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Des salariés réintégrés, cinq ans après leur licenciement

SANS | publié le : 19.03.2002 |

En 1996, la direction d'Euridep avait fixé, seule, l'ordre du jour du comité central d'entreprise annonçant le plan social. Une procédure jugée irrégulière par la cour d'appel de Paris, qui entraîne, cinq ans après, la réintégration de deux salariés.

L'entreprise n'est plus à Bobigny (Seine-Saint-Denis) mais à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine). Sinon, les habitudes n'ont guère changé. Patrice Romano et Mohamed Moussi, licenciés à la suite d'un plan social en 1997, ont retrouvé leurs collègues après cinq ans d'absence... Le premier a réintégré le même service, les services généraux, le 7 février dernier. Le second, aide-magasinier, a été transféré dans un point de vente de peinture à Bercy, le 25 février.

Tout commence, en fait, en 1995, lorsque Euridep, filiale de Total, spécialisée dans la peinture (la Seigneurie), engage un plan de restructuration et décide de fermer le site de Bobigny ; 243 personnes sont concernées : 80 d'entre elles ont vu leur poste supprimé, tous les autres se voyant proposer des mutations vers d'autres établissements du groupe. Les représentants du personnel au Comité central d'entreprise (CCE) contestent la décision et dénoncent la démarche devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

Six ans de lutte

Commence alors une longue lutte qui durera six ans, de décembre 1995 à février 2002. Tribunal de grande instance de Nanterre, cour d'appel de Versailles, Cour de cassation, conseil des prud'hommes... Toutes les instances juridiques sont saisies. Avec l'appui de la CGT et de la CGC, le CCE tente tout ce qui est possible, allant jusqu'aux ministères de l'Industrie et des Finances. En 1995, un conseil municipal de Bobigny a même lieu en plein air devant l'usine d'Euridep pour plaider la cause des salariés licenciés.

L'opiniâtreté des syndicats et de leur avocat, Me Brun, a finalement payé. Le 14 février 2001, la Cour d'appel de Paris annule la procédure de licenciement collectif. Elle s'appuie sur un vice de forme : l'ordre du jour des séances du CCE concernant cette restructuration avait été fixé unilatéralement par la direction, sans accord du secrétaire du CCE, contrairement à ce que prévoit le Code du travail. Une « première », selon leur avocat. Deux salariés saisissent alors en référé le conseil des prud'hommes de Dijon, qui se prononce, le 18 dé- cembre dernier, pour leur réintégration dans un délai d'un mois sous peine d'astreinte de 166 euros par jour de retard. La société n'a pas dit son dernier mot et a fait appel de la décision. « Con- trairement à l'affaire Samaritaine (1), en 1997, plaide Me Béatrice Polla, avocate de l'entreprise, la justice ne remet pas en cause le plan social ni les mesures de reclassement, jugées satisfaisantes. Elle ne constate qu'une irrégularité de procédure. »

Vice de forme

Mais, en attendant la réponse, la défense des salariés s'organise et cette affaire pourrait donner des sueurs froides à plus d'un DRH. « Deux plans sociaux sur trois comportent des irrégularités de procédure », commente Me Brun. Les syndicats, la CGT et la CFE-CGC, militent aujourd'hui pour le paiement des salaires de Patrice Romano et de Mohamed Moussi comme s'ils n'étaient jamais partis de la société, soit, respectivement, 125 079 euros et 107 207 euros (à l'employeur de verser également à l'Urssaf les charges correspondant aux salaires). D'autres salariés devraient suivre : sept personnes licenciées ont d'ores et déjà engagé une action auprès des prud'hommes en vue de leur réintégration, et une bonne quarantaine de salariés se disent prêts à réclamer des dommages et intérêts (environ deux à trois ans de salaire). Au total, l'entreprise pourrait devoir verser quelques millions d'euros...

(1) En 1997, la Cour d'appel de Paris avait annulé le plan social de la Samaritaine, faute d'information suffisante donnée au CE et en raison du manque de mesures de reclassement de son personnel.

LA LONGUE BATAILLE JURIDIQUE

Fin 1995 : premier plan social.

Février 1996 : le TGI annule le plan social.

Avril 1996 : deuxième plan social.

Octobre 1996 : le CCE saisit à nouveau le TGI.

Mai 1997 : cour d'appel de Versailles.

Juin 1999 : Cour de cassation.

Février 2001 : cour d'appel de Paris.

Décembre 2001 : conseil des prud'hommes.

Février 2002 : réintégration de deux salariés licenciés.

L'affaire Wolber

Trop rentable pour licencier : c'est aussi sur cet argument que Me Brun a fondé sa plaidoirie dans l'affaire Wolber (pneus pour cycles), du groupe Michelin. Il a obtenu gain de cause, le 8 février dernier, puisque le conseil des prud'hommes de Soissons (Aisne) a condamné l'entreprise à payer 10 millions d'euros de dommages et intérêts à 162 de ses anciens salariés qui demandaient l'annulation de leur licenciement collectif, estimant qu'il n'y avait pas de cause économique réelle et sérieuse. Les indemnisations individuelles s'échelonnent entre 35 000 et 197 000 euros.

Il a, en revanche, débouté les salariés de leur demande d'annulation de licenciements, confirmant la validité légale du plan social. Mais l'avocat continue à militer pour la réintégration des salariés.

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