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FAUT-IL CROIRE AU KNOWLEDGE MANAGEMENT ?

SANS | publié le : 09.04.2002 |

Plébiscitée par les experts, la gestion des connaissances, ou knowledge management (KM), éprouve pourtant des difficultés à s'enraciner sur le terrain. Pourquoi cette méthode, dont on a tant vanté les mérites, est-elle si peu utilisée par les entreprises ?

Et si le knowledge management (KM) n'était qu'un artifice que les entreprises sortaient de leur chapeau, en période de crise, sans réflexion préalable ? Et si le KM n'était qu'un gadget, un outil dénué de pertinence mais qu'il est de bon ton de mettre en pratique ? Une chose est sûre : la gestion des connaissances, qui, depuis quelques années, suscite colloques, conférences et études, peine à décoller. « Sur le papier, tout le monde s'accorde sur le fait qu'il est important de partager les savoirs mais, finalement, peu d'entreprises franchissent le Rubicon », confirme Bruno Vincenti, consultant et responsable de l'offre KM chez Algoé. Pourquoi diable cette méthode de management dont on a tant vanté les mérites est-elle alors si peu utilisée par les entreprises ?

Barrières psychologiques

Selon Laurent Galle, DG de Trivium, la première des barrières est psychologique : « Les entreprises sont prises entre deux feux. Elles ont envie d'y aller, mais elles redoutent les conséquences que peut recouvrer une telle démarche sur les organisations. Elles ont aussi été échaudées par les solutions ERP qui se sont révélées lentes, coûteuses et fastidieuses à mettre en place. » A l'évidence, une entreprise souhaitant aborder le KM doit disposer d'un terreau propice à son implantation. « Une société qui entretient des baronnies, qui pratique la rétention d'informations, est d'ores et déjà hors course », affirme un consultant.

Autre problématique récurrente, celle liée à l'objectif même de l'initiative. Une étude réalisée par Andersen, l'an dernier, faisait ainsi apparaître que 75 % des projets de KM ne reposaient sur aucun indicateur opérationnel. Principale explication à cette absence de stratégie : une réflexion surtout centrée sur la technologie. « L'outil ne suffit pas si, en amont, vous n'apportez aucune valeur ajoutée », remarque Laurent Veybel, responsable du KM chez Andersen.

« Les orientations prises ont été conditionnées par la technique : d'abord, la puissance des bases de données et de la gestion documentaire a offert un formidable élan au traitement de données et d'informations, mais sans pour autant traiter la question des savoirs tacites », avance Patrick Storhaye, directeur de RHInfo et spécialiste des questions de KM. « La démocratisation des technologies issues de l'Internet, poursuit-il, a créé un espoir d'échanges. Cela n'a pas, pour autant, régler la question de la coopération. » L'omnipotence de la technologie, par ailleurs encouragée par les éditeurs de logiciels, mérite toutefois d'être nuancée. Selon les résultats d'un sondage, réalisé en juin dernier par RHInfo auprès de 350 décideurs, 4 % seulement estimaient qu'un projet de KM devait être piloté par les directions des systèmes d'informations, alors que 42 % pensaient que c'était, au contraire, un problème de DRH.

Retour sur investissement

Autre frein de taille à l'implantation du KM : son coût et ses perspectives de retour sur investissement (ROI). Au-delà des coûts cachés qu'induit le KM (procédure d'accompagnement technique et managériale), les ROI restent très difficiles à cerner, d'où la frilosité des directions générales ; 65 % des entreprises avouent ainsi leurs difficultés à mesurer et à valoriser les gains du KM. Un exemple ? L'équipementier Valeo (voir p. 18), qui n'a pourtant pas l'habitude de se lancer dans un projet sans en calculer les effets financiers, vient d'investir 1,5 million d'euros dans sa solution de gestion des connaissances, sans pouvoir dire combien elle lui rapportera. Cela dit, le partage des savoirs engendre, à terme, des gains de productivité grâce, notamment, à une meilleure circulation de l'information. L'entreprise peut aussi découvrir des débouchés qu'elle ignorait faute de disposer d'une photographie des compétences internes.

Levier d'innovation

Le knowledge management reste, en effet, un excellent levier d'innovation et de productivité, tout en étant le garant de la mémoire de l'entreprise. De nombreuses sociétés y font d'ailleurs appel depuis longtemps. Chez Usinor, les bons vieux "post-it" collés sur les machines par les opérateurs pour signaler les problèmes rencontrés ne relevaient-ils pas déjà du KM ? « S'il est vrai que cette technique éprouve des difficultés à s'enraciner, il n'en reste pas moins que les entreprises y réfléchissent de plus en plus, notamment parce qu'elles bénéficient de retours d'expériences », indique Laurent Veybel. Les errements du début laissent la place à des projets plus aboutis. Lesquels concernent surtout des communautés restreintes de professionnels.

Eviter de monter des usines à gaz

« L'important est de ne pas monter des usines à gaz et d'éviter tout discours dogmatique », plaide Daniel Atlan, DRH de l'unité recherche et développement d'Usinor. Eviter toute doctrine, c'est aussi le conseil de Jean-François Ballay, président du club gestion des connaissances chez EDF-GDF, une des entreprises pionnières en la matière. « Nous avons commencé à travailler sur le KM dès 1992, à partir d'un problème très concret intéressant le service matériel électrique. Il s'agissait de résoudre des dysfonctionnements liés à une mauvaise mise en commun des informations et des compétences. Peu à peu, le KM s'est propagé dans toute l'entreprise, laquelle s'est parallèlement dotée d'outils ad hoc (intranet). Mais les projets répondaient à une mosaïque de besoins et non à une philosophie générale. »

Anticiper les pertes de savoir

Pour de nombreuses entreprises, le KM est aussi un bon moyen d'anticiper les pertes de savoirs, une question ô combien d'actualité si l'on se réfère aux dernières prévisions de l'Apec, qui alertent sur une future pénurie de cadres. Instrument de fidélisation, la gestion des connaissances reste donc une affaire de DRH. La montée en puissance des modes de travail collaboratifs est aussi l'occasion pour la fonction RH de s'investir davantage dans cette conduite de changement.

L'essentiel

1 Des objectifs aux contours flous, des retours sur investissement compliqués à chiffrer et des projets faisant la part belle à la technologie sont les principaux freins à l'implantation du KM dans les entreprises.

2 Les premiers retours d'expérience montrent toutefois l'utilité de la gestion des connaissances. Elle favorise l'inno- vation et dope la productivité. Et permet également d'anticiper la perte des savoirs, à l'heure où une pénurie de cadres se profile.

3 C'est d'ailleurs cette problématique qui a poussé la SNCF à se lancer dans le KM. Quant à l'équipementier Valeo, il a investi 1,5 million d'euros pour se doter d'une gigantesque boîte à savoirs, censée améliorer la qualité de service.