logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

SANS

Les coûts cachés de la bascule à l'Euro(s)uro

SANS | publié le : 19.03.2002 |

Les logiciels de paie ont fait l'objet de toutes les attentions dans le cadre du passage à l'euro. Mais, aux coûts des solutions techniques proposées par les éditeurs s'est souvent ajoutée une infime augmentation des salaires pour assurer la stabilité des rémunérations.

L'euro n'est dans nos poches que depuis deux mois et demi, mais la majorité d'entre nous étaient rémunérés dans cette monnaie bien avant le 1er janvier 2002. De fait, pour la plupart des DRH, le passage à l'euro des bulletins de paie est déjà de l'histoire ancienne. Et s'est révélé être un non-événement pour les salariés. Il faut dire que les principaux éditeurs de logiciel de paie les ont sensibilisés à la bascule vers la monnaie unique depuis deux ans, voire plus. Chez Sage, les premières commissions internes destinées à prendre la mesure de la question datent de 1997. Et chez CCMX, c'est dès la fin 1998 que les premières méthodologies de migration à l'euro sont apparues. Loin du stress provoqué par le passage à l'an 2000, le chantier de l'euro a profité d'une souplesse du calendrier. Ainsi, chacun a pu organiser sa bascule à son rythme, au moment où il le souhaitait... à condition d'être fin prêt pour janvier 2002 !

Non-régression des salaires

Occupées par les négociations relatives à l'application des 35 heures, les entreprises ont pris leur temps pour faire migrer leurs logiciels de paie. Ainsi, seulement 11 % des clients de CCMX disposaient d'un logiciel de paie "euro-compatible" en septembre 2001... En règle générale, plus l'entreprise est grande, plus tôt a été abordée la question. Au Crédit Lyonnais, qui réalise 37 000 bulletins de salaire par mois et dispose d'une base historique de 60 000 salariés (retraités, ex-CDD, anciens stagiaires, etc.), on s'est préoccupé de la migration du logiciel de paie à la monnaie européenne dès juin 2000. Et pas moins de sept simulations de bascule ont été nécessaires pour valider les nouveaux paramétrages, pour une bascule effective en octobre 2001. « Il était hors de question de prendre le moindre risque sous peine d'avoir à signer 37 000 chèques fin janvier 2002 », confie Frédéric Mazet, responsable - à l'épo- que - de la bascule de la paie.

S'apparentant à une simple retranscription de l'existant, la migration à l'euro est en fait un vrai projet informatique qui comporte à la fois une partie "fonctionnelle" (analyse) et une partie "technique". La première consistait à identifier, parmi l'ensemble des constantes qui permettent d'établir le salaire, celles qui sont d'ordre monétaire et celles qui ne le sont pas (la valeur du point pour les fonctionnaires, par exemple).

Remise à plat

Ce long travail de paramétrage a parfois été mis à profit pour remettre à plat certaines règles de calcul, pour les simplifier ou pour redéfinir certains barèmes. La principale difficulté concernait les historiques de paie. Pour satisfaire à la loi française, qui oblige chaque entreprise à conserver les éléments dans la devise où ont été établies les pièces comptables (en cas de contrôle d'Urssaf, par exemple), les bases informatiques ont été archivées en francs. Mais, comme le souligne Bruno Aboukalil, ex-chef de projet euro chez Sage, pour pouvoir suivre l'évolution de leur masse salariale et établir certains calculs qui se font à partir de données antérieures (primes d'ancienneté, par exemple) ou qui se réfèrent à un cumul (congés payés), la majeure partie des entreprises souhaitaient disposer de données antérieures converties en euros..., ce qui supposait la conversion de toutes les anciennes données. « Cette rétroactivité des historiques a triplé le travail de bascule, car il fallait coller au franc près aux données précédentes », estime Stéphane Drouet, ex-responsable euro de l'une des trois agences de la division RH de Sopra Group. « Mais elle était indispensable pour assurer la continuité des logiciels, le calcul des rappels devant continuer à se faire indépendamment de la bascule moné- taire», renchérit Véronique Montamat, directeur marketing chez ce même éditeur.

Travail de fourmi

Or, à cause de la question des arrondis, il s'avère que la somme des conversions est rarement la conversion de la somme... D'où un travail de fourmi pour agrandir une zone afin d'y ajouter une décimale supplémentaire, ou encore pour redéfinir certaines règles de paie, valables pour les francs mais totalement inadaptées à l'euro. Ce fut notamment le cas des frais kilométriques, dont la conversion et les écarts d'arrondis pouvaient aboutir à d'importantes différences.

