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Quand les juges tranchent

SANS | publié le : 22.01.2002 |

Les 35 heures n'ont pas fini de faire couler de l'encre. Après les DRH, les représentants syndicaux et les consultants, les accords d'ARTT arrivent dans les mains de nouveaux interlocuteurs : les juges. « Lors de la loi Aubry I, beaucoup d'entreprises ont travaillé à l'aveuglette, d'autant plus que celle-ci était incitative, se souvient Me Yasmine Tarasewicz, responsable du département droit social du cabinet Proskauer Rose. Les syndicats non signataires se sont dit qu'il serait toujours temps de réagir au moment de la deuxième loi. » Ceux-ci n'ont pas perdu de temps : les contentieux collectifs ont commencé, ils alimentent même un début de jurisprudence.

Principal point d'achoppement : les cadres. « Si la loi a clairement fait la distinction entre trois catégories de cadres, avec les dirigeants, les "autonomes" et les "intégrés", il n'en persiste pas moins un épineux problème d'interprétation », explique Alice Fages, consultante en droit social à l'ordre des experts-comptables Paris Ile-de-France. En particulier en ce qui concerne ces fameux cadres autonomes, déconnectés de l'horaire collectif et soumis au forfait jours.

« Trop d'entreprises abusent de ce régime. Certaines y ont fait passer l'intégralité de leur encadrement, voire ont nommé au statut cadre une partie de leur effectif pour les y intégrer. C'est pratique : 217 jours de travail et des journées pouvant aller jusqu'à 10 heures, sans avoir à payer la moindre heure supplémentaire », commente Maryse Dumas, de la CGT.

Contrôle des juges

Aux juges, ensuite, d'exercer leur contrôle. C'est chose faite pour les accords de Renault (1), de la Diac (filiale de Renault Crédit international) (2), d'Hachette (3) et de l'Association française des banques (AFB) (4). Et leur verdict a, dans ces affaires, donné raison aux syndicats, à l'instar de celui du TGI de Nanterre. Ce dernier a, en effet, condamné Renault pour avoir soumis à certains de ses cadres et ingénieurs un avenant aux termes duquel leur temps de travail n'est exprimé qu'en jours, alors que les juges ont constaté que le décompte en heures était possible pour certains. Même reproche adressé à la Diac, à laquelle les magistrats ont précisé qu'il « ne suffit pas d'une référence à une autonomie dans l'organisation du travail au titre des horaires variables et d'une certaine indépendance pour écarter toute notion d'équipe ».

Les entreprises découvrent donc à leurs dépens le monde qui sépare la théorie de la pratique, autrement dit les clauses encourageantes sur le papier mais irréalistes dans leur mise en oeuvre.

« L'avenir nous dira si ces ratés vont se traduire par des contentieux ou par un ap- prentissage progressif », ex- plique Gérard Bardier, directeur au cabinet de conseil BPI. Pour certains, cela ne fait aucun doute : la justice va être largement mise à contribution. « Il y a les entreprises qui ont réduit ou gelé les salaires, celles qui ont bénéficié d'aides en échange de création ou de protection d'emplois sans qu'elles respectent leur engagement, ou encore celles qui n'ont pas suivi les règles de consultation des partenaires sociaux (5), énumère Alice Fages. Un jour ou l'autre, les syndicats vont demander des comptes. » Sans oublier, ajoute Me Tarasewicz, « les contentieux individuels aux prud'hommes, consécutifs aux changements de contrat de travail »

(1) TGI Nanterre, 4 mai 2001, FGMM c/SA Renault.

(2) TGI de Paris, 19 décembre 2000, CFDT c/Diac et autres.

(3) TGI de Paris, 3 juillet 2001, Syndicat du livre-édition CFDT c/SA Hachette Livre.

(4) Cour d'appel de Paris, 16 mai 2000, AFB c/Fédération française des syndicats des banques et sociétés financières et autres.

(5) Cass. soc. 13 novembre 2001, n° 99-10.891, Sté Vivendi c/FO et autres.

REPERES

197 696 établissements, 83 985 entreprises et 7,1 millions de salariés sont passés aux 35 heures selon le dernier bilan du ministère de l'Emploi.

364 000

créations ou préservations d'emploi prévues.

Accord annulé chez Otis

Depuis le 12 octobre dernier, Otis n'a officiellement plus d'accord 35 heures. Ainsi en a décidé le tribunal de grande instance de Nanterre. Conclu par la société (5 500 salariés) et trois syndicats (la CFE-CGC, FO et la CFTC), le 21 décembre 1999, l'accord ARTT devait servir de schéma directeur à la négociation d'accords locaux d'adaptation. Mais c'était sans compter l'organisation syndicale FGMM-CFDT, militant pour l'annulation de deux articles relatifs à l'annualisation des horaires et au forfait jours. Le TGI a conclu que trop de mentions obligatoires manquaient à l'appel pour la mise en place de la modulation et que l'utilisation du forfait jours pour l'ensemble des cadres et agents de maîtrise était injustifiée. C'est l'intégralité de l'accord qui en pâtit. Pour l'heure, il reste appliqué jusqu'à nouvel ordre, selon une décision prise avec les partenaires sociaux. Avant les fêtes de fin d'année, une première réunion du CE a eu lieu en vue de la négociation d'un nouvel accord, mais rien n'est encore joué en ce début d'année.

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