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Quand les syndicats font de la stratégie

SANS | publié le : 22.01.2002 |

La nouvelle législation sur les licenciements économiques consacre le droit des comités d'entreprise à opposer à la direction un contre-plan de restructuration. Une pratique déjà bien entrée dans les moeurs.

D u 26 au 28 octobre dernier, les habitants de Givors (69) étaient appelés à s'exprimer lors d'un référendum d'initiative sociale (voir Entreprise & Carrières n°598, du 20 novembre dernier). Le sujet de la consultation : les propositions alternatives à la fermeture de l'usine VMC (317 salariés), filiale du groupe BSN Glasspack, annoncée en avril 2001. « Dans ce contre-projet, élaboré en inter-syndicale avec l'aide d'un docteur en gestion proche de la CGT, nous proposons de moderniser le site et de construire un nouveau four, explique un délégué CFDT. Mais la direction ne nous écoute pas, elle reste butée sur la fermeture. » Alors même que, d'après les syndicats, cet investissement représenterait, après financements publics, un coût inférieur de 38 millions d'euros à celui de la liquidation. Les syndicats essaient de sensibiliser les politiques sur leur sort, alors que la direction vient de présenter un nouveau projet de restructuration (après l'annulation du premier par la justice) et un plan d'accompagnement social.

Contre-propositions industrielles

Le cas de VMC n'est pas isolé : « L'élaboration de contre-propositions industrielles, immédiates et crédibles, est non seulement une demande de plus en plus forte du mouvement syndical dans son ensemble, mais aussi, résolument, l'orientation de notre cabinet », souligne Serge Bouschet, directeur au groupe Alpha, spécialisé dans l'accompagnement des CE (il avait notamment aidé les élus de Moulinex à monter un contre-plan, avant que l'entreprise n'aille au dépôt de bilan).

L'élaboration de telles propositions alternatives s'appuie, en effet, souvent sur l'expert du CE nommé dans le cadre de la consultation livre III. « Nous ne nous limitons pas à nos spécialistes financiers, mais faisons également appel à des ingénieurs, des experts en plans sociaux...», souligne Serge Bouschet. Mais le projet prend parfois encore plus d'ampleur. Chez Danone, les élus du CCE ont ainsi fait des voyages d'études en Pologne et en Tchéquie, pour rédiger leur plan, qu'ils estiment parfaitement viable. « La direction n'a pas voulu le retenir, en expliquant que ce n'est pas parce qu'une solution préserve le plus d'emplois qu'elle est préférable, s'indigne Farid Djitli, délégué CGT chez Lu. Il est vrai qu'elle n'implique qu'un taux de rentabilité de 10 %, alors que la direction en veut 12 %. »

De la concertation au tribunal

Chez Péchiney Electrométallurgie à Marignac (Haute-Garonne), l'élaboration des propositions alternatives à la fermeture, annoncée en avril 2001, a, dans un premier temps, impliqué la direction. Un groupe de travail composé de membres du CCE, de la direction, ainsi que des ingénieurs et techniciens de l'entreprise, a planché dès le mois de juin pour imaginer comment combiner la poursuite de la production de magnésium et une activité de recyclage. Cinq essais techniques ont même eu lieu, durant l'été, au sein de l'usine. Malgré des résultats « encourageants », d'après Raphaël Thaller, directeur du cabinet d'expertise Cidecos conseil, qui a assisté les élus, « la direction a finalement estimé que les fondamentaux économiques n'étaient pas au rendez-vous, et a dit stop ». Alors même que les syndicats avaient réajusté leur projet face à la conjoncture incertaine, et accepté un fonctionnement de l'usine à un four et demi et 130 emplois (au lieu de trois fours et 250 postes initialement). Aujourd'hui, c'est devant la justice que les représentants des salariés ont porté la lutte, afin d'obtenir la poursuite de la consultation livre IV, que la direction estime close.

Les syndicats d'Aventis réclament un médiateur

Chez Aventis Pharma à Romainville (93), cela fait trois ans que les salariés et leurs représentants se battent contre le démantèlement de leur établissement, comprenant un centre de recherche et une unité de production. Après avoir vainement mis le site en vente, la direction a annoncé au printemps 2001 sa volonté de transférer une partie de l'activité recherche vers ses autres implantations en région parisienne. Les syndicats d'Aventis, en collaboration avec des scientifiques, ont alors formulé des contre-propositions, tout en contestant devant les tribunaux (avec succès) ce «plan social déguisé». « On pensait que la direction entendrait le bien-fondé de ces suggestions, explique Thierry Bodin, délégué syndical CGT. Mais aucune n'a été prise en compte. Elle s'est révélée complètement obtuse. » Les élus ont même tenté d'anticiper la loi de modernisation sociale, en demandant la nomination d'un médiateur. Ce que la direction s'est empressée de refuser. Aujourd'hui, les syndicalistes viennent de découvrir l'existence d'un rapport confidentiel d'un cabinet en stratégie, prévoyant la disparition pure et simple de la recherche à Romainville. Désormais, pour leur survie, ils espèrent plus des politiques que de la nouvelle loi : « C'est plus une question de rapport de force que de législation, estime Thierry Bodin. Si les pouvoirs publics ont la volonté d'intervenir, ils peuvent le faire. Surtout en période électorale.»