Qu'est-ce que nous proposons à nos salariés en matière de knowledge management ? » C'est la question que la direction générale de Valeo pose, un beau jour d'été 1999, à Louis-Michel Lamy, le "monsieur" nouvelles technologies de l'équipementier automobile.

Si, à cette époque, il n'existe aucun projet global en matière de gestion des connaissances, Louis-Michel Lamy s'aperçoit très rapidement que le KM est, en fait, une pratique courante dans l'entreprise. Seul problème : la taille de Valeo - 70 000 sala- riés répartis dans 25 pays, 11 branches d'activités, 143 usines, 53 centres de recherche et développement, 10 centres de distribution -, ainsi que son organisation très décentralisée, font que les initiatives locales ont poussé comme des champignons, sans véritable cohérence.

Après une première investigation, Louis-Michel Lamy recense ainsi quelque 1 200 applications relatives au KM, toutes configurées dans des bases Notes. Le diagnostic est sans appel : les informations perdent de leur cohérence et c'est toute la mémoire de Valeo qui est en péril. « Nous n'avions pas de vision claire sur le contenu de ces bases. De plus, chacun collectait le savoir dans son milieu. En l'absence de coordination sur ce partage, on pouvait craindre que l'information devienne contradictoire et qu'elle ne soit plus du tout garantie par la marque Valeo », soulève Louis-Michel Lamy. Fervent partisan de la standardisation, l'équipementier s'engage alors dans une refonte totale de ses pratiques de KM.

Baptisé Valeo Collective Memory (VCM), son projet vise les 25 000 possesseurs de PC dans l'entreprise et entend, à court terme, assurer une diffusion cohérente des savoirs, des best practices et des informations relatives à l'entreprise, le tout en fonction des types d'utilisateurs. VCM ne doit pas pour autant étouffer les initiatives locales. « Au contraire, celles-ci se retrouvent valorisées », insiste Louis-Michel Lamy.

Autre objectif : favoriser l'intégration des nouveaux embauchés, notamment dans le cadre des opérations de croissance externe que mène régulièrement l'industriel.

A terme, il est aussi question de doper la qualité de service de l'entreprise. « Nous voulons démontrer à nos clients que nous sommes capables de proposer un service identique partout dans le monde », indique Louis-Michel Lamy. Enfin, la constitution de cette boîte à savoirs doit améliorer le cycle d'élaboration des nouveaux produits.

Pour la mise en place de VCM, Valeo est épaulé par IBM, chargé de rédiger les spécifications techniques, et par Nemesia, société spécialisée dans le conseil en gestion des connaissances. Techniquement, Valeo fait le choix de Notes comme infrastructure de partage. Plusieurs raisons motivent cette décision. Tout d'abord, l'équipementier dispose déjà de serveurs avec ce logiciel, ce qui lui évite de repayer le prix des licences. De plus, la sécurisation du système - un utilisateur/un identifiant - s'en trouve renforcée. « Lotus nous permet aussi de dialoguer avec nos fournisseurs. Lesquels peuvent formuler des suggestions sur des améliorations techniques, ce qui, à mon sens, entre dans le cadre du KM. »

En interne, Valeo s'appuie sur des VCM leaders, des salariés qui sont les ambassadeurs du projet en même temps que les garants de la qualité. Parallèlement, des personnes assument, en plus de leur activité professionnelle habituelle, la fonction de content manager, en charge des contenus des bases et de l'organisation des workflows.

Opérationnel depuis mars 2001 dans la branche "refroidissement moteur", VCM intéresse aujourd'hui l'ensemble du personnel concerné. Montant total de l'opération : 1,5 million d'euros, sans compter les coûts annexes de développement liés aux extensions locales.

Une "pilule" bien difficile à faire avaler à la direction de Valeo. « Calculer la rentabilité à court terme d'un tel chantier est impossible », confirme Louis-Michel Lamy. Lequel a pourtant trouvé une parade. Dans le cadre d'une opération baptisée "mail efficiency", les initiateurs de VCM ont réussi à démontrer que le temps que consacre quotidiennement chaque salarié à sa messagerie diminuera de dix minutes. Sur une population de 25 000 salariés, Valeo est ainsi censé gagner plusieurs dizaines de millions d'euros.

Activité : fabrication et vente de composants pour l'industrie automobile.

Effectifs : 70 000 salariés répartis dans 25 pays.

Chiffre d'affaires : 9,13 milliards d'euros en 2000.