La plupart des entreprises ont fait appel à l'expertise des éditeurs pour bénéficier de la méthodologie que ces derniers avaient définie pour la bascule, voire des outils développés par ceux-ci pour automatiser la migration, et donc réduire la facture.

Deux journées d'intervention

Avec EuroPass ! Port, Sage limitait ainsi l'intervention des prestataires à une ou deux journées (facturées chacune entre 800 et 1 000 euros). Même logique chez CCMX qui limitait, en théorie, le coût de la bascule à deux jours de consulting (entre 1 000 et 1 200 euros). Logiquement, plus le nombre de salariés est important, plus la bascule a coûté cher. Pour les utilisateurs d'Arcole (Ares), la facture moyenne a atteint 5 % de la licence, soit 15 000 à 23 000 euros pour 500 à 600 salariés, et une intervention d'une semaine de l'éditeur, comme ce fut le cas à la Camif.

Pour des solutions plus lourdes (plus de 1 000 salariés), comme SAP HR, une moyenne de quarante jours d'intervention (à 1 000 euros) était nécessaire. Montants auxquels il faut ajouter la mobilisation interne du service de paie chargé de la maîtrise d'ouvrage.

Pour certains, ces frais sont justifiés. « Quand on décortique un logiciel de paie, on ne sait jamais sur quoi on va tomber », explique Michaël Masclet, responsable de la gestion des RH et du SIRH de l'Institut Pasteur.

Tarifs rarement négociés

Reste que les tarifs ont, de toute façon, rarement été négociés... « Les entreprises n'ont pas hésité à payer ce qui, finalement, les préservait de tout conflit social », rapporte le responsable de la paie d'une grande entreprise. Pour garantir cette paix sociale, les entreprises n'ont d'ailleurs pas hésité non plus à relever les salaires pour s'assurer de la non-dégressivité des rémunérations. Les petits ruisseaux faisant les grandes rivières, cette hausse infime a néanmoins pesé sur la masse salariale. Mais elle a également permis aux DRH d'économiser la mise en place d'une cellule d'information qui aurait sans doute été nécessaire au cas où les salariés auraient constaté une baisse de leur rémunération. Sage précaution qui se révèle être un calcul gagnant dans la mesure où l'interférence entre le passage à l'euro et la hausse de certaines charges ou cotisations a parfois suffi à submerger la DRH d'appels téléphoniques...

L'essentiel

1 Au Crédit Lyonnais, qui réalise 37 000 bulletins de salaire par mois, la réflexion sur la migration du logiciel de paie à l'euro a commencé en juin 2000.

2 Occupées par les 35 heures, les entreprises ont tardé à faire migrer leurs logiciels de paie.

3 Plus qu'une simple retranscription de l'existant, la migration à l'euro s'est révélée un vrai projet informatique avec, à la fois, une partie fonctionnelle et une grande partie technique.

4 Pour préserver la paix sociale, les entreprises n'ont pas hésité à relever les salaires pour s'assurer de la non-dégressivité des rémunérations.

La "fausse bonne" nouvelle de la comparaison des salaires

Depuis fin janvier, chaque salarié de l'Union européenne peut mesurer les écarts de rémunération entre pays par un simple coup d'oeil au bulletin de paie de son voisin... Mais comparaison n'est pas raison. « La comparaison des salaires bruts ou nets reste sujet à caution », prévient Raymond Hara, conseiller stratégique des RH de la SNCF. Celle-ci est en effet rendue difficile par la disparité des législations sociales et fiscales de chacun des pays. De fait, certaines cotisations sont propres à chaque Etat. Les règles parafiscales concernant les compléments de rémunération faussent également les calculs. La comparaison reste d'autant plus délicate que la différence du coût de la vie entre certains pays est grande. L'arrivée de l'euro représente néanmoins une première étape vers une uniformisation des règles de paie. On le voit au niveau de la TVA, l'harmonisation fiscale est en route », constate Florence Desprets, directrice marketing et commerciale de l'activité SIRH de CCMX. Laquelle estime que l'on se dirige vers la création d'un "tronc commun" de la paie européenne, auquel s'ajouteront des spécificités locales.