syndicats considèrent que les « promesses d'emplois » ne profitent guère aux anciens d'Epéda. Le juge de Nevers leur rappelle que la Compagnie des matelas n'est tenue qu'à « une obligation de moyens dans ce domaine ».

Reclassement

Selon Philippe Lacarrière, directeur général de la Compagnie des matelas, près de 90 % des salariés licenciés sont reclassés. Dans son calcul, la société intègre aux CDI et aux mutations internes (153 personnes sur les 428 salariés des deux sites) les retraités et préretraités, les personnes ayant fait "le choix de ne pas retravailler", les maladies, les formations et conversions, et les CDD. « Un bon reclassement, c'est un emploi en CDI », rétorque Jean-Claude Laboureau, ancien secrétaire FO du comité d'entreprise de la Charité. « Les compensations de salaires arrivent à terme et la région traverse une crise de l'emploi. Mer est une ville sinistrée », souligne Pascal Boutron, de l'Union locale de la CGT.